Archive pour octobre, 2016

Les bruits

11 octobre, 2016

« En fait, on ne communique pas par les mots, mais par les bruits émis par nos bouches, comme nos ancêtres des cavernes. »

« Ah bon, expliquez-moi ça, Maître. »

« Par exemple, quand je dis caverne, j’entends le murmure des voix de Neandertal et ses copains se répercuter contre les parois des antres dans lesquels ils vivaient. »

« Vous avez beaucoup d’imagination. »

« Oui, si je dis ‘éclaboussure’, vous entendez quoi ? »

« Moi, j’entends : éclaboussure. »

« C’est nul. Moi, j’entends le ‘splash ‘ émis par le gamin qui saute à pieds joints dans une flaque d’eau après la pluie. De même quand j’entends le mot ‘ouragan’, je perçois le bruit sourd du vent dans le lointain avec la première syllabe, et la force rageuse des éléments déchainés avec la fin du mot. »

« Vous avez l’oreille exercée, moi je n’entends pas grand-chose d’autres que le mot. »

« Et quand vous dites ‘déchiré’, vous n’avez pas dans l’oreille le bruit de la feuille de papier qu’on découpe en deux d’un geste agacé. »

« Maintenant que vous me le dites, si peut-être. Remarquez que les mots ne titillent pas seulement l’ouïe. Par exemple, quand on me dit ‘désinvolte’, moi je vois tout de suite l’attitude d’un type, qui sifflote avec les mains dans les poches et l’air de se foutre de tout. »

« C’est vrai la vision et l’ouïe peuvent être sollicitées en même temps. Par exemple, quand vous employez le verbe tintinnabuler, moi je vois tout de suite un troupeau de chèvres qui trottinent sur un chemin de montagne en faisant entendre le son de leurs grelots. »

« Si je comprends bien, on n’a pas tellement évolué depuis Néandertal et ses copains, on se parle par bruits. On a un peu arrangé les choses en choisissant un vocabulaire qui évoque des sons. »

« Oui, mais il ne faut pas pousser trop loin cette brillante théorie. Par exemple, je viens de dire ‘théorie’ et en disant ce mot, je n’entends rien du tout. »

« C’est-à-dire que depuis la langue de Néandertal, les hommes ont découvert des machins abstraits qui n’ont pas de consistance matérielle et qui ne font donc pas de bruit. »

« On peut aussi entendre ou voir quelque chose ou quelqu’un à l’ide l’emploi de suffixe. Par exemple le suffixe -asse permet de décrire précisément une personne en caricaturant un trait de physique ou de caractère. Une personne mollasse, c’est encore un être plus mou que mou. Et on a l’impression d’avoir sous les yeux sa silhouette affalée. Pareil quand on dit d’une femme que c’est une hommasse. »

« Oui, ce suffixe émet un son qui convient quand on veut être un peu méprisant. Par exemple ‘paperasse’, ce sont des document papiers qui ne présentent aucun intérêt. »

« Finalement, le bruit qu’il provoque compte plus que le mot lui-même. »

C’est de la balle !

10 octobre, 2016

Au bal,

Avec sa balafre

Et son allure de balai,

Louis n’est pas un balèze.

Il balbutie.

Il préfère jouer au ballon

Ou partir en ballade.

Il va partir aux Baléares

Avec son baluchon.

Assez de balivernes !

La cigale, la fourmi et le hanneton

9 octobre, 2016

C’est un fait acquis : la Cigale a passé l’été à dilapider son argent. Boîtes de nuit, tenues à la mode, le dernier smartphone, hôtels de luxe…. Et va-z-y que je jette l’argent par les fenêtres. Arrive l’automne et les ennuis qui commencent : factures, loyer, impôts, etc… La Cigale est d’avis qu’on devrait supprimer l’automne.

Elle ne va sûrement pas aller mendier auprès de le Fourmi sa voisine. Celle-ci qui gaspille son temps à amasser du fric en prévision des mauvais jours, ne prêtera pas un centime à la Cigale. Ce qu’il y a d’encore plus énervant, c’est qu’elle en profitera pour faire sa maline et lui administrer quelques leçons de morale à deux balles.

La Cigale prend plutôt rendez-vous avec monsieur Le Haneton, son banquier, qui lui accorde sans chichis un crédit à un taux exorbitant. C’est tout de même un comble, pense le Cigale, on n’est plus aidé par son banquier que par ses voisins.

Monsieur Le Haneton se frotte les mains dans son coin. A 18 % l’an, il vient de faire une bonne affaire.

La Fourmi apprend la chose et s’en trouve un peu marrie. Elle rencontre monsieur Le Haneton, son voisin et lui fait de vifs reproches. Avec son crédit, il encourage l’insouciance et l’oisiveté alors que la croissance économique du pays est en berne et qu’il faudrait que tout le monde se remette au travail au lieu d’aller danser le jerk.

