Archive pour octobre, 2016
En direct du stade de France
20 octobre, 2016Le commentateur sportif vient de s’étrangler de joie. La France a marqué un but !
- Quel joli but, n’est-ce pas Damien Dugenou, notre consultant ?
- Oui, Raymond, très joli but qui va mettre de la confiance dans l’équipe. Les spectateurs ont l’air très contents.
Après cet avis technique de Damien Dugenou, arrière gauche remplaçant dans l’équipe de France de 1954, la partie reprend.
- Ce serait bien d’arriver à la mi-temps avec cet avantage, dit le commentateur, n’est-ce pas Damien , vous qui connaissez bien le problème ?
- Oui, ce serait bien, Raymond. Mais nos adversaires l’entendent-ils de cette oreille ?
Sûrement pas, nos adversaires se déchaînent et taclent les français à qui mieux mieux. L’avant-centre des bleus reste à terre.
- Oooooh, mais c’est une véritable agression, dit le commentateur. Et que décide l’arbitre ? Rien ! Qu’en pensez-vous, Damien ?
- En effet, Raymond il y avait une grosse faute sur notre joueur. D’ailleurs, il n’y a qu’à voir le ralenti.
- En effet, vous avez raison, Damien, on le voit bien sous cet angle-là !
- C’est la mi-temps ! L’arbitre renvoie les équipes aux vestiaires. Nous allons débriefer cette première mi-temps avec nos spécialistes. N’est-ce pas Damien ?
- Tout à fait, Raymond !
Alors, messieurs, cette première période, comment la ressentez-vous ? Jean Dumollard, votre avis ?
- En effet, Raymond, on peut noter que nous avons marqué un joli but.
- Et qu’est-ce qui va falloir faire pour l’emporter, selon vous ?
- Marquer plus de buts que l’autre équipe, Raymond.
- Un autre avis, Damien ?
- Oui j’ajouterais que nous sommes bien en place, Raymond.
- Ah mais, voilà les équipes entrent à nouveau sur le terrain ! C’est parti pour cette seconde mi-temps.
Un shoot des français passe à vingt mètres à côté des buts adverses.
- Voilà une très belle tentative de Jérémy Dubigniou qui va donner confiance à l’équipe, n’est-ce pas Damien ?
- Sans aucun doute, Raymond. Mais elle est complètement ratée.
- Mais que vois-je ? Nos adversaires marquent un but et nous remontent au score.
- Tout à fait Raymond !
- La seconde mi-temps ne ressemble pas du tout à la première. Nos adversaires sont plus agressifs sur le porteur. Ils ne nous laissent pas le temps de poser notre jeu.
- Le coach a dû les remobiliser à la mi-temps, Raymond.
- L’arbitre siffle la fin de la rencontre !
- Voilà un match nul, qui vaut bien une victoire, n’est-ce pas Damien, vous qui connaissez bien le sujet ?
Le voyage d’Omar
19 octobre, 2016Le poème du trouvère
18 octobre, 2016Henriette au bal
17 octobre, 2016La rumeur des conversations enflait jusqu’à étouffer les envolées lyriques des violonistes auprès desquels des couples valsaient en se donnant des airs. A la clarté incertaine des chandeliers vacillants, des silhouettes confuses se dessinaient.
Au milieu des robes étincelantes, des épaules nues ou endiamantées des femmes, on distinguait des uniformes de la garde impériale et quelques bedaines arrondies de puissants sénateurs, entourés de quémandeurs empressés.
Le général, à la démarche raide et au torse large, s’inclina avec une science exacte des bienséances devant la marquise, laquelle laissa courir un mince sourire sur ses lèvres parcheminées et eut un vague mouvement de son éventail fermé en signe d’acceptation.
Le général venait d’obtenir l’autorisation de tendre son poignet à la jeune Henriette qui patientait depuis un moment auprès de sa mère. Lorsqu’elle avança sa main vers la manche galonnée, Henriette jugea bon de laisser rosir ses hautes pommettes.
