L’entrée au paradis
« Qu’est-ce que vous emporteriez au Paradis ? »
« Pourquoi ? On est fouillé à l’entrée ? »
« Je ne sais pas, mais il va falloir s’occuper. »
« Moi j’y vais avec une réserve de crème caramel et des albums de Gotlib. »
« Si je comprends bien, vous continuerez à faire preuve de la gourmandise alimentaire et intellectuelle que vous manifestiez sur Terre. Je ne pense pas qu’une telle attitude soient appréciée. »
« Je n’ai pas tellement le choix. En enfer, je ne vois pas déguster mes crèmes caramel et je crains que les dessins de Gotlib ne fassent pas rire le Diable. »
« Vous n’avez pas un niveau de spiritualité très élevé. A mon avis, vous allez faire un long séjour au Purgatoire pour vous débarrasser de cette façon de jouir des bonnes choses de la vie. »
« Il ne va pas rester grand-chose de ma riche personnalité. »
« On s’en fout un peu. Vous avez intérêt à participer à ce processus d’élévation de l’âme. »
« Je ne vois pas bien qui je blesse quand je dis que j’aime ma crème caramel ou les dessins de Gotlib. »
« C’est à vous que vous faites du mal. Il va arriver un moment où la gastronomie et l’humour n’aurons plus d’importance. »
« C’est pourtant ce qui aide les gens à vivre et à bien vivre. Ce sont des moteurs de la paix entre les hommes. On ne se fait pas la guerre quand on s’est bien marré ensemble ou lorsqu’on a fait une bonne bouffe entre potes. »
« Vous feriez mieux de méditer sur votre condition au lieu de penser à rigoler et à vous empiffrer. »
« D’accord, mais quand je médite, je pense tout de suite que tout a une fin y compris moi, alors je me précipite pour vivre un peu tant qu’il est encore temps. »
« Evidemment ! Ce qu’il est nigaud celui-là ! Vous croyez que vous allez oublier la finitude humaine en festoyant ?»
« Non, mais ça me console de bien des déboires. Rigoler et bâfrer, ça empêche de se faire peur. Moi, je n’aime pas trop me dire que je ne suis pas grand-chose. »
« Ne vous inquiétez pas tant que ça, nous sommes tous situés entre pas grand-chose et rien du tout. Une fois qu’on l’a compris, il n’y a plus rien à craindre. »
« Pourtant, mon chef de bureau Dugenou n’arrête pas de faire son malin, mon voisin Mollard roule les mécaniques dans sa nouvelle bagnole, enfin bref… tout le monde se hausse du col. »
« Demandez-leur ce qu’ils emporteraient au Paradis en supposant qu’ils y aillent. »
Laisser un commentaire
Vous devez être connecté pour rédiger un commentaire.