Quelle mauvaise éducation !
9 mars, 2017« Je suis assez désinvolte. »
« Ah bon ? Pourquoi ? »
« Je n’en sais rien. Je fais comme si j’étais chez moi, partout. Je n’aime pas me laisser impressionner par les bonnes manières. »
« Les autres ne trouvent peut-être pas vos façons très agréables. Après tout, les bonnes manières ont été inventées pour mieux vivre ensemble. »
« On s’en fout ! Un peu de naturel dans cette société d’hypocrites ! »
« Et en quoi consiste votre désinvolture ? »
« Par exemple, quand je vais chez les gens, je n’apporte rien. Je viens les mains vides. Puisque je suis invité, je ne vois pas bien pour quoi je devrais payer quelque chose. Apporter une bouteille ou un bouquet, ce n’est plus une invitation, c’est un échange ! »
« Non, vous ne payez rien. Si vous achetez un bouquet de fleurs, ce n’est pas une contribution, c’est pour marquer votre gratitude à l’égard de la maîtresse de maison qui a pris soin de vous convier parce qu’elle apprécie votre présence. »
« Pff…En fait, c’est elle qui a de la chance que j’accepte son invitation. Je pourrais très bien ne pas apprécier sa présence.»
« Si je comprends bien, vous avez éliminé tout savoir-vivre de votre comportement. »
« Oui. Je veux agir selon mon savoir-vivre, à moi ! »
« Si chacun a son savoir-vivre, nous voilà de nouveau dans la loi de la jungle. Vous risquez d’être dévoré par plus fort que vous. Imaginez que vous grilliez la politesse à toute une file d’attente à la boulangerie et qu’un colosse vous casse la figure pour vous faire comprendre qu’il faut respecter la file. »
« C’est impossible ! D’abord, je jette un coup d’œil pour m’assurer qu’il n’y a pas de colosse ! Et puis, si je me fais matraquer, je porterai plainte à la police. On n’est pas entre sauvages, tout de même ! »
« Vous êtes un peu de mauvaise foi. »
« C’est possible, ça va avec ma désinvolture. Nous sommes dans une société où il faut toujours se justifier. Donc moi comme je suis désinvolte, je dois trouver des arguments qui sont nécessairement pourris. Si vous croyez que c’est facile ! Il me faut beaucoup d’imagination. »
« Je compatis. »
« Les gens comme vous ne me comprennent pas. Je suis le seul à respecter ma liberté. Et ma liberté doit être sans limite, sinon ce n’est plus ma liberté. »
« Bon, en attendant, je n’ai plus assez de sièges ! J’espère que je ne vais pas porter atteinte à votre liberté, mais il faudrait que vous vous asseyiez parterre puisque vous êtes le seul à être venu avec les mains vides. »