Monsieur Le Haneton fait remarquer à la Fourmi qu’elle devrait sortir un peu, car le temps du jerk est dépassé depuis plusieurs dizaines d’années.

La Fourmi se sent légèrement offensée, mais n’en laisse rien paraître. Elle élève le débat et le situe sur un plan économique. Du temps de monsieur La Fontaine, les établissements de crédit étaient plus sérieux. L’emprunt était considéré comme une extrémité parfaitement immorale. Le résultat, c’est que tout le monde bossait. A cette époque, un individu comme la Cigale aurait été mis au ban de la société. Le fait qu’elle pouvait mourir de faim, n’aurait dérangé personne.

Monsieur Le Haneton sourit avec indulgence. Il rappelle que la Fourmi est bien contente que sa banque rémunère ses dépôts. A ces mots, le sang de la Fourmi ne fait qu’un tour, ce qui est relativement rapide compte-tenu de sa faible taille. La Fourmi objecte en effet que son compte livret est rémunéré à un taux ridicule dont il n’y a pas à se vanter, tandis que monsieur Le Haneton fait un prêt à un taux pharaonique à la Cigale.

Le Haneton, un peu dépassé par la virulence de la réplique marmonne qu’il a des frais. La Fourmi, qui commence à l’avoir mauvaise, lui fait observer que lorsqu’on tient compte de l’inflation, des impôts et des frais de gestion, son compte sur livret est rémunéré – si on ose dire – à un taux négatif et qu’en conséquence, elle va retirer son argent de la banque.

Monsieur Le Haneton est bien embêté. Il ne faudrait pas que La Fourmi fasse trop de tapage autour d’elle. Les fourmis sont en effet nombreuses et représentent une part importante de sa clientèle.

La Fourmi lui conseille de ne pas l’énerver davantage. Le Haneton remonte dans son coupé sport, car il a un dîner à la Tour d’Argent. A l’autre bout de la ville, la Cigale s’éveille après sa longue nuit de débauche.

La cuite du cuistot

8 octobre, 2016

Il est tôt pour le cuistot.

Il en a marre de son cauchemar.

Il boit du rhum sur le forum

Puis de la gnole dans sa bagnole.

La semaine d’avant, il a emmené sa dulcinée au ciné.

Elle portait une belle robe, ce microbe.

Avec tact, ils ont eu un contact.

Depuis, il passe son temps à attendre sa tendre.

Triste histoire !

7 octobre, 2016

Le moustachu

Et le barbichu

Au nez crochu

Ne sont plus pêchus.

Ils sont fichus,

Après leur crapahut

Dans la cohue

Et le chahut.

Un bon scénariste

6 octobre, 2016

Soyons clairs : être amant ou maîtresse, c’est fatigant. C’est comme s’engager dans une vie en raccourci. Il y a de bons moments, mais on ne peut se défaire de ce sentiment profond que, dans tous les cas, ça va mal se terminer.

Surtout quand on est marié. On devient un parfaitement idiot. La partie théoriquement réservée à l’intelligence du cerveau devient subitement envahie par le recensement des fausses raisons pour rentrer tard à la maison, ou alors la programmation de séminaires professionnels bidons pendant les week-ends consacrés aux orgies. Bref, il devient compliqué de rester ce qu’on a toujours été : un individu raisonnable.

Côté émotionnel, ce n’est guère mieux. Passé le moment de folie heureuse, la culpabilisation reprend facilement le dessus. Les scrupules s’invitent n’importe quand, n’importe comment. La honte de soi n’est pas loin. Le verbe «quitter » et l’interrogation « qui quitter ? » vous passe en boucle dans la tête. On sent que le mot terrible de « lâcheté » va faire son entrée dans les conversations dès qu’on parle de décision à prendre et encore plus rapidement que prévu quand on ne parle pas de prendre une décision.

On se prend à rêver d’un monde où personne ne s’engagerait avec personne, où il serait « normal » de fréquenter plusieurs partenaires dans la même période (ou pas) sans que cela n’entraine de psychodrame lourd à gérer, alors qu’on a tellement de boulot au bureau.

On sait que le moment viendra où l’un, trompé par l’autre, va s’énerver. Se dresse alors devant l’intéressé une hydre à plusieurs têtes : divorce, frais d’avocat, solitude, compassion des copains et plats industriellement préparés pour le dîner solitaire.

Il y a forcément un moment où on est taraudé par l’envie de remonter le temps pour revenir au moment précis où on s’est engagé dans ce qui ressemble à une galère qui – on le savait, mais on faisait semblant de l’ignorer – devait prendre l’eau de toute façon.

