Archive pour le 23 mars, 2017

Les bons et les méchants

23 mars, 2017

« Pourquoi tant de haine ? »

« C’est normal, chacun de nous haïssons quelqu’un ou même de nombreuses personnes : le gouvernement, les patrons, les chanteurs de variété, son ex, sa belle-mère etc.. Nous nous construisons dans l’adversité. »

« Moi, j’aime des gens, pourtant. »

« Comme tout le monde. Il y a deux camps : ceux qu’on aime et ceux qu’on déteste. Les bons et les méchants. On en est tous encore là. »

« Vous êtes sûr ? »

« Evidemment, quand vous allez au foot, vous considérez que votre équipe locale est la plus forte et qu’il est donc naturel qu’elle gagne. Si vous soutenez l’équipe visiteuse, vous allez vous faire casser la figure. »

« Mais quand même… les bons contre les méchants, c’est un peu puéril, vous ne trouvez pas ? »

« Si, mais c’est comme ça. Personne n’a encore très clairement identifié les mi-bons, mi-mauvais. Ce serait une grande nouveauté. »

« Mais, moi j’aime tout le monde. »

« Vous ne pouvez dire que vous aimez plus votre patron que votre mère ou vice-versa, vous faites forcément une hiérarchie. Ceux qui sont au bas de la hiérarchie vont considérer que vous les aimez moins, puis par un glissement sémantique que vous les détestez. »

« C’est compliqué, votre truc. »

« Oui, d’autant plus que vous allez vous faire avoir. Si vous dites que vous aimez tout le monde, il y a forcément des gens qui vous détestent et qui vont profiter de votre insondable naïveté. Du coup, vous aurez deux solutions : ou bien vous ne vous apercevez pas de leurs détestations, les autres se moqueront de vous et vous finirez par les détester au bout d’un certain temps, ou bien, vous prenez leur haine en considération et vous les haïrez tout de suite. Dans tous les cas, ça se passe mal.»

« C’est vrai, je suis coincé dans tous les cas de figure. Et si je restais indifférent aux autres ? Il semble que ça se fasse. Il suffit de dire qu’on se fout de son prochain. »

« Il faut s’en foutre si vous voulez, mais ne pas le dire, sinon tout le monde va vous tomber dessus en dénonçant votre égoïsme. »

« Bon, alors je fais quoi ? »

« Constituez l’équipe de ceux que vous aimez et celle de ceux que vous détestez. Les bons contre les mauvais. En général,  ça dégénère en bagarres. C’est comme ça que ça marche depuis que les hommes sont les hommes. »

« Mais moi, je n’ai pas tellement envie de me battre ! »

 « Si vous ne voulez pas vous battre contre ceux que vous détestez, il vous reste une solution. Allez prendre le thé avec un de ceux que vous détestez. On vous le reprochera dans votre camp. Prenez alors un air indigné en disant que nous sommes entre êtres humains et que nous pouvons dialoguer de manière civilisée avec des adversaires. Personne ne vous dira le contraire. »