Archive pour le 26 février, 2017

La grève !

26 février, 2017

« Les bus sont en grève, ce n’est pas la peine d’attendre. »

« Si, c’est la peine. »

« Ah bon, pour quoi ? »

« Je montre ma solidarité. Si les conducteurs sont en grève, c’est sûrement pour de bonnes raisons. Pour amplifier leur mouvement et provoquer une prise de conscience générale, je rends visible leur mouvement social par ma présence stoïque. »

« Et quand la télé est en grève, vous restez aussi devant votre écran. »

« Bin … non, parce que personne ne me voit. Par contre lorsque les éboueurs s’arrêtent de bosser, je me dépêche de sortir toutes sortes de poubelles sur le trottoir pour qu’on se rende compte de leur absence. »

« Finalement, vous avez peut-être raison, pour pouvoir faire grève, Il faut que votre absence soit remarquée, et pour qu’elle soit remarquée, il faut qu’elle soit gênante pour les autres. Merci de paraître gêné par la grève des autres. »

« Je vous en prie ! »

« Donc, si je vous suis bien. Votre présence obstinée à cet arrêt de bus fait prendre conscience à la population, qui vous observe avec intérêt, de l’utilité des transports en commun pour qu’un pauvre hère comme vous n’en soit pas réduit à attendre un bus qui ne viendra pas. »

« Voilà, vous avez tout compris. »

« Bon, moi, quand je suis à mon travail, personne ne me remarque. Quand je m’absente, personne ne remarque non plus mon absence.  Puisque c’est comme ça, je vais me mettre en grève aussi, et je compte sur vous pour être gêné par mon mouvement. »

« Qu’est-ce que vous faites comme job ? »

« Je mène des enquêtes pour des instituts de sondage. »

« Alors là, ça va être compliqué d’être gêné, parce que quand vous arrêtez de travailler, les gens sont contents de ne plus être embêtés avec des questions idiotes. Personne ne vous interpellera pour répondre à des questions que vous ne posez plus. »

« Bon, alors comment je fais pour faire la grève ? »

« Vous interrogez les gens avec des questions qui n’ont qu’une réponse possible. Résultat : vous aurez 100 % de réponses semblables, c’est-à-dire une enquête sans intérêt. Vous aurez valorisé votre travail en anéantissant son intérêt. Ce sera comme si vous n’aviez rien fait.  Vous comprenez ? »

« C’est tordu, mais je comprends. Et pour lutter pour la sauvegarde du droit de grève, on fait comment ? »

« On met tout le monde au travail : les malades, les anciens, les jeunes, les chômeurs… Résultat : circulation saturée, réseaux informatiques inaccessibles, plus de place à la cantine… Bref, si tout le monde travaille c’est le bazar. Le gouvernement sera bien obligé de reconnaître le droit de grève pour s’en sortir. »

« C’est toujours le même principe : pour qu’on s’aperçoive de l’utilité de quelqu’un ou de quelque chose, il suffit de l’enlever ! Très intéressant ! Et pour que je prenne de l’importance chez moi, vous croyez que ça marcherait ? Kidnappez-moi ! »

« Euh… j’ai déjà essayé de me faire enlever, mais ma mère a donné de l’argent pour qu’on me garde ! J’ai été obligé d’avertir la police … qui était en grève. »