La marquise avait déjà décidé que le général qu’on avait vu prendre des ponts défendus avec acharnement par l’ennemi était un très excellent parti.
Il est vrai que le général était spécialisé dans l’attaque des ouvrages d’art. Il pensait que l’attitude fougueuse du soldat entrainant ses hommes à l’assaut, drapeau flottant dans le vent des boulets ennemis, lui convenait à merveille. Il avait déjà expérimenté cette envolée à plusieurs reprises sur des passerelles sans intérêt stratégique, prises depuis longtemps à l’adversaire. Il hurlait à pleine poitrine : suivez-moi mes braves, de telle façon que le peintre préposé aux armées puisse saisir la virilité de ses traits à cet instant précis.
Le général empanaché s’était ainsi bâti une belle réputation à la Cour. Comme l’empereur l’avait couvert de bienfaits, et que le métier des armes n’était pas sans risque, même si on le pratiquait à couvert, la marquise voyait d’un bon œil – celui qui lui restait – la cour que le général faisait à Henriette.
Pourtant, selon Claudette sa chambrière, Henriette rencontrait en cachette un jeune journaliste dont les ragots alimentaient une feuille de chou républicaine. La marquise faillit entrer dans un vif courroux, mais en femme rouée, rompue aux choses de la bagatelle, elle se décida d’une stratégie plus habile.
Henriette épousera le général, tout en espérant qu’il soit emporté prochainement par un boulet perdu. Pendant ses faux exploits guerriers, Henriette prendrait le journaliste comme amant. La marquise savait que la presse faisait et défaisait les réputations. Ella avait déjà exploré son pouvoir de nuisance, lorsqu’elle avait été surprise par le marquis avec un jeune palefrenier beau comme un dieu.
De plus, les idées républicaines s’avançaient. La démocratie aussi. C’était navrant, mais c’était ainsi. Bientôt, le peuple prétendra élire ceux qui exerceront le pouvoir en son nom. Il valait mieux avoir un pied dans chaque camp.
Lorsqu’Henriette essoufflée et haletante regagna sa place à ses côtés, la marquise eut l’impression désagréable qu’une ombre voilait le beau regard pers de sa fille.
Le général avait mauvaise haleine.
Des bêtes ?
16 octobre, 2016« Je me comporte comme un vrai dictateur. »
« Et vous êtes fier de vous ? »
« Pas tellement, mais je défends ma place. Ce n’est pas si facile que ça ! »
« Mais vous pourriez être charismatique. Tous vos subalternes vous suivraient sans chercher à vous déloger. »
« J’ai essayé, mais ils m’ont dit d’arrêter d’être démago. »
« Il ne s’agit pas de leur faire plaisir, il s’agit de les convaincre des bienfaits de leur mission en y mettant de l’enthousiasme. »
« Si vous croyez que c’est facile de s’enthousiasmer pour un flacon d’insecticide anti-fourmis. Je préfère être dictateur, c’est plus simple. »
« Les salariés vous détestent. »
« Oui, c’est probable. C’est leur moteur. S’ils m’aimaient, ce ne serait pas très intéressant pour eux, ils n’auraient pas de méchancetés à se raconter autour de la machine à café. Je concentre sur moi toutes leurs rancœurs contre le monde qui les entoure. Je leur rends service. Comprenez-vous ? »
« Vous leur faites peur. »
« J’espère bien. Que serait une société sans peurs ? Quand vous traversez la rue, vous devez avoir un peu peur de vous faire écraser. Ainsi, vous prenez des précautions pour garder votre vie sauve. Vous voyez, je rends encore service ! »
« On peut aussi essayer d’intéresser les salariés à ce qu’ils font. »
« Je les paie à la fin du mois. Mais il faut ne pas avoir beaucoup d’estime pour ses salariés pour penser qu’ils n’ont d’intérêt que pour l’argent. »
« Si je comprends bien, personne ne vous aime, mais vous estimez les autres. »
« Ce n’est pas contradictoire. Ils ont beaucoup de raison de me détester, mais moi je n’en ai aucune de leur vouer autant de haine. »
« Je trouve que vous prenez un plaisir sordide à exercer le pouvoir. »
« Je ne sais pas s’il est sordide, mais c’est effectivement un plaisir. Chaque fois que je circule dans les ateliers, je sens des dizaines de regards noirs peser sur mes épaules. Je suis le maître des émotions à cet instant. »
« C’est bien ce que je disais, c’est pathétique. »
« Oui, c’est médiocre, mais on a tous nos instants de médiocrité. Chez eux, certains d’entre eux font peut-être régner leur loi avec des méthodes peu engageantes. »
« Mais enfin, nous ne sommes pas entre bêtes féroces ! »
« Si, justement. »
Dans les prés
15 octobre, 2016De l’air !
