Archive pour juillet, 2017

Noblesse oblige !

11 juillet, 2017

« Cher Dugenou ! Ça y est ! Je viens de finir mon arbre généalogique ! Et figurez-vous que je viens de découvrir que je descends d’une famille de haute noblesse. Nous sommes partis pour la première croisade, après laquelle le roi Louis nous a distingués ! »

« Félicitations »

« Alors, j’aime autant vous dire que maintenant, je ne suis pas n’importe qui. Mais j’ai du mal à faire respecter ma nouvelle condition. »

« Comment ? Les gens ne se découvrent pas à votre passage ? »

« Il faudrait d’abord qu’ils portent un chapeau. Il y a trois ou quatre siècles, les gens savaient vivre avec un vrai chapeau sur la tête. On ne peut pas me saluer correctement avec une simple casquette portée à l’envers.»

« Bon. Il vous faut des domestiques. »

« Bin… Josiane n’est pas tellement d’accord. Quand je lui commande de m’apporter une infusion, elle me répond que j’ai qu’à aller me la faire. »

« Alors, il vous faut des terres immenses pour chevaucher. »

« J’ai 300 mètres carrés dans mon lotissement et j’essaie de chevaucher Bernadette, mon ânesse, mais mes voisins ne trouvent pas ça normal, ils ont appelé la SPA. »

« Décidemment, la noblesse n’est guère respectée. J’espère au moins que vous vous exprimez en un langage châtié. »

« Evidemment, nom de D…  Enfin, pour qui me prenez-vous, misérable manant, pour mettre en doute la qualité de mon art oratoire ? »

« Comment se fait-il que vous adressiez la parole à moi, misérable homme du peuple ? »

« C’est vrai que nous ne sommes pas du même rang, mais il faut dire qu’il n’y a pas beaucoup de nobles dans mon lotissement. Et puis, je suis peut-être noble, mais je suis de mon temps. En respectant une distance suffisante, j’arrive à parler avec le peuple. »

« Vous connaissez la reine d’Angleterre ? Vous pourriez me présenter à Kate Middleton ? Elle est vraiment charmante ! »

« Je pense que je vais être reçue prochainement à Buckingham. J’ai adressé une supplique en ce sens au prince Charles. Je ne manquerai pas de mentionner l’existence minuscule du roturier Dugenou qui, par une bizarrerie immobilière qui m’échappe, est présentement mon voisin. Mais je ne suis pas sûr que ça va les intéresser. »

« Et votre fille, elle épouse toujours la fille du boucher. »

« Une mésalliance ? Vous voulez rire ! Je cherche un jeune homme de son rang ! J’ai du mal à distinguer du sang noble dans la cour de son école »

« Euh … si vous pouviez éviter de tondre votre pelouse le dimanche après-midi. C’est la loi, moi je bosse le lundi. »

« Comment ? Vous savez bien que nous, nous sommes dispensés de respecter les lois ! Allons, allons ! »

Cha alors !

10 juillet, 2017

A Châtellerault

Le châtelain

Aux cheveux châtains

A un chat

Blanchâtre

A qui il parle dans une langue châtié

Le chat court dans le château

Et dort sur un lit de châtaignes.

Les vertus du bistrot

9 juillet, 2017

« C’est quatre heures de l’après-midi et vous êtes déjà au bistrot. »

« Je vous ferais remarquer que vous aussi. »

« C’est normal. Le bistrot, c’est là où on va quand on a envie d’aller nulle part. »

« Vous pourriez aussi rentrer dans une église. Pour chasser votre mal être, ce n’est pas mal non plus. »

« Oui, mais, l’ambiance est moins détendue. Le bistrot, c’est le seul endroit où je peux picoler sans avoir de remarques désobligeantes. »

« Vous avez raison, mais le problème du bistrot, c’est qu’il y a toujours un moment où il faut rentrer chez soi en marchant à peu près droit. »

« Et là, chez vous, vous vous faites engueuler. Bistrot ou pas bistrot, vous avez droit à des remarques. »

« Moi je préfère bistrot. Le serveur a un regard compatissant, lui au moins. Ce n’est pas comme certaine que je ne nommerai pas. Le serveur a l’habitude de servir à boire à des gens à quatre heures de l’après-midi qui ne devraient pas boire à quatre heures de l’après-midi. »

« Oui et puis on peut lui parler au serveur. On peut lui dire n’importe quoi, ce n’est pas lui qui va chercher à comprendre. C’est agréable ! »

« C’est ça ! Je suis d’accord : notre problème, c’est qu’il faut toujours dire et faire des choses cohérentes et intelligentes. Les gens ne se rendent pas compte de l’effort que tout ça me coûte ! »

