La cigale, la fourmi et le hanneton
9 octobre, 2016C’est un fait acquis : la Cigale a passé l’été à dilapider son argent. Boîtes de nuit, tenues à la mode, le dernier smartphone, hôtels de luxe…. Et va-z-y que je jette l’argent par les fenêtres. Arrive l’automne et les ennuis qui commencent : factures, loyer, impôts, etc… La Cigale est d’avis qu’on devrait supprimer l’automne.
Elle ne va sûrement pas aller mendier auprès de le Fourmi sa voisine. Celle-ci qui gaspille son temps à amasser du fric en prévision des mauvais jours, ne prêtera pas un centime à la Cigale. Ce qu’il y a d’encore plus énervant, c’est qu’elle en profitera pour faire sa maline et lui administrer quelques leçons de morale à deux balles.
La Cigale prend plutôt rendez-vous avec monsieur Le Haneton, son banquier, qui lui accorde sans chichis un crédit à un taux exorbitant. C’est tout de même un comble, pense le Cigale, on n’est plus aidé par son banquier que par ses voisins.
Monsieur Le Haneton se frotte les mains dans son coin. A 18 % l’an, il vient de faire une bonne affaire.
La Fourmi apprend la chose et s’en trouve un peu marrie. Elle rencontre monsieur Le Haneton, son voisin et lui fait de vifs reproches. Avec son crédit, il encourage l’insouciance et l’oisiveté alors que la croissance économique du pays est en berne et qu’il faudrait que tout le monde se remette au travail au lieu d’aller danser le jerk.
Monsieur Le Haneton fait remarquer à la Fourmi qu’elle devrait sortir un peu, car le temps du jerk est dépassé depuis plusieurs dizaines d’années.
La Fourmi se sent légèrement offensée, mais n’en laisse rien paraître. Elle élève le débat et le situe sur un plan économique. Du temps de monsieur La Fontaine, les établissements de crédit étaient plus sérieux. L’emprunt était considéré comme une extrémité parfaitement immorale. Le résultat, c’est que tout le monde bossait. A cette époque, un individu comme la Cigale aurait été mis au ban de la société. Le fait qu’elle pouvait mourir de faim, n’aurait dérangé personne.
Monsieur Le Haneton sourit avec indulgence. Il rappelle que la Fourmi est bien contente que sa banque rémunère ses dépôts. A ces mots, le sang de la Fourmi ne fait qu’un tour, ce qui est relativement rapide compte-tenu de sa faible taille. La Fourmi objecte en effet que son compte livret est rémunéré à un taux ridicule dont il n’y a pas à se vanter, tandis que monsieur Le Haneton fait un prêt à un taux pharaonique à la Cigale.
Le Haneton, un peu dépassé par la virulence de la réplique marmonne qu’il a des frais. La Fourmi, qui commence à l’avoir mauvaise, lui fait observer que lorsqu’on tient compte de l’inflation, des impôts et des frais de gestion, son compte sur livret est rémunéré – si on ose dire – à un taux négatif et qu’en conséquence, elle va retirer son argent de la banque.
Monsieur Le Haneton est bien embêté. Il ne faudrait pas que La Fourmi fasse trop de tapage autour d’elle. Les fourmis sont en effet nombreuses et représentent une part importante de sa clientèle.
La Fourmi lui conseille de ne pas l’énerver davantage. Le Haneton remonte dans son coupé sport, car il a un dîner à la Tour d’Argent. A l’autre bout de la ville, la Cigale s’éveille après sa longue nuit de débauche.