Archive pour mars, 2017

Pourquoi faire son ménage ?

21 mars, 2017

« Quand je viens de finir mon ménage, j’ai toujours un instant de sidération. Je me demande à quoi sert ce que je viens de faire. »

« Moi aussi, puisqu’il faudra recommencer la semaine suivante. »

« Il s’en faudrait de peu pour que je ne fasse pas mon ménage. »

« Vivre dans le désordre et la saleté est socialement inacceptable. »

« Sauf que personne n’est au courant. C’est encore mon imagination qui travaille. Comme s’il y avait quelqu’un en moi qui me dise que c’est mal de ne pas faire mon ménage. »

« On se demande comment cette personne « interne » a été informée de ce qui est bien et de ce qui est mal. »

« L’éducation…les parents… »

« Qui ont été eux-mêmes conditionnés par leurs parents… Au début des temps, qui a décidé qu’il fallait faire le ménage ? … »

« Il y a des responsabilités à éclaircir. Par exemple, je me demande quel est le premier chat qui a décrété qu’il fallait que ses congénères fassent leur toilette plusieurs fois par jour. »

« C’est sûrement le même que celui qui a inventé la toilette du matin pour les humains, il devait avoir le dégout facile. Le plus fort c’est qu’il a transmis son dégoût aux générations suivantes. »

« Ce n’est pas Henri IV. Il ne se lavait pas, sentait très mauvais, ça n’indisposait pas ses maîtresses. »

« Elles avaient d’autres avantages qui leur permettaient de faire semblant de ne rien sentir. En fait, la question, c’est de savoir d’où vient la notion de dégout. »

« Eprouvez du dégout, c’est une chose. Mais l’éprouver soi-même, c’est très déstabilisant. Vous vous sentez très coupable. Se dégouter soi-même est une épreuve difficile. »

« Si en plus, vous dégoutez les autres, ça devient doublement gênant. Tout le monde n’est pas Henri IV. D’où la nécessité d’employer une femme de ménage. »

« Dans le ménage, il faut distinguer : enlever la saleté et ranger les choses. La saleté me dérange, par contre ne pas ranger ne m’indispose pas tellement. »

« Et pourtant, en remettant chaque chose à sa place, vous vous y retrouvez plus facilement. »

« Ce n’est pas sûr. Si je mets une chose à sa place, il faut que je me souvienne où est cette place. Par contre, si je laisse trainer la chose en question sur un meuble, je ne suis pas obligé de me demander où est sa place et donc, je la retrouve plus vite. »

« Eh ben… ça doit être beau, chez vous ! »

« Et voilà ! Le problème ce n’est pas mon désordre, c’est le regard que vous portez sur ma pagaille et par extension la mauvaise opinion que vous avez de moi. »

Alphabet

20 mars, 2017

Elle

Aime

Prendre le thé

Et jouer aux dés.

Puis, dans tous les cas,

Elle erre

Sans haine

Au bord de l’eau.

N’importe quoi

19 mars, 2017

« Vous allez où, comme ça ? »

« Je ne sais pas. »

« Comment ça, vous ne savez pas ? Mais on doit savoir où l’on va ! Ce n’est pas possible autrement ! Ne pas connaitre son but, ça n’existe pas ! »

« Eh bien, si ! J’avance au hasard dans les rues ! »

« Ah bon ! Et vous pensez y aller en combien de temps ? »

« Aucune idée, je vais vers un but que j’atteindrais peut-être ou peut-être pas dans un temps que je ne connais pas. »

« C’est dingue ça ! »

« Pas tant que vous croyez ! Se délivrer de toute contrainte de lieu et de temps, ça me fait un bien fou. Vous devriez essayer. Venez avec moi. »

« Je peux m’en foutre avec vous ? »

« Bienvenu ! On va pouvoir y aller ! »

« Où ? »

« Je n’en sais rien ! Nous avons rendez-vous n’importe où. »

« Ah oui, c’est vrai ! Excusez-moi je débute ! Je ne vous demande pas l’heure du rendez-vous, évidemment ! »

« Voilà, vous commencez à progresser ! »

« Comment je fais ? Je marche n’importe où, n’importe comment ? »

« Oui, c’est ça ! Encore un effort et vous allez faire n’importe quoi comme moi ! C’est bien ! Vous sentez le bienfait ? »

« Ah oui, je me sens beaucoup mieux, dites donc ! J’ai l’impression que je me fous de tout ! Ça fait longtemps que vous faites ça ? »

« Oui, ça fait plus de 40 ans que je me fous de tout. Mais les je-m’en-foutistes sont plus nombreux que vous croyez ! »

 « Et si ma femme m’appelle ? »

« Dites-lui que vous êtes n’importe où et que vous rentrerez n’importe quand. Si elle insiste bêtement, dites-lui de venir s’en foutre avec nous. »

« Elle ne va pas beaucoup apprécier ! »

« Vous vous en foutez aussi. Se passer du souci du lieu et du temps, ça ouvre la voie à beaucoup d’autres tranquillités. »

« C’est vrai ! Je viens de manquer l’heure du journal télévisé. Je me sens un autre homme ! »

Cor à corps

18 mars, 2017

Il tire encore

Des accords

De son cor.

