Rendez-vous dans 20 ans
27 novembre, 2016« Hier, j’ai rencontré un type que je n’avais pas vu depuis vingt ans. »
« Et alors ? »
« Il m’a reconnu au premier coup d’œil. C’est assez gênant. »
« Pourquoi ? »
« Parce que moi, je ne l’ai pas remis tout de suite, ce qui signifie implicitement que je trouvais qu’il a beaucoup plus vieilli que moi. »
« Bon, alors vous avez échangé des souvenirs ? »
« Euh… non, au départ, on ne sait pas trop quoi se dire. Heureusement, j’ai été plus rapide que lui pour lui poser la fameuse question : qu’est-ce que tu deviens ? »
« Et alors ? »
« Il m’a dit qu’il était médecin, marié, trois enfants. Et il a ajouté : et toi ? Toujours cette manie des hommes de vouloir se comparer entre eux. J’ai été obligé de dire que je n’étais pas grand-chose. »
« Qu’est-ce qu’il a dit ? »
« Il a essayé de parler d’autre chose pour faire celui qui ne se glorifiait pas de sa réussite personnelle. »
« Alors, j’ai dit qu’il faudrait qu’on prenne un café. »
« Alors, vous avez pris un café et vous avez échangé des souvenirs. »
« Bin… non, il m’a répondu qu’il était pressé. Il a dit : un autre jour ! Et puis, il a ajouté que ça lui faisait plaisir de m’avoir revu. Je lui ai donné ma carte de visite pour l’obliger à me donner la sienne parce que je sentais qu’il était pressé de me quitter pour vingt nouvelles années. »
« C’est fou ça ! On se dispense de la présence de quelqu’un pendant vingt ans et quand on le retrouve, on ne sait pas quoi lui dire. »
« Oui, mais je l’ai rappelé au téléphone. »
« Et alors ? »
« Il ne savait toujours pas quoi me dire. Au téléphone, c’est encore plus gênant : les blancs dans la conversation sont plus évidents. »
« Alors, vous avez pris ce café et il vous a invité à diner chez lui. »
« Oui, on a pris un café, mais il ne m’a pas invité. Nous ne sommes pas de la même classe sociale, ce qui ne le met pas très à l’aise, d’autant plus que je lui ai rappelé toutes les idioties que nous commettions ensemble au lycée. »
« Et alors ? »
« Il s’est forcé à rire, il a dit qu’il était pressé, puis il m’a offert mon café. »