Archive pour juin, 2016

Un petit morceau de puzzle

9 juin, 2016

« Je suis motivé. »

« Motivé pour quoi ? »

« Je ne sais pas. J’ai envie de réussir quelque chose par moi-même. Pour montrer que je suis quelqu’un de pas ordinaire. »

« Non, c’est interdit, vous devez vous fondre dans le collectif. Votre gratification, vous la trouverez dans la réussite de l’équipe. »

« Pff ! Je ne saurais donc jamais ce dont je suis capable. »

« Vous devez être capable de vous mettre au service d’un ensemble de personnes qui œuvrent dans la même direction sous l’égide du chef qui mène la barque. »

« Ce n’est guère motivant. Pourrais-je faire preuve d’initiative personnelle ?»

« A la rigueur, sous réserve de l’accord de votre chef, qui n’a pas le temps de vous recevoir et qui en plus n’aime pas les originaux. »

« Ce serait mieux si j’étais à la fois le chef et l’exécutant. J’aurais le temps de me recevoir moi-même pour étudier mes propositions. »

« Je vois ce que c’est : vous êtes un être qui veut se réaliser par lui-même. Nous ne sommes plus au temps du far-west. Il n’y a plus de héros solitaire. Votre amour-propre, vous vous le mettez dans votre poche. »

« Vous vous rendez compte que vous risquez de rater mon talent. Il faudrait laisser à chacun une marge de manœuvre pour exprimer ses dons. »

« Je n’ai aucune envie de gérer vos états d’âme, j’ai assez à faire avec les miens. Et puis, vous vous rendez compte, si chacun veut exprimer son talent personnel, comment je fais pour assurer la cohérence ? »

« Euh… le désordre est souvent créateur. C’est la sérendipité. Si Fleming avait respecté les normes, il n’aurait probablement pas découvert la pénicilline. »

« Vous n’avez pas une tête à découvrir quelque chose. Les gens comme vous qui aimeraient bien accéder au vedettariat sont une vraie plaie. Participez donc une émission de téléréalité. Il suffit de paraître, vous n’avez pas besoin d’avoir un talent quelconque. D’ailleurs, il vaut mieux ne pas en avoir, tout le monde s’en fout de votre savoir-faire. »

« Si je comprends bien, nous allons vers un monde déshumanisé dans lequel chacun est invité à se transformer en objet, capable de s’imbriquer dans un gigantesque puzzle. »

« C’est exactement ça, vous êtes un petit morceau de puzzle dont la finalité vous dépasse largement. Vouloir sortir de votre emplacement, c’est flanquer la pagaille dans l’ensemble. Vous vous rendez compte ? »

« Et si je ne suis pas content de mon sort de petit morceau ? »

« On est en démocratie. Votez contre lors des prochaines élections. »

Ah ! Ah ! Ah !

8 juin, 2016

C’est un cas.

Il a le cheveu ras.

Il vit en bas.

Dans un mas

Vers un tas

Si tu y vas

De ce pas,

Ne sois pas las.

Un nouvel ami

7 juin, 2016

« Qu’est-ce que c’est ? »

« Un formulaire. »

« Pour pouvoir devenir ami avec vous  il faut remplir un formulaire ? »

« Oui, je n’ai pas envie de laisser entrer n’importe qui dans mon territoire amical. »

« Vous voulez savoir si je suis de gauche ou de droite ? »

« C’est indispensable, pour savoir si je peux vous payer un verre ou un repas. Je ne vais pas investir pour qu’on s’écharpe. »

« Et là, vous voulez savoir où je compte passer mes prochaines vacances ? A quoi ça vous sert ? »

« J’ai aucune envie que vous me preniez la tête avec vos vacances exotiques chez l’habitant au fin fond de la Thaïlande. Ce que j’ai à raconter de mes congés doit être prioritaire. »

« Et le nombre de mes visites chez le médecin, en quoi ça vous regarde ? »

« Je veux savoir si vous êtes bien entretenu. Je ne veux pas me payer la liste de vos maladies à n’en plus finir. »

