Archive pour novembre, 2016

Le principe d’agglomération

20 novembre, 2016

« Vous avez remarqué ? Souvent, les gens se précipitent en masse au même endroit. »

« Oui, dans les villes, par exemple, on peut se demander pourquoi les gens s’entassent ? »

« Je pense que ça les rassure. Là où il y a beaucoup de mes contemporains, je ne risque pas de me trouver tout seul en cas de difficultés. »

« Oui, et puis si beaucoup de gens convergent vers le même endroit, c’est qu’il y a quelque chose d’intéressant à voir, donc j’y vais aussi. »

« Même si cet afflux crée une pollution dont tout le monde pâtit, comme la ruée sur les autoroutes entre le 14 juillet et le 15 août. »

« En plus, il y a un effet boule de neige, plus les gens sont nombreux à s’agglomérer quelque part, plus la foule attire d’autres personnes. »

« Cette tendance à se regrouper ne va pas sans contradiction. Quand les gens se sentent trop nombreux en agglomération, ils s’empressent, dès qu’ils le peuvent, de bâtir une petite maison sur un petit bout de terrain, à l’écart de la ville. »

« Eh oui ! Chacun aime chacun, mais enfin pas trop quand même ! »

« C’est extraordinaire ! Tout le monde veut aller à la plage en été, mais comme il y a trop de promiscuité, chaque estivant se remue pour trouver ‘un petit coin bien tranquille’ ».

« Au final, ce sont toujours les plus riches qui trouvent le petit coin bien tranquille, puisqu’il se fait de plus en plus rare. »

« Mais comme l’homme est à la fois solitaire et grégaire, les riches en ont bientôt marre de leur petit coin bien tranquille, et ils y font donc venir d’autres riches pour être plus nombreux, entre riches. »

« Quant aux pauvres, ils vont en vacances là où il n’y a pas de petit coin bien tranquille, c’est-à-dire là où il y a une foule de touristes pauvres aussi, qui rêvent d’un petit coin bien tranquille. Vous suivez ? »

« A peu près. Mais les pauvres ont quand même accès à un petit coin bien tranquille : leur propre logement où il peut prendre ses vacances ‘tranquille’.. »

« Quand l’homme a usé et abusé de son ‘petit coin bien tranquille’, le voilà qui repart à la recherche d’un endroit où les gens s’attroupent en nombre, comme les boites de nuit par exemple. C’est l’endroit où il y a beaucoup de gens, beaucoup de musique, beaucoup de bruit, où l’on ne s’entend pas parler. L’homme aime beaucoup : il appelle ça s’amuser. »

« A défaut, il peut aussi aller au stade où il se rassure en hurlant comme un débile avec plusieurs milliers de ses congénères. »

« Là aussi, il y a une ségrégation sociale, entre les pauvres qui sont dans les endroits les plus mal placés et qui mugissent comme des démons et les riches qui sont dans les tribunes, qui crient aussi, mais de manière distinguée. »

« Oui, l’homme aime à s’agglomérer, mais pas avec n’importe qui. »

Faire nombre

19 novembre, 2016

Ne coupons pas les cheveux en quatre.

Pas de ménage à trois !

On ne peut pas courir deux lièvres à la fois.

Un tiens vaut mieux que deux tu l’auras.

Il ne faut pas être la cinquième roue de la charrette.

Ne croyons pas au septième ciel !

Fuyons en cinq sec

Pour ne pas boire le bouillon de onze heures.

Bon appétit !

18 novembre, 2016

Le croque-mort

Porte une chemise qui le boudine.

Elle le démange.

Il a des bouffées de chaleur.

Il ne veut pas de son croque-monsieur.

En plus, il a peur du croque-mitaine

Qui le fait cavaler

Et s’envoler comme un gobe-mouche.

Il faut se battre !

17 novembre, 2016

« Je suis un battant, moi ! »

« Tu es sûr ? »

« Non, mais tout le monde dit ça, je ne vois pas pourquoi je me priverais. Ça fait le mec fort, qui n’a peur de rien, qui ira jusqu’au bout… Tu vois le genre… Je me demande pourquoi les gens éprouvent encore le besoin d’utiliser un vocabulaire guerrier à tout bout de champ. »

« A mon avis, c’est une sorte de dégénérescence de pratiques anciennes. N’oublions pas que depuis le début des temps, l’homme a dû se défendre avec le couteau entre les dents que ce soit contre les bêtes féroces ou les envahisseurs. Tout se passe comme si vingt siècles plus tard, l’homme moderne avait conservé au fond de lui une sorte de pulsion primaire qui le pousse à vouloir se battre dans toutes les situations. Bien sûr, la civilisation est passée par là, et il faut accepter ‘se battre’ au sens figuré. »

