Pause-café

« De quoi pourrait-on se plaindre aujourd’hui ? »

« Hier, on s’est plaint du temps. Il faisait trop chaud. On ne va pas discuter sur le fait qu’il fait trop froid aujourd’hui ! »

« On pourrait fustiger les programmes de télé, toujours aussi nuls. »

« C’est bien, mais Mollard va encore nous répondre qu’on n’a qu’à ne pas les regarder. »

« Il en a de bonnes : comment peut-on savoir qu’ils sont nuls, si on ne les regarde pas ? »

« Bon, alors plaignons-nous de la direction ! Ils n’ont pas réparé la machine à café, c’est indiscutablement du mépris de classe ! »

« Oui, mais en même temps, ils nous en ont acheté une nouvelle. »

« Ils font vraiment tout pour nous casser les pieds. C’est comme cette façon de changer la moquette dans les bureaux. C’est vrai qu’elle était dans un état désastreux, mais ça nous prive d’un sujet de mécontentement. »

« Alors, nous pourrions nous indigner contre les politiciens qui s’en mettent plein les poches ? Il y a longtemps qu’on ne l’a pas fait celle-là ! »

« On l’a fait la semaine dernière, mais voilà huit jours qu’aucune nouvelle affaire n’est sortie dans les journaux. Le rythme baisse. Qu’est-ce que fait Le Canard ? »

« Alors, il ne nous reste pas grand-chose pour rouspéter. On ne va tout de même pas se féliciter de quelque chose dans nos pauses-café ! »

« Ce serait mal venu, en effet. Il faudrait faire venir, Josiane. Elle a toujours mal quelque part. Avec ses migraines ou ses rhumatismes, nous pourrions tenir une bonne demi-heure. »

« Si on lance Gérard sur sa femme et ses gosses, on peut gagner un quart d’heure supplémentaire. »

« Et si Mollard passe en nous faisant remarquer qu’on prend des pauses à rallonge. »

« On fait comme d’habitude. On lui fait remarquer qu’il s’oppose à la liberté d’expression des salariés. En général, ça culpabilise bien les chefs. »

« Il va nous dire qu’on se plaint vraiment de n’importe quoi et que les Chinois ne font pas de pauses-café pour se plaindre de leurs misérables conditions de travail. »

« Ce qui ne m’étonne pas de lui. Comme si c’était de notre faute, si la vie quotidienne est comme elle est. On pourrait le charger de parler des rhumatismes de Josiane ou de la femme de Gérard, il verrait si c’est si facile que ça ! »

« C’est vrai ça, Mollard, il ne se plaint jamais de rien ! Même pas du temps ! On ne sait rien de ses problèmes de couple ou de voiture ! »

« Ce n’est pas très correct de sa part ! J’ai toujours pensé que c’est un personnage sournois, qui nous cache quelque chose ! »

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