Histoire qui se finit de façon très morale.
Julius était un marin qui travaillait sur un baleinier. On imagine déjà un homme rustre, aux mains larges et calleuses, peu informé des bonnes mœurs du beau monde qu’il ne fréquentait pas. Il était bien marié avec Madeleine qui lui avait fait trois mioches. Il voyait rarement sa famille, puisqu’il est avéré que la pêche à la baleine n’est pas un travail qui se pratique à domicile.
Julius avait aussi une femme – disons plutôt une gueuse ou une ribaude – dans chaque port. Enfin… c’est ce qu’il se figurait. Il voyait Madeleine et ses gamins très rarement. Ces derniers très occupés à mal tourner dans leurs trafics, se fichaient royalement des absences de leur père. Ses périodes de retour à terre entrainaient une baisse de leurs activités illicites, car Julius se sentant très coupable de ne pas suivre leur éducation, distribuait largement quelques baffes bien senties dès son arrivée au port. Julius ignorait les raisons de ces punitions, mais il faisait l’hypothèse que ses gamins les connaissaient parfaitement. Ces derniers ne le contredisaient pas, attendant patiemment que le « vieux » refasse son baluchon pour courir de nouveau les océans.
Lorsqu’il arrivait dans un port étranger, il rejoignait immédiatement l’heureuse élue de l’endroit (le récit ne dit pas si elle était vraiment heureuse). Cette dernière était supposée n’avoir rien d’autre à faire que d’attendre fiévreusement ce moment. Je vous laisse deviner les débordements charnels qui s’en suivaient. Puis, il rejoignait son bord dans un état de béatitude idiote et d’ivresse avancée, prêt à courir sus à la première baleine qui passe.
Cette histoire abominablement sexiste était colportée dans tout le monde maritime avec force commentaires désobligeants pour Julius. Notons et dénonçons au passage les profonds et épouvantables fantasmes qu’elle révèle chez son auteur.
Heureusement, Georgette, la vieille baleine respectée par toutes ses congénères prit les choses en mains. Non… en nageoires. Elle en avait plein les fanons d’être poursuivie par un individu aux mœurs aussi dissolues. Elle réunit le conseil des anciennes qui prirent la décision d’informer Madeleine des infâmes habitudes de Julius. Celle-ci reçut donc un mail détaillé accompagné de photos prouvant les infidélités de l’intéressé. Pour appuyer ses dires, Georgette proposa à Rosetta, la femme que Julius voyait en cachette à Valparaiso, de l’accompagner chez Madeleine.
Rosetta accepta. Rosetta avait admis comme un principe qu’un marin pouvant avoir une femme dans chaque port, il était juste qu’une femme ait un marin sur chaque navire. Mais elle s’était disputé avec Julius à ce sujet et ne pouvait plus le voir, tant sa jalousie devenait insupportable.
Rosetta rendit donc visite à Madeleine à dos de baleine. Les deux femmes s’entendirent à merveille sous la houlette de Georgette qui s’esbaudissait bruyamment dans le port, attendant de ramener Rosetta à Valparaiso.
Au retour suivant de Julius, Madeleine avait pris sa résolution. D’abord, elle n’attendit pas le bateau de son mari sur le quai du port pour les effusions traditionnelles, ce qui n’étonnera personne compte tenu des informations qu’elle avait reçues. Julius dut prendre le taxi pour rentrer chez lui où l’attendait une explication qu’on devine orageuse.
Madeleine condamna Julius à ne plus partir en mer. Nous avons oublié de mentionner qu’elle avait des relations dans la politique locale, ce qui lui permit de faire en sorte que son ex-mari termine sa vie comme employé de la Sécurité Sociale, où les occasions de manifester son tempérament volcanique furent très rares.
Ses gamins continuèrent de s’en ficher complètement.
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