Une grande bourgeoise
« Je vous préviens, je suis très sophistiquée. »
« Qu’est-ce à dire ? »
« Je ne suis pas du genre à trainasser en robe de chambre toute la journée. »
« Ah ! C’est embêtant ! Moi, j’aime bien, ça me donne l’impression d’être libre. »
« Pas question ! J’investis la salle de bains dès 9 heures. Vous avez intérêt à vous lever tôt si vous voulez être propre, parce que je n’en sort pas avant 11 heures. »
« Et après ? »
« Après, c’est l’heure où arrive mon coiffeur ! Allons, allons ! »
« Voilà qui doit coûter un bras ! »
« Vous n’avez qu’à vous débrouiller pour payer Sergio correctement. A midi, il me faut un déjeuner très diététique en vous conformant à mes goûts, évidemment. »
« Des frites, ça irait ? »
« J’ai dit : sophistiquée. Pendant que j’y suis, je m’exprime de manière très châtiée. Il faut me répondre de la même manière. Je ne suis pas d’un milieu populaire. »
« Bon et l’après-midi, alors ? »
« On va aux courses. »
« A l’hypermarché ? »
« Vous plaisantez ! Il n’est pas question que je pousse un caddy. Je parle des courses de chevaux sur l’hippodrome. A condition que j’ai une nouvelle tenue à montrer, évidemment. Et un chapeau à fleurs qui ravira mes amies ! »
« Vous avez une écurie ? »
« Non, mais on fera comme si j’en avais une. Vous vous exclamerez vivement pour encourager les chevaux que je vous indiquerai et je vous gourmanderai en vous disant de ne pas hurler comme un jeune godelureau ! »
« Bon ! Et quand j’aurais fini de me faire engueuler aux courses. »
« Nous irons prendre le thé avec Marie-Victoire. Il faudra que nous daubions sur le dos des gens que nous connaissons. Je compte sur vous pour récolter des racontars infames qui nous permettront de nous esbaudir. »
« D’accord, puis on rentrera en 308. »
« Dans votre voiture ? Quelle horreur ? Non, vous vous débrouillerez pour trouver une calèche, il faut que le peuple puisse m’observer. »
« Et pour le soir, un peu de télé ? »
« Vous voulez rire. Il faudra m’attendre pendant que je me change. Puis, direction l’Opéra, dans la loge que vous aurez retenue. Et après souper aux chandelles, chez mon ami Jean-Georges. Il y a toujours des gens très sophistiqués aussi. Il faudra que vous glissiez quelques mots d’esprit dans la conversation de manière que je puisse glousser de plaisir. »
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