Archive pour le 28 octobre, 2016

Uniquement pour les nuls

28 octobre, 2016

« C’est comme ça, je suis nul : nul en sport, nul au boulot, nul à la maison… Ma nullité m’impressionne moi-même. »

« Vous vous auto-flagellez ! »

« Oui, c’est très à la mode. C’est en souffrant qu’on progresse. Quand je me rends compte que je suis nul, je me rends compte des efforts que je devrais faire. »

« Et vous les faites ? »

« Pas forcément. Si je ne suis plus nul, je n’aurai plus d’efforts à faire. Il faut que je sois intransigeant avec moi pour bien me rendre compte de ce que je devrais faire. »

« Vous ne vous trouvez aucune circonstance atténuante ? »

« Aucune. Si on commence avec les circonstances atténuantes, on rentre dans le camp des mous. Je suis peut-être nul, mais pas mou. »

« Mais tout de même… il y a bien un domaine où vous excellez. »

« S’il y en avait un, vous pensez bien que depuis 40 ans, je m’en serais aperçu. Mais non, rien de rien. Dugenou, mon chef de service, a raison : on ne voit pas bien où est ma valeur ajoutée. A la maison, personne ne sait à quoi je sers. D’ailleurs, il n’y a plus personne.»

« Vous comptez rester dans cet état ? »

« Oui, c’est très reposant. Les gens ne me demandent rien qui exige une mise en œuvre sérieuse de peur que ça tourne en catastrophe. »

« Et si quelqu’un se risque à vous demander un travail. »

« Je soulève toutes sortes d’objections. Par exemple si Dugenou me confie un rapport urgent, je lui signale que je vais être en RTT ou que je ne me sens pas bien ou que je vais enterrer ma quatorzième vieille tante. S’il insiste vraiment, je ne dis que je ne sais pas taper à l’ordinateur ou alors que je n’ai pas pratiquer l’écriture depuis l’école primaire. »

« Et il vous garde. »

« Oui, comme exemple de la nullité qu’un salarié peut atteindre s’il se laisse aller. Certains collègues viennent de voir quand ils se sentent déprimés. Après m’avoir longuement observé, ils repartent ragaillardis en se disant que leur situation n’est pas si catastrophique qu’ils le pensaient. »

« Et à la maison ? »

« Je fais encore pire. Toutes mes ex ont fui. Je suis incapable de comprendre le fonctionnement d’un aspirateur et encore plus la nécessité de le passer. Mes tentatives de cuisine ont conduit à dépenser une fortune en pizzas. »

« Et le psy, qu’est-ce qu’il vous a dit ? »

« Il pense que j’ai un problème. »