Archive pour mai, 2016

Entre intelligents

19 mai, 2016

« Vous êtes très intelligent. »

« Vous dites ça pour me flatter. Qu’est-ce que vous voulez ? »

« Rien, je trouve simplement que vous êtes intelligent. Vous comprenez tout, tout de suite. Enfin sauf la raison pour laquelle je vous dis que vous êtes intelligent. »

« C’est-à-dire que je suis tellement assailli d’admirateurs et de quémandeurs de toutes sortes que je me méfie. Mais dites-moi, j’y pense, vous êtes intelligent aussi puisque vous comprenez ce que je comprends. »

« Vous êtes sûr que vous ne me flattez pas ? »

« Pas du tout. Nous sommes entre gens sérieux. Vous comprenez les situations aussi bien que moi, sinon vous ne pourriez me dire que je les comprends. La seule chose que je vous reproche, c’est de me dire que je suis intelligent. On dirait le maître qui attribue une bonne note à l’élève modèle. »

« Je suis désolé si je vous ai froissé. »

« Ce n’est rien. De temps à autre, je fais exprès d’avoir une réaction inintelligente pour essayer de passer inaperçu. »

« Vous avez raison, il ne faut pas être très malin pour refuser un compliment désintéressé. Moi, je note que vous m’avez trouvé intelligent aussi et je ne me suis pas formalisé. »

« C’est-à-dire que je tiens à avoir l’intelligence modeste. Comme ça, si je me trompe une fois, personne ne rira de moi. Tandis que s’il se répète que j’ai une intelligence au-dessus de la moyenne, il se trouvera toujours des malveillants pour me tromper et se moquer de ma naïveté. »

« Je sais, la vie d’un être intelligent est dure. On ne nous pardonnera pas une erreur. Il faut assumer son statut. Moi, je n’hésite pas à dire que je suis intelligent pour qu’on admire aussi la fermeté d’âme avec laquelle j’affronte les jaloux et les envieux. »

« Si je comprends bien, il faut être intelligent et avoir le cuir épais pour résister à la pression sociale. Mince ! Moi, je suis seulement intelligent… et sensible, en plus. Remarquez que sensible, ce n’est pas mal non plus, ça permet de saisir les non-dits, la profondeur d’un regard, la qualité des ambiances…. Enfin tout ce qui n’entre pas dans le champ du raisonnement académique… »

« Ah, zut ! Personne ne m’a jamais dit qu’il ne fallait pas raisonner. D’habitude, ceux qui ne raisonnent pas sont des idiots. J’y suis … Vous êtes un idiot intelligent… Une sorte d’artiste quoi ! »

« C’est ça, un artiste. Finalement, contrairement à vous, on peut dire que je ne comprends rien, je me contente de ressentir. C’est comme si un truc en moi se chargeait de comprendre à ma place et de me restituer le résultat. »

« Une sorte d’ordinateur intelligent intégré ? »

Le chou à la crème, dernier refuge de l’humanité ?

17 mai, 2016

« Finalement, c’est toujours pareil depuis des siècles. L’homme cherche avant tout un toit pour dormir au sec et de la nourriture pour manger. »

« Le problème, c’est de savoir ce qu’il fait une fois qu’il a dormi et mangé. Il reste tout de même au moins 15 heures par jour à occuper. »

« Il contribue à la richesse collective pour en retirer la part qui lui permettra de se loger et de manger. »

« Bien alors, il reste 7 à 8 heures libres. Que fait-il ? »

« Il s’occupe de ses enfants pour qu’ils fassent pareil que lui. Et quand il n’en a pas, il se dépêche de trouver une femme qui lui en fera un ou deux, de façon à leur expliquer qu’il faut qu’ils fassent pareil que lui. »

« Bon, va pour les enfants, mais il reste au moins 5 heures par jour inoccupées. »

