Vive les émoticônes !
28 novembre, 2017« Si vous pouviez éviter de terminer mes phrases… »
« Vous ne parlez pas assez vite. Et puis, moi, je suis pressé de placer les miennes alors j’essaie de vous aider à terminer les vôtres. »
« On n’a pas le droit de parler lentement ? »
« Non, ça fait pépère. Les jeunes abrègent leurs mots, ça va plus vite et ça fait sympa. Comme un nouveau langage qui soude leur collectivité. »
« Oui, mais moi je parle français avec des phrases construites, des noms, des verbes, des compléments, tout ce qu’il faut… »
« C’est trop long. On n’est pas à l’académie française… »
« D’abord, comment savez-vous ce que je vais dire quand je commence mes phrases ? »
« C’est-à-dire que c’est tellement banal que ce n’est pas très compliqué de terminer. »
« Je m’insurge ! Parfois, j’ai des idées originales et comme vous terminez en disant le contraire de ce que je pense plus personne n’y comprend rien. »
« Moi, je suis un homme dynamique, je n’ai pas le temps d’attendre que vous ayez fini vos discours oiseux. Le mieux serait peut-être qu’on parle en même temps. »
« C’est ce qui se pratique couramment en effet, mais c’est encore pire. Tout le monde sort son monologue au même moment, on ne comprend rien de ce que dit l’autre et finalement ça n’a pas d’importance puisqu’on ne cherche pas à comprendre. »
« Je vous vois venir, vous allez me faire le coup du manque de communication dans un monde hyper connecté. »
« Le coup du manque de communication verbale, en effet. La preuve, c’est que lorsqu’on communique par Internet, on est obligé d’employer des petits bonhommes pour dire dans quel état d’esprit on dit ce qu’on dit. »
« Par exemple ? »
« Par exemple, lorsque je vous écris en maniant finement l’ironie ou l’humour au second degré, je suis obligé d’utiliser un petit bonhomme qui fait un clin d’œil. Sinon, vous allez tout prendre au premier degré et vous énervez ! »
« C’est vrai, on ne se rend pas assez compte de tout ce qu’on doit aux émoticônes. D’autant plus que la semaine dernière, vous vous êtes sûrement trompé : vous m’avez envoyé un émoticône qui me tire la langue. »
« Non, non, je ne me suis pas trompé. »
« Ah bon ? Dans ce cas, je me sens outragé. C’est un propos très déplacé de votre part. Attendez que je retrouve l’émoticône en furie. »
« Je vous préviens, l’émoticône qui me casse la figure n’existe pas. »