Archive pour le 9 août, 2016

Un pauvre homme

9 août, 2016

« Quand je n’avais pas d’argent, je me sentais frustré en pensant à tout ce que j’aurais pu faire si j’en avais eu. »

« Maintenant que vous en avez, ça va mieux ! »

« Non ! Je me sens toujours inquiet à l’idée que je pourrais me sentir frustré une fois que j’aurais tout dépensé. »

« Alors, vous faites quoi ? »

« J’accumule encore plus d’argent pour compenser celui que je vais dépenser dans tous les projets qui me tenaient à cœur quand je n’avais pas d’argent. »

« Bon ! Alors maintenant ça va mieux ! »

« Non, parce qu’une fois que j’ai épuisé mes projets, j’en ai d’autres pour lesquels je n’ai pas encore assez d’argent. »

« Donc, vous passez votre vie dans la frustration. »

« Absolument, je vous envie. Vous, vous n’avez pas beaucoup d’argent. Vous ne savez pas ce que c’est d’être continuellement en manque. C’est affreux.»

« Je vous plains. »

« Vous pouvez ! D’autant que je culpabilise un peu ! Quand vous avez énormément d’argent, il arrive un moment où vous n’avez plus rien à vous acheter et où vous êtes obligé de placer votre pactole. A partir de ce moment, vous encaissez des revenus financiers et vous finissez rentier. »

« Ce n’est pas trop fatigant. »

« Justement, je ne suis jamais fatigué par le travail que je ne fais pas. Tous les gens bien se tuent au travail, moi pas. Je me sens mal quand je vous vois trimer comme un fou. »

« Vous pourriez me donner votre argent. »

« Vous n’y pensez pas. Je vous estime trop pour vous plonger dans les difficultés intimes qui m’assaillent. Vous tenez à être obligé de dire : rentier, quand on vous demande ce que vous faite dans la vie ? Vous tenez à être haï par la population travailleuse ? »

« Parce qu’en plus vous voudriez qu’on vous aime ? »

« Oui ! Quand je n’avais pas un sou, les gens savaient s’apitoyer sur mon sort ! On me réconfortait de quelques paroles amicales ! Aujourd’hui, je ne peux pas faire un pas dans la rue sans être insulté. Je suis obligé de m’habiller avec des vêtements tout chiffonnés pour aller faire mes courses. »

« Heureusement, vous payez des impôts ! » 

« Euh… quand les riches paient des impôts, l’Etat dépense plus, ça fait tourner l’économie et les riches deviennent encore plus riches. Vous voyez un peu la panade dans laquelle je suis !