« Pas du tout ! Je vais vous expliquer. Ce que je viens de vous dire, c’est que l’homme vit dans un cercle sans fin : je mange, je dors et je recommence le lendemain, tout en attendant de faire des enfants pour les lancer dans le même manège infernal. Vous pensez bien que le jour où il s’aperçoit qu’il tourne sur lui-même jusqu’à la mort, l’homme est malheureux. »

« Ah bon, pourquoi ? »

« Parce qu’il est ramené à l’état de toupie, dont la seule fonction est de tourner toujours dans le même sens jusqu’à se casser la figure. »

« Et alors ? »

« Alors, c’est là qu’il faut qu’il occupe son temps de libre à se montrer à lui-même qu’il est un être nettement plus intelligent qu’une toupie en s’intéressant au sport, à l’art, à la conversation de son voisin …enfin à plein de choses inutiles. C’est dans l’inutile qu’il trouve le moyen de dépasser le stade de l’automate. »

« Avec Internet, il a accès à tout ça, ça devrait le rend plus heureux, non ? »

« Pas du tout. Internet rend tout plus facile. En quelques clics, on se fait des copains, on va au musée ou au cinéma, on se soigne maintenant… Bref, c’est quasiment mécanique, l’homme n’a plus rien à se bouger, ni à inventer. Les choses inutiles doivent être d’accès difficiles pour susciter l’intérêt humain. »

«Si je comprends bien, si tout le monde va virtuellement au sommet de l’Himalaya grâce à Internet, plus personne n’aura envie d’y aller avec ses pieds? »

« Exactement, le problème vital, c’est de trouver encore des choses inutiles à faire que le Web ne permet pas. »

« Par exemple, déguster un chou à la crème ? »

Bis repetita placent

16 mai, 2016

Le curé cure ses dents.

Le chasseur tire la chasse avant la chasse.

Le gêneur ne se gêne pas

Pour pécher sous le pêcher

Tandis que le satyre écrit une satire,

On le paie au forfait après ses forfaits.

Le Marocain fabrique des sacs en maroquin,

Sa tâche est de tâcher d’en enlever les taches.

Le grand pardon

15 mai, 2016

« Faute avouée, à demi pardonnée ».

« C’est bien beau, mais qu’est-ce que je fais de l’autre moitié ? »

« Je n’en sais rien, vous vous débrouillez. Sentez-vous à moitié coupable. »

« C’est que lorsque je culpabilise, je suis envahi d’un sentiment total de culpabilité. Il n’y a pas de demi-mesure. Je vais être obligé de commettre une autre faute et l’avouer pour me faire pardonner à moitié. En recollant les deux moitiés de pardon, je devrais m’en sortir. »

« Le mieux, c’est de ne pas commettre de faute. »

« C’est facile pour vous qui êtes parfait, mais mettez-vous un peu à ma place. Je ne suis pas terrible, j’ai donc besoin d’un paquet de pardons. »

« Faites au moins un effort. »

« Oui, mais il me faut des pardons quand même, ça me sécurise. Tout devrait marcher comme la Sécu : on fait une faute et hop ! On est remboursé, sauf que le taux de remboursement est un peu faible. Même à la Sécu, ils n’oseraient pas. »

« Bon ! Vous ne voulez tout de même pas qu’on invente une mutuelle complémentaire qui vous pardonnerait l’autre moitié de vos fautes. »

« Pourquoi pas ? »

« Il faut commencer par cotiser en pardonnant les autres. Vous pardonnez beaucoup ? »

« Non, c’est vrai, je n’aime pas pardonner. Si vous pardonnez trop, les autres profitent de votre gentillesse. Je n’ai pas pardonné à Dugenou pour m’avoir piqué ma secrétaire. »

« Pauvre Dugenou ! Il doit culpabiliser ! »

« Pas du tout, il s’en fout ! Il y a des gens comme lui qui sont immunisés contre tout et qui n’ont pas besoin de couverture sociale. Ce sont des animaux. Quand le fauve vous dévore, il ne culpabilise pas, il se félicite du bon déjeuner qu’il vient de faire. »

