Le grand pardon
15 mai, 2016« Faute avouée, à demi pardonnée ».
« C’est bien beau, mais qu’est-ce que je fais de l’autre moitié ? »
« Je n’en sais rien, vous vous débrouillez. Sentez-vous à moitié coupable. »
« C’est que lorsque je culpabilise, je suis envahi d’un sentiment total de culpabilité. Il n’y a pas de demi-mesure. Je vais être obligé de commettre une autre faute et l’avouer pour me faire pardonner à moitié. En recollant les deux moitiés de pardon, je devrais m’en sortir. »
« Le mieux, c’est de ne pas commettre de faute. »
« C’est facile pour vous qui êtes parfait, mais mettez-vous un peu à ma place. Je ne suis pas terrible, j’ai donc besoin d’un paquet de pardons. »
« Faites au moins un effort. »
« Oui, mais il me faut des pardons quand même, ça me sécurise. Tout devrait marcher comme la Sécu : on fait une faute et hop ! On est remboursé, sauf que le taux de remboursement est un peu faible. Même à la Sécu, ils n’oseraient pas. »
« Bon ! Vous ne voulez tout de même pas qu’on invente une mutuelle complémentaire qui vous pardonnerait l’autre moitié de vos fautes. »
« Pourquoi pas ? »
« Il faut commencer par cotiser en pardonnant les autres. Vous pardonnez beaucoup ? »
« Non, c’est vrai, je n’aime pas pardonner. Si vous pardonnez trop, les autres profitent de votre gentillesse. Je n’ai pas pardonné à Dugenou pour m’avoir piqué ma secrétaire. »
« Pauvre Dugenou ! Il doit culpabiliser ! »
« Pas du tout, il s’en fout ! Il y a des gens comme lui qui sont immunisés contre tout et qui n’ont pas besoin de couverture sociale. Ce sont des animaux. Quand le fauve vous dévore, il ne culpabilise pas, il se félicite du bon déjeuner qu’il vient de faire. »
« Vous l’avez dit ! Nous sommes entre êtres humains, nous devons donc nous pardonner réciproquement nos fautes à 50%. Moi, j’aime bien pardonner, ça me donne une espèce de sentiment de supériorité. Je suis du côté du Bien, puisque c’est l’autre qui a fauté et qui est donc du côté du Mal. »
« C’est un peu paradoxal : lorsque vous pardonné la faute de quelqu’un, vous lui donnez l’impression de l’extraire du camp du Mal, au moins momentanément. Il est donc, avec vous, du côté du Bien. »
« Non, pas du tout, il ne faut pas exagérer. Entre le Bien et le Mal, il y a le territoire des Pardonnés. Une sorte de purgatoire terrestre. Si l’individu recommence une faute, je le renvoie du côté du Mal. »
« Sauf s’il avoue sa faute et demande pardon. Vous êtes obligé de le réintégrer dans le camp des pardonnés. C’est toute une gestion ! »