Parfois, on se réfugie dans une espèce de philosophie de comptoir. Tout le monde fait pareil. De toute façon, l’homme ou la femme n’est pas fait pour être monogame (toutes les civilisations primitives l’avaient compris). J’ai besoin de m’évader du quotidien (avec tout le boulot que j’ai au bureau, c’est tout à fait compréhensible).

Et puis surgit le dilemme infernal. Je ne suis pas cruel : je ne dois pas faire souffrir mon conjoint légitime. Il faut mieux qu’il ne sache rien, ça m’évitera aussi des histoires… Oh ! Et puis non, je suis un être courageux : je vais tout lui dire puisqu’on s’était juré de ne jamais se mentir. Il ou elle saura sûrement apprécier ma franchise et saura me pardonner ou me laisser partir dignement, selon ce qui m’arrangera au moment de l’explication finale.

Lorsqu’il y a des enfants, il suffit de multiplier par 2 ou 3, les problèmes émotionnels, la capacité à inventer des histoires, le poids de la culpabilité, et la difficulté de se sortir de cette histoire avec dignité.

J’ai listé toutes les situations possibles. Par conséquent, les cinéastes spécialisés dans ce genre de drame me doivent de l’argent.

Demain, je parlerai de l’intérêt de rester célibataire. Ou alors un autre jour.

Petit ! Petit !

5 octobre, 2016

La petite-bourgeoise

De Petit-Quevilly

Prend son petit-déjeuner

Avec son petit-fils.

C’est un tout-petit,

Il s’appelle Petitpierre.

Il boit du petit-lait

Et mange des petits fours.

La fable de l’investisseur et de l’épargnant

4 octobre, 2016

L’investisseur fait face à l’épargnant. Entre eux, un contrat attend sur le bureau. Il est vierge de toute signature, car l’épargnant hésite.

L’investisseur continue à sourire, mais un bon investisseur est doté d’un talent qu’on trouve dans peu de corporations : il réussit à sourire tout en soupirant d’exaspération. Mentalement.

 Il a tout fait pour accueillir l’épargnant et faire bonne impression.  Cette maquette du nouveau village de vacances qu’il va construire dans la Midi, lui a coûté les yeux de la tête. Il a dû virer son ancienne secrétaire, pour recruter l’équivalent d’un top-modèle, aux jambes interminables. Il l’a chargée de minauder auprès de l’épargnant. Elle s’appelait Josiane, il a été obligé la rebaptiser Jessica. Bien entendu, il a commandé à Jessica de servir le café à l’épargnant en lui demandant de se pencher suffisamment pour permettre au visiteur de profiter de son décolleté.

Quand on est rentré dans le vif du sujet, l’investisseur a rassuré l’épargnant. C’est le B.A. BA du vendeur de n’importe quoi, il faut commencer par rassurer, que ce soit pour vendre une paire de lacets ou des villas en bord de mer. Car l’homme est un être inquiet. Il a peur de tout et de tous : de l’instituteur, du curé, des parents, du conjoint, du patron, du banquier… L’investisseur aussi lui fait peur, l’épargnant le scrute au fond des yeux. N’y-a-t’il pas comme une esquisse d’avidité dans son regard qui dénoterait une intention évidente de l’escroquer derrière ce sourire étincelant et cette secrétaire à la peau couleur de miel ?

Donc, l’investisseur rassure, en prenant l’air de celui qui est depuis longtemps dans le métier, qui en a vu de toutes les couleurs et qui, s’il dit ce qu’il dit, c’est qu’il est sûr de ne pas dire n’importe quoi.

-          Encore un peu de café ?

Non, l’épargnant ne veut plus de café. Quand on est sur le point d’abandonner plusieurs millions d’euros sur une simple signature, on n’a pas envie de se bourrer de café. Peut-être de whisky, mais l’investisseur n’en propose pas. Devant les atermoiements de l’épargnant, ce dernier soupire encore, toujours mentalement, en se disant qu’il faudrait peut-être qu’il demande à Josiane d’acheter une bouteille d’alcool.

Allez ! L’investisseur lance l’argument classique, celui qui doit faire mouche : il a un autre client qui est prêt à s’engager si l’épargnant lui fait défaut. Il faudrait qu’il se décide rapidement. L’épargnant reprendrait bien, tout compte fait, une autre tasse de café. Jessica se précipite et redouble de dandinements, en jouant de sa mini-jupe.

-          J’ai quelles garanties ?

Et voilà ! Ces épargnants, ils sont tous pareils. Ils veulent récupérer leur argent et se gaver d’intérêts très rapidement. Jessica sent que l’atmosphère se tend. Elle opère un mouvement de repli, elle a des ongles à limer dans son bureau.