« C’est triste à dire, mais il n’y a plus beaucoup d’autres endroits où on peut déconner tranquillement. Dans le temps, il y avait le service militaire. Mais c’est fini ! Maintenant, il faut être performant et efficace. »

« Finalement le bistrot rend un grand service public : perdre la notion du temps et de l’espace. Ce sont les deux concepts qui nous stressent. Il faut voir dans quel état ils nous mettent. »

« Et puis l’intérêt du bistrot, c’est qu’on rencontre des gens qui pensent comme vous. Il n’y a pas besoin de chercher des arguments pour faire prévaloir un point de vue. »

« Il y a parfois des bagarres, mais la différence avec l’extérieur, c’est qu’on se met sur la gueule pour des prétextes complètement cons ou même pas de prétexte du tout ! »

« Eh oui ! En attendant, je me mobilise pour sauver ce bistrot, j’arrive de plus en plus tôt. L’idéal, ce serait que ce soit complet dès dix heures du matin. Sinon, ils vont nous le supprimer comme ils ont supprimé les lavoirs municipaux. »

« C’est vrai, ça. Ils vont nous obliger à boire chez nous, encore une tendance à l’individualisation de la société. »

« Ce n’est pas Josiane qui pourra me raconter n’importe quoi en m’apportant un bon whisky sans glace. »

« Si ça se trouve, ce sera nous qui serons obligés de l’apporter à nos femmes ! »

Elle !

8 juillet, 2017

Il gèle.

La belle

Michelle

Me hèle

Pour jeter du sel

Avec une pelle.

Je m’en mêle

Avec zèle

En me sentant des ailes.

Aïe ! Aïe ! Aïe !

7 juillet, 2017

Sur la muraille

Il y a des failles.

Ça caille

Malgré mon chandail

En maille.

Il n’est pas à ma taille

Et il sent l’ail.

En plus je baille.

Ce n’est pas un détail.

Pas terrible, le mec !

6 juillet, 2017

« Cher monsieur, vous savez que vous ne me plaisez pas du tout ! »

« Allons bon ! Qu’est-ce qui ne va pas chez moi ? »

« D’abord, vos lunettes à montures noires. Où avez-vous pris que c’est la mode ? »

« C’est ma sœur qui m’a conseillé de les prendre. »

« Elle devrait sortir un peu plus, votre sœur. Et vos grands yeux verts écarquillés, c’est votre sœur aussi ? Vous avez l’air complètement halluciné. Vous fumez ? »

« Pas du tout. J’essaie de m’intéresser au monde qui s’agite autour de moi. »

« Vous avez aussi un peu de couperose sur les joues et le nez. Vous êtes sûr que vous ne buvez pas ? »

« Certain. Un peu de jus de fruit de temps à autre. »

« Et votre tour de taille ! Qui c’est qui ne fait pas d’abdo-fessiers ? »

« Je n’aime pas trop. Par contre, j’ai de très belles épaules. »

« Bon ! Passons à vos tics. Vous vous rongez les ongles : je trouve ça horripilant ! Surtout le bruit de l’ongle qui craque sous votre dent. »

« Je suis un peu nerveux, il est vrai. Mais je suis d’un naturel très convivial. »

« A propos de dents, il en manque. Votre sourire est catastrophique. Essayez au moins de ne pas vous marrer.  Vous arrivez à manger normalement ? »

« Un peu de purée et des épinards, ça passe bien. »

« Et votre démarche, vous l’avez vue votre démarche ? Même un canard retraité n’oserait pas marcher comme vous. »

« Je vais tenter une démarche altière. C’est sûr que les canards qui barbotent sur la mare municipale vont être impressionnés. »

« Venons-en à votre culture. Si on peut appeler ça de la culture. Il faudrait commencer par abandonner votre hebdomadaire de télé comme unique lecture. »

« J’ai lu les Trois Mousquetaires, quand même ! »

« Et votre caractère ? »

« Qu’est-ce qu’il a votre caractère ? »

« Rien. Le problème, c’est que vous n’en avez pas. On vous sent un peu mollasson. Vous ne pourriez pas vous révolter un peu ? »

« C’est-à-dire que je suis assez satisfait de mon sort. »

« Et voilà, satisfait, content de lui. Comment voulez-vous m’intéresser dans ces conditions ? »

Filature

5 juillet, 2017

Je suis

Près du puit.

Puis,

Je le suis,

Lui,

Sans bruit,

Dans la nuit

Et sous la pluie.

Il frappe à l’huis

En mangeant un fruit.

