Archive pour juin, 2017
A l’envers
9 juin, 2017Peut-on manifester son contentement ?
8 juin, 2017« Je suis très content. Les clients viennent, achètent. Mon chiffre d’affaires augmente régulièrement. Je fais des bénéfices. Je vis bien. »
« Vous êtes sûr que vous êtes commerçant ? »
« Oui, pourquoi ? »
« D’habitude, les commerçants rouspètent contre la concurrence d’Internet, les gens qui n’ont plus un rond pour acheter, les saisons qui ne sont plus comme elles devraient être… »
« Et moi ? Tout va bien. L’hiver a été normal, le printemps a été clément, les moissons s’annoncent bien. Le cours du lait remonte. »
« Quoi, les agriculteurs aussi sont contents. Et les grands distributeurs, ils ne vous exploitent plus odieusement ? »
« Non, ils ont compris qu’il ne fallait pas scier la branche sur laquelle ils étaient assis. Ils sont devenus raisonnables. »
« Et vous, les fonctionnaires, vous ne pourriez pas manifester. Enfin ! Tout le monde vous traites de fainéants et de planqués, c’est très insultant. »
«Pas du tout. Les gens ont bien compris que sans fonctionnaires, pas de services publics. En plus, ils sont ravis quand leurs gamins deviennent fonctionnaires. »
« Alors là, s’il n’y a plus personne pour râler, on n’est mal. Et vous les profs, vous ne pourriez pas bouger un peu ? »
« Désolé, ce n’est plus possible. Il n’y a plus un Ministre pour oser une réforme de l’Education Nationale. C’est assez déstabilisant pour nous. Voyez plutôt du côté des infirmières. »
« Non ! Les politiciens vieillissent et craignent d’avoir besoin de nous. Ils nous ont augmenté de 20 %. Donc, on ne peut plus rien dire. »
« Et les retraités, ça va ? »
« Avec les progrès de la médecine, on vit à 80 ans comme à 60. On va être payés de plus en plus longtemps à ne rien faire d’autre que de ses promener, on ne va tout de même pas manifester note contentement ! »
« Et les gamins ? Vous avez sûrement peur pour votre avenir. »
« Pas tellement, à vrai dire. Tant qu’on a des smartphones, et des écouteurs, tout va bien. De toute façon, ils ont construit des abris-bus incassables maintenant. Vous n’avez qu’à manifester, vous qui êtes si malin. »
« Non, je ne peux pas, je suis écrivain. »
« Et alors ? »
« Alors rien, un écrivain est heureux d’écrire. Il ne peut pas manifester contre le fait d’être heureux. »
Pleins d’ex
7 juin, 2017Un dragueur expérimenté
6 juin, 2017« Ne niez pas : nos yeux se sont croisés. »
« Peut-être, je cherchais une coupe de champagne. »
« A propos de champagne, j’ai bien constaté que votre prunelle droite pétillait de malice quand vous m’avez observé. »
« Je pétille souvent de la prunelle, ça ne veut pas dire grand-chose. »
« Et quand j’ai sorti des blagues à la cantonade, j’ai dû constater que vous étiez pliée de rire. C’est indiscutable. »
« Il faut dire que la tête des gens qui se marrent, ça me fait souvent rire par effet d’entrainement. »
« Bon ! Et quand j’ai commencé à vous réciter mon curriculum vitae, vous étiez complètement subjuguée. »
« Quand vous avez raconté que vous étiez employé à la Sécu ? »
« Non, lorsque j’ai expliqué que j’étais sous-chef du service juridique à la Sécurité Sociale et qu’une promotion prochaine n’était pas à exclure. »
« C’est quand même un peu moins excitant que Georges Dumoulin qui est animateur sur Radio Z et sauveteur en hélicoptère de montagne. »
« Il n’empêche que lorsque j’ai cité des pans entiers de Ronsard, votre œil droit brillait d’admiration devant tant de culture. »
« C’est vrai qu’en fin de soirée, j’ai toujours un peu de conjonctivite à l’œil droit. D’ailleurs, si vous connaissiez un bon ophtalmo, ça m’intéresserait… »