« Vous l’avez dit ! Nous sommes entre êtres humains, nous devons donc nous pardonner réciproquement nos fautes à 50%. Moi, j’aime bien pardonner, ça me donne une espèce de sentiment de supériorité. Je suis du côté du Bien, puisque c’est l’autre qui a fauté et qui est donc du côté du Mal. »

« C’est un peu paradoxal : lorsque vous pardonné la faute de quelqu’un, vous lui donnez l’impression de l’extraire du camp du Mal, au moins momentanément. Il est donc, avec vous, du côté du Bien. »

« Non, pas du tout, il ne faut pas exagérer. Entre le Bien et le Mal, il y a le territoire des Pardonnés. Une sorte de purgatoire terrestre. Si l’individu recommence une faute, je le renvoie du côté du Mal. »

« Sauf s’il avoue sa faute et demande pardon. Vous êtes obligé de le réintégrer dans le camp des pardonnés. C’est toute une gestion ! »

Un policier à la retraite

14 mai, 2016

Elliot Ness

Fait du business

Dans une auberge de jeunesse

Où l’on pratique le fitness.

Il ne chasse plus le monstre du loch Ness.

Il élève des ânesses

En buvant des Guiness.

C’est le seul vice qu’on lui connaisse.

Cui-cui !

13 mai, 2016

C’est l’hiver, ça caille.

Georges vient faire coucou

A Lise, qu’il appelle sa poulette.

Elle est bavarde comme une pie,

Mais ce n’est pas une dinde.

Lui, il est fier comme un paon,

Mais manchot avec les femmes.

Il ne casse pas trois pattes à un canard

C’est une histoire sans fin. Chouette !

Copain-copain

12 mai, 2016

« Vous, vous êtes copain avec tout le monde. »

« J’essaie, je n’aime pas ne pas aimer, c’est assez laid. »

« Comment faites-vous ? Vous êtes obligé de trouver formidables des gens que vous ne supportez pas ! »

« Je les supporte, il suffit de les connaître et de les faire parler d’eux-mêmes. »

« Vous n’avez jamais envie de détester un seul être humain. Juste un. »

« C’est difficile, ça me stresse. Quand je trouve quelqu’un insupportable, il suffit qu’il s’adresse à moi pour que je lui trouve des qualités. »

« Donc vous êtes un être influençable ? »

« Oui, je trouve les autres plus intéressants que moi. Ils savent plus de choses que moi. Certains font de la pâtisserie, de la spéléologie, du parachute, des mots croisés…. Autant d’activités que j’ignore totalement. »

« Donc, vous les admirez, c’est encore plus fort que les aimer. »

« Si vous voulez, moi je ne suis pas à un mot près. J’essaie surtout de ne pas les fâcher. »

« Et les gens qui ne savent rien faire de particulier comme vous, vous êtes copains avec ? »

« Bien sûr, puisque nous pouvons partager notre néant. C’est très instructif : il y en a qui supporte très bien le néant de leur vie comme moi, d’autres qui le remplissent avec n’importe quoi. Par exemple, ceux qui ont toujours des blagues à raconter. »

« Comment faites-vous pour vivre, vous qui n’avez aucun talent ? »

« Je fais comme tout le monde, je vis la vie des autres. J’achète la presse people. C’est toujours plein d’anecdotes sur les vedettes. Je les plains ou je les encourage. Dès fois, j’ose leur écrire que je les aime. »

« Et alors ? »

« Ils me renvoient des photos dédicacées que je colle sur mon frigo. A partir du moment où vous êtes placardé sur mon frigo, vous êtes comme mon frère ou ma sœur. Vous comprenez ? »

« J’essaie…. Mais enfin, il y a bien des gens que vous haïssez. Votre chef de service par exemple. Si vous ne le détestez pas celui-là, c’est un comble ! »

« Je le plains. Vous vous rendez compte, il est obligé de donner des ordres en ayant constamment peur d’être haï par les gens qu’il commande. Parfois, je lui demande si cette charge ne lui pèse pas trop. »

« Et alors ? »

« Il me renvoie dans mon bureau, c’est bien la preuve qu’il ne se sent pas bien dans son rôle, sinon il m’en parlerait et nous pourrions devenir amis. »

Oui ou non

11 mai, 2016

C’est l’histoire d’un ouistiti

Et de Ninon

La guenon.