14 octobre, 2016Le problème du sous-préfet
13 octobre, 2016C’était un endroit où il ne se passait rien de grave.
Bien sûr, parfois, les gens – surtout les vieilles gens – étaient malades, mais les médecins étaient nombreux et assez organisés pour leur porter secours rapidement. Il arrivait qu’un ancien meurt, mais c’était la faute de l’usure des années. On le pleurait, on le portait en terre, puis le temps faisait son œuvre.
Dans cet endroit, chacun pouvait s’adonner à la religion de son choix ou n’avoir aucune croyance mystique, sans être regardé d’un œil torve par son voisin. D’ailleurs, la plupart du temps, l’un ignorait la confession de l’autre, ou s’il le savait, il s’en fichait complètement.
Le niveau de vie était à peu près le même dans chaque famille. Certes, il y avait des cadres supérieurs qui vivaient dans des villas un peu plus grandes, un peu mieux situées, un peu mieux équipées. Cependant les autres maisons étaient d’un confort simple, mais plutôt agréable. Les différences de revenus entre habitants existaient, mais restaient dans des limites telles qu’elles n’excitaient pas la jalousie des uns envers les autres.
Il y avait de la solidarité entre les êtres humains. Lorsque l’un perdait son emploi, tous les autres étaient informés et se remuaient pour trouver un nouveau job à l’intéressé. Souvent, ils y parvenaient de sorte que le taux de chômage était très bas. Personne n’en parlait à la télévision, parce que la félicité, c’est moins intéressant que la dèche.
Les gens n’hésitaient pas à se parler entre eux. Chacun connaissant chacun, les solitaires n’étaient jamais gagnés par la dépression ou le spleen. Il leur suffisait de sortir dans la rue pour retrouver un peu de lien chaleureux.
Souvent, les citoyens faisaient des propositions aux autorités pour améliorer la vie collective. La plupart du temps, ces suggestions, encouragées par les élus, s’avéraient très pertinentes.
Les habitants aimaient à faire du sport. Ils étaient nombreux, en survêtement, à faire le tour du parc en courant. Tous jouissaient donc d’une excellente condition physique.
A l’école, les enfants travaillaient bien. En entrant en classe, ils laissaient leur smartphone dans un casier prévu à cet effet, de manière à être disponibles pour l’enseignement. Chez eux, chaque élève avait sa chambre où il pouvait apprendre ses leçons et faire ses devoirs en toute quiétude. Parfois, ils se réunissaient dans le rue, bien sûr. Mais c’était pour s’amuser gaiement dans des fêtes où ne coulait que le jus d’orange.
Quand un jeune homme fréquentait une jeune fille, les deux familles les couvaient. L’engagement des deux jeunes gens l’un envers l’autre valait pour la vie. Il arrivait que les deux mariés soient de religions différentes ou de même sexe sans que cela ne choque personne.
Dans ce monde, les gendarmes n’avaient pas à se préoccuper de l’ordre public : aucune agression, aucun vol, même pas une petite ivresse sur la voie publique. Le code de la route était respecté à la perfection par les citoyens. Aucun automobiliste, par exemple, n’accélérait au moment où une personne âgée se présentait au bord du trottoir, comme le font certains dans d’autres pays pour éviter d’être retardés.
Pendant ce temps, dans son bureau, le sous-préfet n’en fichait pas une rame.