Malgré son cor,

Il est en accord

Avec tout son corps.

C’est un record,

Un vrai score.

Le boxeur anglais

17 mars, 2017

En Occident,

A proximité

D’Oxford,

Dans son box,

Il boxe

En écoutant son jukebox.

Il ne manque pas d’oxygène.

Ce n’est pas de l’intox.

Un nullard

16 mars, 2017

« Je n’ai aucune personnalité, c’est consternant. »

« C’est à ce point ? »

« Oui, je fais attention de m’habiller comme tout le monde, pour me fondre dans la foule. De loin, personne ne me reconnait. C’est l’anonymat complet. Même mon chien hésite à me reconnaître ! »

« Pourtant, vous parlez comme un être humain. Vous avez des idées. »

« Je dis ce que tout le monde dit. Je fais attention de ne pas être original, c’est dangereux. On pourrait m’en vouloir. »

« Ça doit être compliqué de ne jamais sortir quelque chose d’intéressant. »

« Pas tellement, il suffit de suivre le résultat des sondages pour savoir ce que tout le monde pense. Vous dites la même chose et vous avez la paix ! »

« Et en société, ça se passe comment ? »

« Je me mets dans le cercle, je rigole quand tout le monde rigole et je hoche la tête lorsque les autres parlent. Je n’ai pas la moindre envie de me mettre quelqu’un à dos. »

« Vous avez bien un petit talent. »

« Je ne sais rien faire, comme ça on me demande rien. Remarquez, il y a des vicieux qui me demande comment on fait pour ne rien savoir faire. »

« Effectivement, c’est un peu pervers. Et au boulot, comment ça se passe ?»

« C’est là le plus compliqué. Un type qui ne sait rien faire, ça se repère facilement. Il y a bien des trucs : traverser les couloirs avec les bras chargés de dossiers, par exemple. »

« C’est un peu insuffisant tout de même ! »

« Ou alors, je téléphone toute la journée à n’importe qui. Personne n’ose interrompre mes communications. Quand je n’appelle pas, je demande à un copain de faire sonner mon téléphone ou bien je lis mes mails publicitaires jusqu’au bout. »

« Et au moment de l’entretien d’évaluation avec votre patron, vous dites quoi ? »

« Je dis que je ne sais rien faire. »

« Il ne doit pas être satisfait de vous. »

« Si ! Il rigole ! Quand vous dites la vérité d’un air benoît, les gens se marrent. Je ne sais pas pourquoi, mais c’est comme ça. Du coup, il m’aime bien, je passe pour un joyeux drille qui met une bonne ambiance dans l’entreprise. »

« Vous comptez faire de la formation. »

« Non, c’est bien trop risqué. Je n’ai pas envie d’être spécialisé dans quelque chose, on pourrait me poser des questions. Je suis plus tranquille dans ma nullité. »

Leçon sur les fractions

15 mars, 2017

Le patron est un trois-quarts de rugby.

Son équipe a été battue en quart de finale.

Il m’a servi un demi moussu.

J’en profite pour goûter son quatre-quarts.

Le car m’attend devant la porte du bistrot, car le car est vide.

Le bar ne fermera pas avant moins quart.

La moitié du patron prendra ensuite le quart.

Ce n’est pas une demi-portion, ni une demi-mondaine.

Elle part au quart de tour.