« Donc quand les gens disent qu’ils se battent ou qu’ils montent au créneau, il faut comprendre que, dans leur esprit, il se produit une sorte de régression dans le temps, telle qu’ils se voient manier la hache et la massue sur le crâne de leurs adversaires. »

« Oui, c’est à peu près ça. Dire qu’on se bat est bien vu. Il faut faire attention à adopter un vocabulaire guerrier, mais soft. Dire qu’on va casser la figure à quelqu’un n’est pas permis au XXIème siècle. »

« Et au lieu de ‘je me bats’, ne pourrait-on pas dire : je vais essayer de trouver des solutions constructives grâce à un dialogue franc et loyal avec mes interlocuteurs ?»

« Tu veux rire. Il faut s’imposer, c’est tout, sinon tu es un minus. Le fait de trouver des solutions constructives négociées est la marque des faiblards. »

« Alors, on ne peut pas négocier ? »

« Surtout pas, proposer une négociation, c’est reconnaitre ta défaite. Il faut rester ferme sur tes positions, justement pour avoir l’air du mec costaud qui ne changera pas d’avis quoiqu’il arrive. C’est idiot, mais c’est ainsi que ça marche. Ou pas. »

« Bon, alors on se bat, mais on peut le faire avec une certaine intelligence, non ? Par exemple s’attaquer à plus fort que soi est suicidaire, même l’homme de Cromagnon le savait. »

« A la limite, je dis bien : à la limite, tu peux faire de la résistance passive. Quand quelqu’un t’attaque de front, tu le laisses faire.  Quand il s’est épuisé et qu’il a constaté qu’il n’y a pas moyen de ‘se battre’ avec toi, il renonce et il va ‘se battre’ ailleurs. Là, tu peux dire que tu t’es battu, même si tu n’as rien fait. »

« Mais quand on s’est battu avec quelqu’un, comment on sait si on a gagné ? »

« On ne le sait pas. L’important, c’est de se battre pour montrer que tu es quelqu’un qui ne s’en laisse pas compter. De toute façon, tu ne crains rien : aujourd’hui, quand on se bat, on en sort vivant dans tous les cas de figure. Au pire, ton adversaire ne voudra plus te parler pendant un certain temps, ou tu ne voudras plus lui parler, mais ce n’est pas grave. Oui… je sais, tout ça n’a aucun intérêt., ça s’appelle la vie. »

Le petit caporal

16 novembre, 2016

Le caporal

N’aime pas les leçons de morale.

Il a le moral.

Sur le littoral,

En attendant l’aurore boréale,

Il chance dans une chorale

De toute sa force pectorale.

C’est son grand oral.

L’intelligence de la résignation

15 novembre, 2016

« On vient d’inventer le taux d’intérêt négatif. »

« Qu’est-ce à dire, Maître ? »

« C’est-à-dire que vous me prêtez 100 euros, et je vous en rends 95. C’est un exemple. »

« C’est de l’arnaque. »

« C’est la nouvelle économie. D’ailleurs, on va étendre le principe. Lorsque vous allez chez le coiffeur, désormais non seulement c’est gratuit, mais le coiffeur est tellement content que vous l’ayez choisi qu’il vous offre une prime. »

« Et ça marche aussi pour les services publics ? »

« Absolument. Chaque fois que vous prenez le bus, la mairie ne se tient plus de joie et vous verse une subvention. »

« Y’a quelqu’un qui se fait avoir dans cette histoire. »

« C’est vous qui vous faites avoir, mais vous avez l’impression qu’on vous fait un cadeau. C’est le comble du raffinement commercial. »

« Alors qu’est-ce qu’il faut faire ? »

« Rien. Le mieux serait de ne rien faire. A la rigueur, vous pouvez cacher votre argent sous votre matelas et essayer de vivre en autarcie avec les produits de votre jardin. J’en suis venu à la conclusion suivante : dès qu’il y a échange économique entre deux êtres, il y en a forcément un qui se fait avoir. Les ennuis commencent quand ce dernier s’aperçoit qu’il est grugé, alors on fait tout pour lui faire croire que c’est lui le gagnant. »

« Voilà une vision bien sombre de la vie en société. »

« Vous avez raison. Je pense que la vie en collectivité induit une forme de violence. Aujourd’hui on a inventé une douce violence pour que tout le monde soit content. Vous n’y échappez pas. Quand vous vous mettez en couple avec un conjoint, il y en a forcément un qui est trompé parce qu’il ne s’attendait pas à ce que l’autre soit trop comme ci ou alors pas assez comme ça. La plupart du temps, il se résigne à son erreur. »