Biture express

4 juillet, 2017

« Barman, ce n’est pas compliqué, c’est comme psy. On écoute les gens, on prend l’air intéressé, ils sont contents et ils recommandent un verre. »

« C’est fou ce que les gens ont besoin d’être écoutés… »

« … et de boire un coup. Moi, je suis obligé d’aller boire chez les concurrents, sinon je dois me confier à moi-même. »

« Et qu’est-ce qu’ils vous racontent vos clients ? »

« Que la vie est une vacherie ! Rares sont ceux qui s’estiment contents de vivre. Généralement, on ne confie pas son bonheur à un barman. »

« Et qu’est-ce que vous répondez ? »

« Je réponds : certainement, monsieur ! »

« C’est nul. Vous les encouragez dans leur déprime. »

« Ils n’ont pas besoin de moi. Moi, mon job, c’est de les faire boire des alcools chers, je ne vais tout de même pas les réconforter avec un jus d’orange. »

« Vous devez avoir beaucoup de solitaires. »

« Des largués par leurs conjoints surtout… qui me disent que les hommes ou les femmes sont tous ou toutes des sal…. »

« Et je suppose que vous leur répondez : certainement, monsieur (ou madame). C’est comme monsieur (ou madame) voudra. »

« Les femmes sont moins nombreuses, elles se réconfortent avec une copine qui a eu le même problème et qui leur confirme que tous les hommes sont bien des enc… »

« C’est gai, votre boulot. Et quand les gens sont complètement torchés, vous faites quoi ? »

« J’appelle Hubert qui arrive pour les ramener chez eux dans son taxi. Il va jusque dans leur chambre pour les border. Tout ça nous rapporte gros. On a donc fondé une entreprise ‘Biture express’. On peut se saouler et se faire ramener tranquillement. Dans la formule premium, nous envoyons le toubib le lendemain pour soigner la gueule de bois. Nous avons des formules d’abonnement pour les habitués, si ça vous intéresse. »

« Non pas vraiment. Je préfère aller voir le curé pour mes problèmes existentiels. Il ne boit que du thé. »

« Ah ! La concurrence low-coast ! »

« Votre activité est quand même un peu odieuse. Vous exploitez la misère humaine. »

« Ce n’est pas pire que le buraliste qui vous vend un billet de loto en vous faisant croire que vous allez être très riche. Ou le vendeur de téléphone qui vous promet que vous pourrez communiquer avec le monde entier. »

« Vous avez raison. Je reprendrais bien un scotch, s’il vous plait. »

Histoire cucul

3 juillet, 2017

Lulu

A fait bobo

A bébé

En jouant à dada

Avec Riri.

La nana

De papa

Lui fait mimi

Puis appelle sa tata

Qui vend des bibis.

Un grand modeste

2 juillet, 2017

« Je ne suis pas du genre à me vanter. »

« C’est bien ça. Il y a tellement de gens qui ramènent leurs fraises. »

« Vous avez vu ce que j’ai fait ? »

« Non. De quoi s’agit-il ? »

« Et voilà ! J’en étais sûr. Dès qu’on se la pète pas un peu, personne ne fait attention à ce que l’on fait. »

« Comment voulez-vous que je le sache si vous ne me le dites pas ? »

« Mais puisque je vous dis que je ne suis pas du genre à me vanter. »

« Dites-moi ce que vous avez fait de bien et je me répandrais en louanges. Je peux également m’exclamer d’admiration. »

« Bin, non… Moi, je ne la ramène pas. Je me distingue en toute discrétion, ce qui n’empêche pas que vous pourriez vous intéresser à mon travail. »

« Et je fais comment ? »

« Rien qu’à mon air modeste et pénétré, vous pourriez deviner un immense talent qui se cache derrière cette façade discrète. »

« Ce serait plus simple si vous m’exposiez votre œuvre. »

« Si je vous fais part de mon travail, j’aurais l’impression d’attendre des félicitations, ce qui me gênera. Je serais surement obligé de vous dire que je n’en mérite pas tant. »

« C’est un scrupule qui vous honore, mais vous méritez sans doute ma considération. Pourquoi vous en priver ? »

« Parce que je serais obligé de vous retourner un compliment, ce qui risque de faire passer ma prestation au second plan. »

« Vous ne seriez pas un peu compliqué, vous ? »

« Si. Mais justement, vous pourriez vous dire que cette complexité dissimule assez mal un être aux capacités hors normes. »

« D’accord, d’accord. Donc, je vous complimente sans savoir pourquoi. Je sens bien que derrière ce tempérament un peu chafouin, il y a un homme de grande envergure. »

« Vous avez raison. Si tout le monde suivait mon exemple, il y aurait un peu moins de plaisants qui viendraient faire leurs malins à la télé. »

« Je vous félicite pour votre grande réserve et votre mépris pour les honneurs artificiels. »

« Ce n’est rien, ce n’est rien. J’ai toujours eu l’habitude de faire mon devoir sans me vanter. C’est la moindre des choses. »

« Bon, alors maintenant, qu’est-ce que vous avez fait de si glorieux ? »

1234