Entre intelligents
« Vous êtes très intelligent. »
« Vous dites ça pour me flatter. Qu’est-ce que vous voulez ? »
« Rien, je trouve simplement que vous êtes intelligent. Vous comprenez tout, tout de suite. Enfin sauf la raison pour laquelle je vous dis que vous êtes intelligent. »
« C’est-à-dire que je suis tellement assailli d’admirateurs et de quémandeurs de toutes sortes que je me méfie. Mais dites-moi, j’y pense, vous êtes intelligent aussi puisque vous comprenez ce que je comprends. »
« Vous êtes sûr que vous ne me flattez pas ? »
« Pas du tout. Nous sommes entre gens sérieux. Vous comprenez les situations aussi bien que moi, sinon vous ne pourriez me dire que je les comprends. La seule chose que je vous reproche, c’est de me dire que je suis intelligent. On dirait le maître qui attribue une bonne note à l’élève modèle. »
« Je suis désolé si je vous ai froissé. »
« Ce n’est rien. De temps à autre, je fais exprès d’avoir une réaction inintelligente pour essayer de passer inaperçu. »
« Vous avez raison, il ne faut pas être très malin pour refuser un compliment désintéressé. Moi, je note que vous m’avez trouvé intelligent aussi et je ne me suis pas formalisé. »
« C’est-à-dire que je tiens à avoir l’intelligence modeste. Comme ça, si je me trompe une fois, personne ne rira de moi. Tandis que s’il se répète que j’ai une intelligence au-dessus de la moyenne, il se trouvera toujours des malveillants pour me tromper et se moquer de ma naïveté. »
« Je sais, la vie d’un être intelligent est dure. On ne nous pardonnera pas une erreur. Il faut assumer son statut. Moi, je n’hésite pas à dire que je suis intelligent pour qu’on admire aussi la fermeté d’âme avec laquelle j’affronte les jaloux et les envieux. »
« Si je comprends bien, il faut être intelligent et avoir le cuir épais pour résister à la pression sociale. Mince ! Moi, je suis seulement intelligent… et sensible, en plus. Remarquez que sensible, ce n’est pas mal non plus, ça permet de saisir les non-dits, la profondeur d’un regard, la qualité des ambiances…. Enfin tout ce qui n’entre pas dans le champ du raisonnement académique… »
« Ah, zut ! Personne ne m’a jamais dit qu’il ne fallait pas raisonner. D’habitude, ceux qui ne raisonnent pas sont des idiots. J’y suis … Vous êtes un idiot intelligent… Une sorte d’artiste quoi ! »
« C’est ça, un artiste. Finalement, contrairement à vous, on peut dire que je ne comprends rien, je me contente de ressentir. C’est comme si un truc en moi se chargeait de comprendre à ma place et de me restituer le résultat. »
« Une sorte d’ordinateur intelligent intégré ? »
Laisser un commentaire
Vous devez être connecté pour rédiger un commentaire.