Ils étaient non-croyants.

Ce n’étaient pas des béni-oui-oui.

Ils habitaient une zone de non-droit

Où ils tenaient un affreux boui-boui.

Ce conte est un non-sens.

Ne soyez pas grognons !

Restez tout ouïe !

Dure, dure d’être un humain

10 mai, 2016

« Moi, je ne m’en fais pas. Je prends la vie comme elle vient. »

« La vie est comme elle est. Si elle est mauvaise, ce qui fait mal, ce n’est pas tellement qu’elle est mauvaise, c’est d’imaginer comment elle pourrait être en mieux. »

« Donc, il ne faut pas avoir d’imagination. »

« On peut imaginer le bonheur à condition de se convaincre qu’on ne peut l’atteindre facilement. Comme ça, si on l’atteint, ce sera une bonne surprise. »

« Si on n’imagine pas l’avenir, nous voilà tous ravaler au rang de la condition animale.  Dans sa savane, le lion n’est pas capable de sortir son petit agenda pour savoir ce qu’il fera dans trois jours. »

« C’est vrai, son avenir dure une demi-seconde, c’est-à-dire le temps de se lever et de se jeter sur la proie qui passe à portée de patte. »

« Donc, nous voici devant un paradoxe, il faut imaginer l’avenir, tout en sachant qu’on a de fortes chances d’être déçus. »

« En fait ce qui nous distingue du lion, c’est que nous, nous savons qu’on est là pour un certain temps. Notre vie a un début et une fin. Le lion ne sait même pas qu’il dispose d’une vie, ni qu’elle débute et finit. »

« Euh, tout compte fait, je préfère être un humain avec un avenir pourri, plutôt qu’un lion sans passé et sans avenir. »

« Donc ne dites pas que vous prenez la vie comme elle vient, car vous ne pouvez éviter de prendre en considération la manière dont elle viendra. On n’échappe pas à son destin effrayant d’humain pensant.»

« Si je comprends bien, il est interdit de se dire des trucs pour se rassurer. »

« Absolument. Ce qui fait avancer les gens, c’est leur avenir et leur avenir, c’est la trouille de ce qui risque de leur arriver. L’homme est condamné à avancer vers la possibilité de sa perte. »

« C’est très gai ! Ne peut-on pas avoir un avenir heureux, cher philosophe ? »

« Si on peut, mais ça ne dure pas. Il arrive forcément un moment où l’avenir, c’est le présent. Si c’est un avenir heureux, il s’éteint à ce moment précis, lorsqu’il devient un présent. C’est d’autant plus ennuyeux que lorsqu’un avenir décède, se transformant en présent, vous êtes dans l’obligation d’envisager un autre avenir dont vous ne savez rien. »

« Je n’ai pas tout compris. Mais je sens que vous êtes un grand pessimiste. Moi, j’ai besoin de rigoler avec les copains, c’est tout. »

« Et quand vous avez fini de rigoler, vous êtes bien obligé de vous imaginer, retournant tout penaud dans votre logis, où vous attendent des corvées ménagères et ingrates. »

« Bin, oui… mais quand je fais la vaisselle, je me souviens des déconnades avec les copains. »

Bizarreries

9 mai, 2016

Tout va mal, c’est anormal.

Sur mon pull, je détache une tache.

J’ai une entorse au torse.

Le barde fait pleuvoir des hallebardes.

Il y a des rôdeurs et des maraudeurs.

La grenouille doit manger des nouilles.

Le nullard fait des canulars.

La conférence tourne en circonférences.

Ce texte n’est pas dans son contexte.

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