Archive pour le 13 décembre, 2016

Les carnets de route

13 décembre, 2016

« Bonjour monsieur, quel est votre nom ? »

« En quoi ça vous regarde ? Et d’abord qu’est-ce que c’est que ce carnet ? »

« C’est un carnet où je note tous les gens qui ne me plaisent pas. Alors, votre nom ? »

« En quoi, je vous ai déplu ? »

« Vous avez le regard glauque. C’est comme si je n’existais pas. Vous ne vous intéressez absolument pas à moi. »

« Parce que vous êtes intéressant ? »

« Non, pas spécialement. Mais si vous ne portez de l’intérêt qu’aux gens qui sont intéressants, vous êtes coupable de ségrégation. C’est puni par la loi, donc je vous dénonce. »

« Je vous demande pardon de vous avoir froissé. »

« Ce n’est rien, j’ai l’habitude. Comme c’est la première fois, c’est moins grave que les récidivistes. »

« Certains recommencent leurs vilaines actions ? »

« Oui, je marque une croix chaque fois qu’une personne me regarde d’un air hautain ou méprisant. Au bout de trois croix, c’est carton jaune. A cinq croix, c’est carton rouge, et j’alerte les forces de l’ordre. J’aime autant vous dire que certains ne font plus les malins en sortant du poste de police. »

« Bon, alors je vous jette un regard amical, comme ça… ça vous convient. »

« Attention, il me semble que vous avez une attitude de compassion. Attendez une seconde, j’ai un autre carnet pour ça. »

« Qu’est-ce que vous mettez sur cet autre carnet ? »

« Je note ceux qui ont un comportement ironique ou compassionnel à mon égard. »

« Mais alors, je vais figurez sur tous vos carnets ! »

« Oui, vous vous rendez compte du boulot que vous me donnez ! »

« Il vous faudrait une véritable base de données, je peux vous vendre un très beau logiciel pour vous aider à gérer vos relations sociales. »

« Je vous remercie, mais j’aime mieux mon système de carnets, ainsi je ne suis pas obligé d’acheter les mises-à-jour. »

« Vous avez raison. D’ailleurs, je vais moi aussi vous inscrire sur mon carnet. »

« Ah bon ? Pour quelle raison ? »

« Je note tous les gens qui ne sont pas agréables avec moi. J’espère que vous n’en prendrez pas ombrage, mais je ne suis pas très satisfait de votre comportement. Et j’ai un autre carnet où je note ceux dont j’aimerais casser la figure. »

« Vous allez m’inscrire aussi ? »

« Oui, mais ne craignez rien, c’est virtuel. Je ne vous massacre que virtuellement. Physiquement, vous êtes beaucoup trop fort pour moi. Epelez-moi votre nom. »