« Et mes enfants ? Qu’est-ce que ça peut vous faire ? »

« C’est-à-dire que, certains mercredis, ça m’arrangerait de vous amener les miens pour qu’ils jouent avec les vôtres, comme ça j’aurais la paix pour une journée. »

« C’est tout ? Je vous signale que je n’ai pas de maison de campagne pour vous inviter pendant les week-ends ou les vacances. »

« Ce n’est pas grave, je vais les passer dans le chalet des Dumollard. J’ai l’impression que vous sous-entendez que je profite de mes amis ? »

« Euh… c’est tout de même la première fois qu’on me demande de remplir un formulaire. »

« C’est une garantie. Les gens changent. Ils peuvent connaître des revers de fortune, devenir acariâtres. C’est très embêtant. »

« Vous ne voulez pas ma photo, par hasard ? »

« Si justement, il m’en faut même plusieurs. Je tiens à avoir un regard confiant en face de moi, avec une petite lueur amusée dans le fond de l’œil gauche. »

« Dans le droit, ça peut aussi faire l’affaire ? »

« Oui, et en plus, vous devez savoir m’écouter. C’est une grande qualité que de savoir écouter son ami, sans porter de jugement évidemment. Je supporte très mal les remarques désobligeantes, même sous forme de plaisanteries. »

« Bon, je crois que je ne vais pas remplir votre formulaire. »

« Alors nous ne sommes pas amis. Par contre, j’ai là un autre formulaire qui permet de savoir si nous pouvons être ennemis, ça vous intéresse ? »

Doublés

6 juin, 2016

Rose est morose.

Tristan est triste.

Nicolas est las.

Lorna est morne.

Le mignon est grognon.

L’ivrogne se renfrogne.

Le Mossad est maussade.

Dans le Ténéré, tous ténébreux.

Moi, dans ma turne, taciturne.

Un vieux de vieille

5 juin, 2016

« Comment ? Vous roulez en Dauphine, version 1958 ? Comment vous faites ? Tout le monde doit se moquer de vous ? »

« Pas du tout. On applaudit ma dextérité au volant. »

« Et là, qu’est-ce que je vois ? Un téléphone à cadran. Vous l’emportez dans votre poche en guise de portable ? »

« Mais je peux très bien téléphoner avec un téléphone à cadran. C’est plus moderne que les anciens appareils à manivelle ! »

« Euh… oui, si on veut. C’est de la même époque que vos tourne-disques. Vous écoutez les 78 tours de Jean Sablon, là-dessus. »

« Parfaitement ! Et j’ai toute la collection des Franck Alamo en plus. »

« Qu’est-ce que je vois ? Du papier à lettres, un stylo à plume et une bouteille d’encre ? Ne me dites pas que vous écrivez votre courrier à la main ! »

« Si ! Et figurez-vous que je le porte moi-même à la poste après avoir collé un timbre sur l’enveloppe. « 

« Enfin, si ça vous fait plaisir… Et sur votre télé en noir et blanc, vous réussissez à attraper la seconde chaîne ? Vous avez toujours accès à Catherine Langeais ? »

« Parfaitement et le mercredi soir, j’invité les gamins des environs à voir la piste aux étoiles ! Euh… Si vous pouviez mettre les patins, vous allez abîmer mon parquet !»

« Je vois que vous collectionner les photos du Tour de France…. Vous êtes tout de même au courant que Raymond Poulidor a abandonné la compétition. »

« Ah mince, je croyais qu’il se préparait pour le tour de 2017 ! Bon, enfin ça ne fait rien, je vais allez applaudir le Général : il vient inaugurer la foire du village. »

« Euh… de là où il est, ça m’étonnerait. Vous savez qu’on a inventé la machine à laver, le frigo, le grille-pain… »

« Ah bon ? Il faut faire brûler le pain ? »

« Vous devriez vous équiper un peu. En 2016, on vit beaucoup mieux. »

« Ah oui, c’est mieux ? Le facteur ne passe plus qu’une fois par jour. Le mien passe encore l’après-midi ! »

« C’est vrai, la Poste vous a conservé deux passages à titre de vestige historique. »

« Il y a encore une voix humaine au bout du fil quand j’appelle l’EDF ! »

« Alors là, je ne vous crois pas ! C’est impossible ! Les automates téléphoniques, ça existe depuis la nuit des temps. A la rigueur dans des cas extrêmes, un homme perdu au milieu du Sahara vous répond qu’il ne comprend rien à votre problème, mais c’est vraiment pour les bons clients… »

Mauvais poème

4 juin, 2016

Pablo est un notable.

