Biture express
4 juillet, 2017« Barman, ce n’est pas compliqué, c’est comme psy. On écoute les gens, on prend l’air intéressé, ils sont contents et ils recommandent un verre. »
« C’est fou ce que les gens ont besoin d’être écoutés… »
« … et de boire un coup. Moi, je suis obligé d’aller boire chez les concurrents, sinon je dois me confier à moi-même. »
« Et qu’est-ce qu’ils vous racontent vos clients ? »
« Que la vie est une vacherie ! Rares sont ceux qui s’estiment contents de vivre. Généralement, on ne confie pas son bonheur à un barman. »
« Et qu’est-ce que vous répondez ? »
« Je réponds : certainement, monsieur ! »
« C’est nul. Vous les encouragez dans leur déprime. »
« Ils n’ont pas besoin de moi. Moi, mon job, c’est de les faire boire des alcools chers, je ne vais tout de même pas les réconforter avec un jus d’orange. »
« Vous devez avoir beaucoup de solitaires. »
« Des largués par leurs conjoints surtout… qui me disent que les hommes ou les femmes sont tous ou toutes des sal…. »
« Et je suppose que vous leur répondez : certainement, monsieur (ou madame). C’est comme monsieur (ou madame) voudra. »
« Les femmes sont moins nombreuses, elles se réconfortent avec une copine qui a eu le même problème et qui leur confirme que tous les hommes sont bien des enc… »
« C’est gai, votre boulot. Et quand les gens sont complètement torchés, vous faites quoi ? »
« J’appelle Hubert qui arrive pour les ramener chez eux dans son taxi. Il va jusque dans leur chambre pour les border. Tout ça nous rapporte gros. On a donc fondé une entreprise ‘Biture express’. On peut se saouler et se faire ramener tranquillement. Dans la formule premium, nous envoyons le toubib le lendemain pour soigner la gueule de bois. Nous avons des formules d’abonnement pour les habitués, si ça vous intéresse. »
« Non pas vraiment. Je préfère aller voir le curé pour mes problèmes existentiels. Il ne boit que du thé. »
« Ah ! La concurrence low-coast ! »
« Votre activité est quand même un peu odieuse. Vous exploitez la misère humaine. »
« Ce n’est pas pire que le buraliste qui vous vend un billet de loto en vous faisant croire que vous allez être très riche. Ou le vendeur de téléphone qui vous promet que vous pourrez communiquer avec le monde entier. »
« Vous avez raison. Je reprendrais bien un scotch, s’il vous plait. »