Un grand modeste
« Je ne suis pas du genre à me vanter. »
« C’est bien ça. Il y a tellement de gens qui ramènent leurs fraises. »
« Vous avez vu ce que j’ai fait ? »
« Non. De quoi s’agit-il ? »
« Et voilà ! J’en étais sûr. Dès qu’on se la pète pas un peu, personne ne fait attention à ce que l’on fait. »
« Comment voulez-vous que je le sache si vous ne me le dites pas ? »
« Mais puisque je vous dis que je ne suis pas du genre à me vanter. »
« Dites-moi ce que vous avez fait de bien et je me répandrais en louanges. Je peux également m’exclamer d’admiration. »
« Bin, non… Moi, je ne la ramène pas. Je me distingue en toute discrétion, ce qui n’empêche pas que vous pourriez vous intéresser à mon travail. »
« Et je fais comment ? »
« Rien qu’à mon air modeste et pénétré, vous pourriez deviner un immense talent qui se cache derrière cette façade discrète. »
« Ce serait plus simple si vous m’exposiez votre œuvre. »
« Si je vous fais part de mon travail, j’aurais l’impression d’attendre des félicitations, ce qui me gênera. Je serais surement obligé de vous dire que je n’en mérite pas tant. »
« C’est un scrupule qui vous honore, mais vous méritez sans doute ma considération. Pourquoi vous en priver ? »
« Parce que je serais obligé de vous retourner un compliment, ce qui risque de faire passer ma prestation au second plan. »
« Vous ne seriez pas un peu compliqué, vous ? »
« Si. Mais justement, vous pourriez vous dire que cette complexité dissimule assez mal un être aux capacités hors normes. »
« D’accord, d’accord. Donc, je vous complimente sans savoir pourquoi. Je sens bien que derrière ce tempérament un peu chafouin, il y a un homme de grande envergure. »
« Vous avez raison. Si tout le monde suivait mon exemple, il y aurait un peu moins de plaisants qui viendraient faire leurs malins à la télé. »
« Je vous félicite pour votre grande réserve et votre mépris pour les honneurs artificiels. »
« Ce n’est rien, ce n’est rien. J’ai toujours eu l’habitude de faire mon devoir sans me vanter. C’est la moindre des choses. »
« Bon, alors maintenant, qu’est-ce que vous avez fait de si glorieux ? »
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