Restons élégants
« Je n’aime pas dire des choses vulgaires. »
« Vous avez donc été bien élevé. »
« Sans doute, mais employer des mots grossiers, ça me donne l’impression de me rouler dans la boue. La fange du vocabulaire en quelque sorte. »
« Mais dire des gros mots, ça peut vous faire du bien. C’est une manière d’extraire de vous-même des frustrations ou des colères refoulées. »
« Quand je suis en colère, je peux le dire de manière distinguée. »
« C’est compliqué. Il faut beaucoup de maîtrise pour insulter quelqu’un avec élégance. On devrait ouvrir des formations spéciales. »
« En effet, la vulgarité est une preuve d’inculture. »
« Il y a des moments où vous êtes bien obligé de ‘faire peuple’. Quand une voiture gêne la vôtre, vous devez dire : enlève ton tas de tôle, eh connard ! Sinon, vous ne vous serez pas compris de votre interlocuteur. »
« Je pourrais lui dire que son véhicule gêne le mien, tout simplement. Et puis, je ne me vois pas dire ‘eh connard’ à une dame. Maman ne serait pas contente. »
« Comment faites-vous au bureau ? En général, la grossièreté de langage est un des meilleurs moyens d’asseoir votre autorité sur vos collaborateurs, surtout quand vous sentez que votre compétence n’est pas à la hauteur. »
« Vous avez raison, la vulgarité est souvent une preuve de faiblesse. Je suis nettement au-dessus de ce genre-là. »
« Mais ça peut vous donner aussi un air viril. Les femmes se sentent rassurer quand une grosse brute les protège. »
« On peut très bien être athlétique, tout en restant élégant. Comme disent les anglais, le rugby est un sport de voyous pratiqué par des gentlemen. »
« Vous êtes un cas compliqué. Etre vulgaire ce n’est pas un crime contre l’humanité. C’est une manière d’affirmer qu’on a sa place dans le monde et de la faire respecter. C’est comme quand le chat commence à souffler et à se hérisser. C’est une manière de prévenir que, si ça continue, vous allez vous énerver. C’est le stade d’avant les coups. »
« Il est vrai que je n’aime pas non plus être violent. Dans le temps, on pouvait vider une querelle par un bon duel. On ne s’insultait pas, on se donnait simplement rendez-vous sur le pré. »
« Eh bien, vous n’avez qu’à considérer que s’insulter grossièrement est une forme édulcorée de duel. »
« C’est tiré par les cheveux, si je peux me permettre l’expression. Faut-il convoquer ses témoins avant de dire : va donc ! eh connard ! Comment vais-je considérer que mon honneur est lavé ? Y a-t-il des vulgarités supérieures à d’autres qui assurerait le succès ? »
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