 

Prévisionniste

14 mars, 2017

« Vous vous êtes encore trompé. Vous n’avez pas honte ? »

« Qu’est-ce que vous voulez que j’y fasse ? Moi, mon job, c’est de dire le temps qu’il va peut-être faire à la télé. Je le fais avec un joli sourire et hop ! Emballez, c’est pesé ! »

« Oui, mais enfin, vous aviez annoncé grand soleil et le résultat, c’est que je suis trempé comme une soupe. »

« Ce n’est pas de ma faute, je dis ce que me disent de dire les ingénieurs. Eux, on ne les voit jamais, alors quand ils se plantent, c’est toujours sur moi que ça tombe. »

« Vous pensez continuer votre métier longtemps ? »

« Oui. Le problème, ce n’est pas tellement qu’on se trompe, c’est que les gens aiment qu’on leur prévoie quelque chose pour leur avenir immédiat. Ils ont peur de leur destin, alors s’ils arrivent à anticiper, ils ont au moins l’impression de maitriser quelque chose, même s’ils se gourent. »

« C’est vrai qu’on a tous envie de connaitre l’avenir. »

« Si ça peut vous aider, je peux vous annoncer que demain, c’est vendredi et que quelqu’un va dire : enfin, le week-end ! »

« Merci bien, vous me gâchez mon plaisir. »

« Il faudrait savoir ce que vous voulez. Moi, j’ai des flashs incontrôlés. Par exemple, je sais que samedi, vous vous rendrez au supermarché pour faire vos courses avec votre femme Josiane ! »

« Comment connaissez-vous le prénom de ma femme ? »

« Pas d’inquiétude. La majorité des bonnes ménagères de votre âge ont des prénoms charmants, mais un peu vieillots. J’ai tenté ma chance au hasard. »

« Vous ne pourriez pas me faire des prévisions à plus long terme ? Par exemple : est-ce que je vais faire fortune ? »

« Non. Vous n’allez pas faire fortune. »

« Vous êtes sûr ? »

« Oui, c’est une prévision que vous ne contesterez pas. Si vous restez pauvre, j’aurais raison. Si vous devenez riche, vous serez tellement content que vous ne penserez même plus à me faire remarquer mon erreur. Peut-être même que vous m’inviterez à diner pour fêter ça. »

« Finalement, quelle importance de connaître l’avenir ? « 

« Aucune, donc je peux continuer à la prévoir tranquillement, ça ne dérangera pas ceux qui ne croient pas ce que je dis. »

« Et pour ceux qui attendent fébrilement vos bulletins météo trompeurs, vous pensez un peu à leur déception ? »

« Oui, mais moi je leur fournis un thème de rouspétance autour de la machine à café. Vous savez bien que les gens adorent dire du mal dès qu’ils sont en groupe. Je leur rends service. »

La triste histoire de Mado

13 mars, 2017

Mado

Danse le fado

Sur un radeau

Avec un ado

Et un badaud

Crado

Comme un clodo.

Ce n’est pas un cadeau.

 

Dans l’ascenseur

12 mars, 2017

« Vous allez à quel étage ? »

« Quarante-troisième … »

« Moi, je suis au quarante-septième… »

« Vous pourriez me parler. »

« Pourquoi ? »

« Avec vous, je pourrais avoir ma seule conversation humaine de la journée. Pour le reste du temps, je communiquerai avec des gens que je n’ai jamais vus par mail. »

« C’est ennuyeux, mais nous n’avons pas le temps de converser. »

« Si, j’ai tout calculé. En tenant compte des arrêts aux différents étages, nous avons quatre minutes et demi. »

« Une discussion de quatre minutes et demi, ça va être compliqué. On va être obligé de se dire qu’il fait froid. »

« Bon déjà, une minute quarante-cinq de passé. Il fait froid, mais je m’en fous. Dites-moi quelque chose d’intéressant. »

« Vous en avez de bonnes ! Vous n’avez qu’à trouver un sujet, vous ! »

« Déjà deux minutes trente et on en sort pas. Je vous signale qu’hier quelqu’un m’a parlé de la culture du rhododendron. C’était passionnant. »

« Je n’ai pas la main verte. Je peux vous faire une analyse du dernier match du PSG. »

« Trois minutes. Non, je ne m’intéresse pas au foot. Vous n’avez rien sur l’économie chez les aztèques ? »

« Désolé, je suis un être assez frustre. Sur chaque départ d’ascenseur, il devrait y avoir une liste de sujets envisageables durant le parcours. Genre : dans cet ascenseur, on parle littérature ou bien éducation des enfants… »

« Vous avez raison, mais on en est déjà à quatre minutes et vous n’avez pas démarré un sujet acceptable. »

« Vous non plus. »

« Nous n’avons pas le même niveau culturel. Il faudrait que vous progressiez un peu. Prenez un abonnement à l’opéra. »

« Bon, pour me rattraper, je pourrais vous donner rendez-vous à la machine à café à onze heures. C’est le seul endroit où on peut encore blablater. D’ici là, je me serai renseigné sur les aztèques. »

« D’accord, je descendrai à la machine de votre étage, j’espère qu’il y a du thé, je supporte assez mal le café. »

« Je vais vérifier et je vous envoie un mail. »

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