Un non-séducteur

« Je n’en peux plus. Dans le métro, toutes les femmes me dévisagent d’un air gourmand. Je tombe amoureux de toutes celles qui me sourient. Si vous pouviez me regarder avec un air agressif, ça m’arrangerait. »

« Euh, l’ennui, c’est que vous êtes sympathique et même plutôt séduisant. Je n’ai pas tellement envie de vous agresser. »

« Ah bon ? J’ai pourtant évité de me peigner et de me raser ce matin. J’ai mis un jean crasseux et une chemise non repassée. »

« Justement, ça vous donne un air de sauvage, tout juste sorti de sa grotte. C’est à tomber par terre ! »

« Bon, demain, je me rase, je me peigne, je mets une chemise blanche-cravate, et un costard impeccable bien entendu, ça ira. »

« Oui, ce serait mieux. Vous serez comme tout le monde, c’est-à-dire complètement nul. Vous aurez une bonne chance que les sourires des femmes vous fichent la paix. Mais n’oubliez pas d’avoir une attitude empressée de cadre se rendant à ses rendez-vous. »

« Et si j’avais un ordinateur sous le bras, ce serait pas mieux ? »

« D’accord, ouvrez-le sur vos genoux, mais attention ! N’allez pas regarder un dessin animé, auquel cas vous allez encore passer pour quelqu’un d’original et d’intéressant ! Débrouillez qu’on voit pour qu’on voit que vous travaillez sur des choses compliquées et importantes avec plein de graphiques partout. »

« Parfait ! Et si j’avais l’oreille collé au téléphone. Je n’ai jamais personne à appeler, mais ça aiderait ! »

« Tout à fait, si une femme vous sourit, sortez votre téléphone et parlez. Dites n’importe quoi en lui lançant un regard navré pour qu’elle comprenne bien que vous avez des affaires bien plus importantes à traiter que de prendre en considération son misérable sourire ! »

« Heureusement que je vous ai rencontrée. Comment pourrais-je être sûr que vous ne vous intéressez absolument pas à moi ? »

« Vous pouvez toujours reprendre votre téléphone et faire semblant d’avoir une conversation amoureuse avec une copine hypothétique. »

« Ah bon ? »

« Normalement, je devrais me renfrogner, en pensant que tous les mecs convenables sont déjà pris. »

« Oui, mais je sens que vous pourriez tenter votre chance quand même. C’est bien les femmes, ça ! Elles ne pensent qu’à me mettre dans l’embarras ! »

« Le mieux pour se débarrasser de moi, c’est d’avoir une conversation complètement pourrie. Par exemple : demandez-moi si c’est à moi ces beaux yeux là. »

« Je ne peux pas, je vois bien qu’ils sont à vous, vos beaux yeux. »

« Il faudrait y mettre un peu du vôtre, sinon je vais vous mater. »

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