Il faut savoir s’adapter !
Le patron Dugenou a deux adjoints : Mollard et Dumoulin.
Armand Mollard fait grand cas de son micro-pouvoir. Il donne des ordres. Il pense qu’il est courageux puisqu’il n’hésite pas à faire preuve d’autorité. Bien entendu, il est détesté par les salariés, ce qui le conforte dans sa conviction qu’il est courageux, puisqu’il fait front seul contre tous. Personne ne lui dit qu’il est confortable d’être courageux puisqu’en toute circonstance, Dugenou lui donnera raison.
Karl Dumoulin est homme qui aime les autres, ça se voit dans la lueur qui allume son regard lorsqu’il croise l’un des salariés d l’entreprise. Il croit à la vertu du dialogue. Pour tout dire, il pense qu’une bonne discussion peut aboutir à une obéissance de ses subordonnés plus durable qu’un ordre donné. Ses méthodes respirent un peu le soixante-huitard attardé ce qui ne plait pas trop à Dugenou, mais Dumoulin était là avant son arrivée et il a besoin de sa connaissance de l’entreprise. Les simples employés aiment bien Dumoulin qui ne manque pas une occasion de soigner sa popularité.
Moi, comme tout le monde, je préfère Dumoulin à Mollard. Quand Dugenou est trop occupé, chacun va voir Dumoulin. On sait qu’on pourra discuter. A la fin, c’est Dumoulin qui aura raison parce qu’il est malin et manipulateur, mas – avec lui – on aura eu l’impression d’être intelligent pendant 10 minutes. Cependant Mollard ne se gêne pas pour venir me voir et me faire part de ses instructions sans entrée en matière. J’acquiesce pour ne pas avoir d’ennui et ne pas entendre son discours autoritaire. Au final, le résultat est le même, je fais ce qu’on me demande de faire.
Il y a 40 ans le jeune Mollard était en CM2 à l’école primaire de la rue Voltaire. Pendant les récrés, il était chef de bande. Il n’était pas très costaud, mais avait recruté des affidés, dotés de peu de moyens intellectuels, mais de gros poings. Pour les autres, il s’agissait de prêter allégeance à Mollard pour ne pas être embêté. C’est ce que j’ai fait.
Dumoulin était aussi en CM2. Il était le seul qui ne reconnaissait pas Mollard comme suzerain. Il disposait d’une envergure physique nettement supérieure aux seconds couteaux de Mollard et ne craignait donc rien. Il pouvait passer ses récréations à lire ou à faire ce qu’il voulait sans être dérangé.
Moi, petit gringalet sans personnalité, je suivais Mollard, bien entendu. Lorsqu’il ordonnait de régler son compte à un réticent, je m’arrangeais pour participer à la bastonnade en ne tapant pas trop fort l’intéressé. Dans un reportage à la télé, j’avais appris comment des acteurs de cinéma faisaient semblant de se casser la figure.
Le week-end, j’allais chez Dumoulin pour faire des choses intelligentes. On lisait les mêmes histoires, on faisait nos devoirs, on se racontait ce qu’on ferait quand on sera grand. Le lundi, je reprenais ma place dans la bande de Mollard.
Demain, il y a des élections. Les candidats de droite ne veulent pas que les salaires soient augmentés. Il faut plutôt aider les entreprises à investir pour créer de l’emploi et préparer l’avenir.
Les candidats de gauche pensent qu’il faut élever le niveau de vie des salariés. En dépensant leurs salaires, c’est eux qui assureront la richesse des entreprises et leur développement économique.
Moi, comme d’habitude, je vais m’adapter. Mince ! Il n’y a pas de candidat du centre.
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