Archive pour le 7 mars, 2017

De l’usage des réseaux sociaux

7 mars, 2017

« Je prends du jus d’orange au petit déjeuner »

« Pourquoi vous nous dites ça ? On s’en fout un peu. Nous n’avons aucune intention de vous inviter à dormir chez nous. »

« Alors, comme ça, dans votre chronique, je ne peux même pas faire connaître mon mode de vie aux lecteurs ? »

« Bin… non, c’est sans intérêt ! »

« Encore de la discrimination. Quand Johny Halliday met deux sucres dans son café, toute la planète est au courant, tandis que si je détaille mon menu du matin, tout le monde s’en fiche ! »

« Le petit problème, c’est que vous n’êtes pas Johny Halliday. Donc vous n’êtes pas très intéressant au-delà de votre cercle familial. Et encore. »

« Heureusement qu’il y a Facebook. Enfin un endroit où je peux informer le monde entier. »

« Vous croyez que vos petites affaires quotidiennes vont intéresser les cinq continents ? »

« Pourquoi pas ? Bon d’accord, le fait que je boive un jus d’orange ne va bouleverser la marche du Monde, mais ça change ma vision de la journée. Il est important que j’en fasse part. Ce qui est écrit est supérieur à ce que je dis. Quand je vois ce que j’écris sur Facebook, je me sens devenir important, puisque ce que je fais est ECRIT ! Vous comprenez ? »

« Pas trop, non. »

« Je vois ce que c’est : vous snobez les pauvres hères comme moi qui se livrent sur Facebook. Vous préférez sans doute des conversations d’un autre niveau. »

« Pas spécialement, mais j’aime mieux ne pas passer mon temps à remplir des pages de Facebook avec des futilités. »

« Bon, d’accord, alors parlez de moi dans votre blog. »

« C’est-à-dire que mon blog est réservé à des réflexions profondes sur le sens de la vie. Remarquez que je pourrais vous citer pour illustrer les ravages de l’addiction aux réseaux sociaux ! »

« Et voilà, j’en étais sûr :  je suis un drogué, maintenant ! Figurez-vous que nous sommes tous des drogués, puisqu’on a tous le besoin d’exprimer ce que l’on est. Autrefois, on pouvait raconter sa vie au guichet de la poste ou de la banque, maintenant allez donc faire part de vos états d’âme aux guichets automatiques ! C’est comme ça, même pour vous qui faites votre malin. »

« Mais puisqu’on vous dit que votre petit déjeuner n’intéresse personne ! »

« Chacun existe avec les moyens à sa mesure. De toute façon, votre dédain aristocratique est dépassé. Supprimer Facebook, et vous allez avoir des hordes de frustrés qui vont vous tomber dessus avec leur menu du matin entre les dents. »

« Vous êtes en train de me dire que Facebook est un instrument de régulation de la colère populaire ? Un instrument de politique au service des conservateurs ? »

« Euh… je n’en sais rien. Puisque c’est comme ça, je vais écrire sur Facebook que j’ai rencontré un anti-facebook. J’aime autant vous prévenir que ça va remuer ! Vous allez être détesté ! Rappelez-moi votre nom ! »