« Je vous ferais remarquer que vous avez littéralement fondu quand nous avons dansé le slow sur Love me tender ! »
« Ah bon ? Vous dansiez à ce moment-là ? Je croyais que vous vous dandiniez à cause de vos chaussures neuves au sujet desquelles vous m’avez assommé pendant une demi-heure. »
« Quand Gérard vous a monopolisé pour vous raconter des histoires de sa chasse au lion en Afrique, je suis intervenu pour vous délivrer de ce raseur. J’ai tout de suite perçu votre sentiment de reconnaissance à mon égard. »
« C’est-à-dire que je m’amusais trop bien, il me fallait quelqu’un qui me ramène sur Terre, car Gérard est un homme très séduisant. »
« Soyons clairs : moi aussi, je suis tombé sur votre charme. J’ai bien senti que vous étiez troublée quand je vous ai proposé de vous raccompagner. »
« C’était sympa, mais j’avais ma bagnole et que je n’avais aucune envie de me taper 40 kilomètres pour revenir la chercher. »
« N’attendons plus ! Jetez-vous dans mes bras, petite coquine ! »
Une histoire qui fera date
5 juin, 2017Les mous
4 juin, 2017« Je suis partisan du moindre effort. La plus belle conquête de l’homme durant ces 100 dernières années, c’est le canapé et le téléviseur. »
« Vous ne vous ennuyez pas ? »
« Si, un peu. Vous n’auriez pas un truc pour s’amuser ? Parce que j’en ai un peu marre de revoir un même film 15 fois en 6 mois à la télé. Comment faisaient-ils les seigneurs du Moyen-Age pour se distraire sans canapé ni téléviseur ?»
« Par exemple, ils convoquaient leurs vassaux et organisaient des festins qui duraient des heures, jusqu’au matin. »
« Moi, je n’ai pas beaucoup de chance, mes voisins n’ont pas tellement envie d’être mes vassaux et puis, je dois surveiller mon régime. Ce n’est pas avec mes attitudes sur le canapé que je risque de maigrir. Ils n’avaient pas d’autres idées, les châtelains ? »
« Si, ils faisaient venir des troubadours à la mode pour leur dire des vers racontant de merveilleuses histoires d’amour entre un vaillant guerrier et sa belle dame. »
« C’est-à-dire que ma femme risque de me demander à quelle date j’ai l’intention de me transformer en vaillant guerrier… »
« Bon, alors vous pourriez organiser, au coin du feu, une conversation spirituelle de haute tenue avec le curé de votre village après l’avoir invité à diner. »
« Non plus. L’abbé Canne est un ascète qui ne fréquente pas tellement les diners et, en plus, il ne connait rien à la ligue des Champions. »
« J’ai une autre idée : vous pourriez aller vous coucher. »
« Euh… se coucher à 18 heures en hiver, c’est un peu gênant. Je ne me vois pas quitter le boulot à 17 heures sous prétexte que je dois commencer ma nuit. Je vais encore avoir des histoires avec le patron qui me reproche déjà mon manque de dynamisme. »
« Vous devriez consulter le corps médical ! »
« Non, ce n’est pas médical, c’est religieux. Je fais partie du peuple maudit des « mous ». C’est une punition divine que nous devons tous endurer : s’emmerder à partir de 20 heures 30, après le journal télévisé, en attendant l’heure d’avoir sommeil. »
« C’est assez terrible comme supplice, on se demande ce qu’ont fait les « mous » pour mériter ça. »
« Rien, nous n’avons rien fait. C’est pour ça que nous sommes les « mous », nous ne faisons rien de constructif, à part râler contre tout, peut-être. Ou alors demander à la ronde ce qu’on bouffe ce soir ou ce qu’il y a à la télé ce soir. »
« C’est intéressant. On peut essayer ? Vous organisez des stages de mollesse ? J’aimerais bien me rendre compte par moi-même. J’en ai un peu assez de passer mes soirées au bistrot avec les copains ou à jouer au scrabble avec ma femme. Je voudrais essayer de m’ennuyer sur mon canapé qui ne sert à rien. »