L’investisseur rappelle l’ancienneté et donc la solidité de son entreprise, mais il commence à en avoir marre. Il dit qu’il ne veut pas bousculer l’épargnant et qu’il comprend sa prudence. Il replie son contrat et lui conseille de diriger ses fonds vers des opérations moins risquées. Une lueur de panique se glisse dans le regard de l’épargnant. Personne ne l’a jamais pris pour un froussard. La dernière fois, c’était Boulard, dans la cour des CM2. L’épargnant se souvient soudainement qu’il a souffert de cette remarque et qu’il a voulu casser la figure à Boulard. Finalement, sans qu’il ait vu venir le coup, c’est l’épargnant qui s’était retrouvé à terre, le visage ensanglanté.

Il signe.

Dans les choux

3 octobre, 2016

Avant de jouer, Michou

Le chouchou

A mangé un cachou

Et une choucroute.

Maintenant, il chouine

Car son shoot

Echoue

Chouette !

Une histoire du Moyen-Age

2 octobre, 2016

 La belle Hildegarde, comme son nom l’indique gardait les chèvres. Rémy, comme rien ne le laisse présager, gardait les vaches. On ne sait pas si Rémy était beau.

Rémy pressait Hildegarde de sortir avec lui avant que les soldats du Roi ne l’envoient à la guerre de Cent Ans. Hildegarde convenait qu’effectivement, le service militaire était un peu long et qu’on ne savait pas dans quel état Rémy reviendrait un siècle plus tard.

Petit obstacle supplémentaire : le père d’Hildegarde, qui s’appelait Ermenfred, ne voyait pas d’un bon œil l’union de ces deux jeunes gens. Ermenfred était un honnête serf du seigneur et il espérait une plus haute destinée pour sa fille. Il avait déjà beaucoup de souci avec son fils, le jeune Sifard, qui refusait obstinément d’être taillable et corvéable à merci et qui parlait souvent de prendre d’assaut le château du Seigneur.

Ermenfred pressait donc Hildegarde de faire les yeux doux au jeune Vicomte, le fils du Seigneur, projet qui pourrait le cas échéant, sauver le jeune Sifard de la corde pour le motif de tentative de jacquerie.

Tout cela ne favorisait pas le jeune Rémy, qui lui, bénéficiait d’un prénom moderne. Pour mettre sa famille à l’abri d’une répression policière féroce, Hildegarde proposa de se marier avec le Vicomte, bien que ce dernier fût affecté d’un strabisme fort divergent. Rien n’empêcherait la belle de prendre ensuite Rémy comme amant, lors des permissions que la guerre contre l’Anglais ne manquerait pas de lui ménager. Cependant elle exigea que le Vicomte bénéficie d’un dispositif rectifiant sa vue puisque – pour un jeune marié – il louchait fort, ce qui n’était pas indiqué pour les photos de mariages.

Le père du jeune vicomte s’esbaudit à cette nouvelle. D’abord parce qu’il avait pour son fils plus d’ambition qu’une union avec une simple bergère, ensuite parce qu’il n’avait jamais entendu une ribaude lui poser des sommations, enfin (mais ce motif fut découvert à la suite de patientes recherches historiques) parce qu’il n’avait pas d’oculiste sous la main.

Le jeune frère d’Hildegarde qui – rappelons-le – s’appelait Sifard se fichait complètement des problèmes de sa sœur. Il continuait d’écumer la forêt du Seigneur en se jouant du capitaine des gardes qui se nommait assez logiquement Matifas et qui se trouvait être un petit cousin de la famille de Rémy.

Rémy avait soudoyé Matifas pour qu’il ne mette pas trop d’entrain à capturer Sifard, ce qui aurait mis la belle dans de mauvaises dispositions à son égard. Matifas aurait tout le temps de faire son job pendant qu’il guerroierait contre l’anglais pendant un siècle, puisque durant son service, il aurait le statut d’amant intermittent de la belle.

Le père d’Hildegarde qui se nommait toujours Ermenfred, en avait un peu par-dessus la tête. Non pas de casser les cailloux toute la journée sur les chemins du seigneur, mais plutôt des atermoiements de sa fille et des frasques de son fils.

Le père du vicomte, seigneur du lieu, se rendait bien compte qu’avec le regard difficilement supportable de son fils, il aurait du mal à le caser chez une belle princesse. Il proposa donc au serf Ermenfred de marier les deux jeunes tourtereaux. Il suffirait de cacher le visage du jeune marié d’une cagoule, ce qui serait bien suffisant pour une jeune ribaude, qui aurait de toute façon, un amant attitré dont le rôle serait de satisfaire son besoin d’amour courtois. Dans ce deal, il était entendu que le jeune Sifard, à la tête de sa bande de pouilleux, s’abstiendrait de brûler le château du seigneur, vu que celui-ci n’en avait pas d’autre.

Ce concordat satisfait le capitaine des gardes, Matifas qui en avait marre de faire semblant de courir sus à Sifard.

1234