La rigolade aristocratique
« Ne riez pas trop fort, c’est vulgaire. »
« Ah bon, vous trouvez ? »
« Oui, vous ne riez pas, vous vous marrez, vous vous en payez une bonne tranche, vous vous fendez la pêche. »
« Vous en avez de bonnes, vous faites comment vous ? »
« Je cache ma bouche avec ma main. Les autres n’ont pas besoin de profiter de ma dentition. A l’extrême rigueur, j’émets un halètement discret pour manifester mon contentement. Dans mes grands jours, je dis : vous êtes fort drôle, cher ami ! »
« Vous n’avez pas le rire très charismatique. Quand vous riez, on entend comme un hoquet ou alors un râle de bête sauvage, on se demande si vous n’êtes pas en train de vous trouver mal. »
« Rire aux éclats n’est pas assez distingué pour moi. Quand vous éclatez de rire, je suis indisposé, d’autant plus que vous pouvez émettez souvent une pluie de légers postillons en direction de votre partenaire, qui pourrait en prendre ombrage. »
« Bon, mais enfin, ça doit vous arriver d’affronter des évènements drôles. Comment faites-vous ?. »
« Je vous l’ai déjà dit : pas de bouche grande ouverte, ni de hurlements destinés à ameuter les foules ! A la rigueur, j’étire les lèvres fermées pour indiquer mon amusement. Je me débrouille pour accompagner ce mouvement d’une lueur de gaieté dans le fond de l’œil pour exprimer mon hilarité. »
« Les gens comprennent que vous rigolez à ce moment ? »
« En général, non. Ils pensent que j’ai un tic. Du coup, ça les fait rire. Ils n’osent pas rire en face de moi, mais je vois leurs épaules qui tressautent avec vivacité, ce qui est un indice de joie dans les milieux populaires. »
« Essayez quand même de vous tordre légèrement en arrière quand vous vous distrayez. Et dites que vous vous amusez follement. Dans une partie de pince-fesses, ça peut passer, vous pouvez même passer pour un joyeux drille. »
« C’est-à-dire que, dans ce genre de réunions, ce que disent les invités ne m’amusent pas beaucoup. Tout ce que je peux faire, c’est de figer un léger sourire sur mon visage à destination de tout le monde, pour exprimer ma joie d’être présent. »
« Si les gens vous agacent, garder votre sourire idiot, mais donnez-vous l’air supérieur de celui qui est descendu cinq minutes dans la cour de récréation pour vous assurer que les blagues en cours dans les conversations populaires sont toujours aussi nulles. »
« Vous avez raison. Je crois que j’ai la rigolade aristocratique. Il faut que j’assume cette situation. Finalement, j’envie votre rire un peu fruste. Il est sans intérêt, mais il sera compris d’un plus grand nombre. »
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