Il est probable

Qu’il est coupable,

Mais il est capable

D’inventer une fable.

Diable !

Il faut lui sauter sur le râble !

Qu’il se mette à table !

Cette histoire n’est pas très stable.

De toutes les couleurs

3 juin, 2016

Rose ose le rose.

C’est une aubergine

Qui veut entrer dans la marine

Pour avoir un teint de bronze.

Elle part sur la Côte d’Azur

Après avoir bu son café au lait,

Puis son jus d’orange

Dans un verre vert.

Une grande réforme

2 juin, 2016

« Il faudrait une économie où tout est gratuit pour tout le monde. »

« Ça ne marchera jamais votre truc. »

« Si on essaie pas des trucs nouveaux, on ne se sortira jamais de la panade. Vous vous rendez compte. La gratuité totale réglerait plein de problèmes. Plus d’accumulation d’argent : fini le capitalisme ! Plus de chasse aux profits : finis les ravages sociaux du libéralisme. »

« Oui, mais enfin, il faut bien que les choses rares aient un prix pour réguler l’offre et la demande. »

« Non. Lorsque la demande excède l’offre, il n’y a qu’à produire plus. »

« C’est complètement irréaliste ! »

« Vous n’avez pas vu tous les avantages. Dans ma nouvelle société, il n’y a plus de vol : si quelqu’un pique ma bagnole, je la remplace facilement. D’ailleurs plus personne n’a intérêt à me voler ma voiture, puisqu’il suffit d’aller chez un concessionnaire pour prendre le volant. »

« C’est tout ? »

« Non, vous pourriez aussi choisir de faire le métier qui vous plait puisque vous ne seriez plus attirer par l’argent qu’on vous propose. De plus, je terrasse le chômage car le travail devient gratuit lui aussi. »

« Il n’y a peut-être plus de chômage, mais plus de raison de travailler dans votre économie. Qui va faire le travail d’éboueur ? »

« Quand les citoyens en auront marre de leurs poubelles, ils seront bien obligés de s’y mettre. Ce serait une façon de développer le sens du collectif ! »

« Vous ne seriez pas un peu socialiste ? »

« Si, un peu. Il faudrait diviser la Terre en lopins égaux en surface pour que chacun puisse y poser sa maison. »

« C’est ça ! Et quand je meurs, mes deux fils se disputent mon territoire ! On retourne au Moyen-Âge, mon vieux ! »

« Non, parce qu’il y aura surement des gens qui décèdent sans enfants ou alors des gens qui veulent cohabiter. Il suffit de s’organiser. »

« Bon, alors là, on revient au régime soviétique. »

« Non, parce que, puisqu’il n’y a pas d’argent, il n’y a pas de corruption possible. »

« Oui, mais il y aura toujours des passe-droits. Si vous êtes copains avec celui qui répartit la terre, il vous donnera le plus joli coin.  Votre boucher réservera ses meilleurs morceaux à ses potes. Votre plombier passera moins de temps chez vous s’il ne vous aime pas. Quand l’argent n’est pas là, il reste la faveur. L’homme n’est jamais vertueux, mon pauvre. La femme non plus. »

« Si je comprends bien, l’argent permet de remplacer une injustice par une autre. »

Temps de chiens

1 juin, 2016

Loulou

Sort de son terrier

Il va voir Bernard qui est un saint.

Chez lui, Bernard accueille Bichon

Un Pékinois.

Bichon est un berger

Qui braque des banques

Qu’on lui mette la main au collet !

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