« Donc selon vous, on a tous été trompé quelque part et on a le choix entre la révolte guerrière ou la résignation. »

« Absolument. Et comme on ne se bat plus dans les rues, nous sommes une population de résignés. Remarquez que je ne blâme personne, se résigner c’est une façon d’entretenir la paix entre les êtres. Le seul problème, c’est d’arriver à ne pas penser à sa résignation. Moi j’y parviens très bien. »

« Comment fait-on, Maître ? »

« Vous avez le choix : vous vous ruinez au moment des soldes sous prétexte que ce n’est pas cher, vous poussez des cris d’hystériques en regardant le foot à la télé, vous vous agglomérez à la foule sur les plages du mois d’août, vous braillez dans la rue le 31 décembre parce que vous êtes content de changer d’année… Vous voyez, vous avez toutes sortes d’activités pour pratiquer ce que j’appelle l’intelligence de la résignation. »

Le salon des métiers

14 novembre, 2016

Faisons-nous l’avocat du diable.

Ne nous mentons pas comme un arracheur de dents.

Il n’était pas un bourreau du cœur.

Dès l’heure du laitier,

Il fumait comme un pompier.

Puis il se mettait à ses comptes d’apothicaire,

Car il était orfèvre en la matière.

Il jurait comme un charretier

Mais il ne commettait pas un pas de clerc.

Allez, hop ! Au tribunal !

13 novembre, 2016

« Je ne te juge pas. »

« Bien sûr que si tu me juges. Tout le monde juge tout le monde. La société est composée de millions de tribunaux qui décernent des verdicts. Le tien distingue les gens que tu trouves agréables et les autres, c’est une forme de jugement en fonction de critères que tu es le seul à connaître. »

« Evidemment, mais je sais aussi nuancer mon jugement en tenant compte de circonstances atténuantes. Par exemple, ta façon de répondre montre que tu as fait plus d’études que moi. Tu ne m’es pas sympathique, mais je prends en considération le fait que tu es plus cultivé que moi. Par conséquent, je ne te mets pas dans le même sac que Dugenou, qui critique tout le monde sans avoir ta hauteur de vue. »

« C’est bien bon de ta part. Moi, mon problème, c’est que mon Tribunal acquitte tout le monde. Je trouve des excuses à tous les prévenus. Même à Dugenou qui doit être, au fond de lui-même, bien malheureux. Est-il besoin de le condamner davantage ? »

« Euh… oui, peut-être, parce que son Tribunal à lui ne fait pas de cadeaux. Je te signale qu’il t’a déjà condamné en tant qu’être prétentieux et fourbe. »

« Je m’en fous, je ne suis pas dans sa juridiction. De toute façon, les Tribunaux individuels jugent, condamnent, mais les sanctions ne sont jamais exécutées. »

« Si, le Tribunal de Dugenou a prononcé une sanction contre toi. Il est interdit de t’adresser la parole, même pour te dire bonjour. »

« Euh… il y a beaucoup de gens qui n’appliquent pas cette sanction. Et puis, je n’ai pas pu présenter ma défense devant le Tribunal de Dugenou. »

« Aucune importance, le Tribunal de Dugenou est un Tribunal Révolutionnaire. On y condamne les gens sans les entendre, tant il est évident qu’ils sont coupables de déplaire à Dugenou. »

« Si je comprends bien, les droits de la défense sont bafoués. Tout ça n’a pas d’importance, mon Tribunal a jugé Dugenou et lui a trouvé des circonstances atténuantes en raison de son état mental. Il est donc relaxé. »

« Il le sait, ça l’ennuie terriblement. Il voudrait faire appel, parce qu’il n’aime pas l’indulgence des autres tribunaux à son égard, ça le culpabilise. »

« Désolé, mais moi je ne peux juger des personnes dont le discernement est perturbé. Tous les experts psychiatres que j’ai convoqués à la barre ont dit que Dugenou est très déstabilisé. D’ailleurs, on va lui rendre service : déposons une plainte contre lui auprès de son propre Tribunal Révolutionnaire. »

Une histoire de moine

12 novembre, 2016

C’est sûr.

Sur le mur

En dur

Devant la cure

Dans une robe de bure

Il jure

En mangeant des mûres

Au goût sure.

Et ça dure !

Mon petit quinquin

11 novembre, 2016

Un pékin

Rouquin

Lit un bouquin

Américain

Dans un lit à baldaquin

Avec un mannequin

Taquin

Et coquin

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