Copain-copain

« Vous, vous êtes copain avec tout le monde. »

« J’essaie, je n’aime pas ne pas aimer, c’est assez laid. »

« Comment faites-vous ? Vous êtes obligé de trouver formidables des gens que vous ne supportez pas ! »

« Je les supporte, il suffit de les connaître et de les faire parler d’eux-mêmes. »

« Vous n’avez jamais envie de détester un seul être humain. Juste un. »

« C’est difficile, ça me stresse. Quand je trouve quelqu’un insupportable, il suffit qu’il s’adresse à moi pour que je lui trouve des qualités. »

« Donc vous êtes un être influençable ? »

« Oui, je trouve les autres plus intéressants que moi. Ils savent plus de choses que moi. Certains font de la pâtisserie, de la spéléologie, du parachute, des mots croisés…. Autant d’activités que j’ignore totalement. »

« Donc, vous les admirez, c’est encore plus fort que les aimer. »

« Si vous voulez, moi je ne suis pas à un mot près. J’essaie surtout de ne pas les fâcher. »

« Et les gens qui ne savent rien faire de particulier comme vous, vous êtes copains avec ? »

« Bien sûr, puisque nous pouvons partager notre néant. C’est très instructif : il y en a qui supporte très bien le néant de leur vie comme moi, d’autres qui le remplissent avec n’importe quoi. Par exemple, ceux qui ont toujours des blagues à raconter. »

« Comment faites-vous pour vivre, vous qui n’avez aucun talent ? »

« Je fais comme tout le monde, je vis la vie des autres. J’achète la presse people. C’est toujours plein d’anecdotes sur les vedettes. Je les plains ou je les encourage. Dès fois, j’ose leur écrire que je les aime. »

« Et alors ? »

« Ils me renvoient des photos dédicacées que je colle sur mon frigo. A partir du moment où vous êtes placardé sur mon frigo, vous êtes comme mon frère ou ma sœur. Vous comprenez ? »

« J’essaie…. Mais enfin, il y a bien des gens que vous haïssez. Votre chef de service par exemple. Si vous ne le détestez pas celui-là, c’est un comble ! »

« Je le plains. Vous vous rendez compte, il est obligé de donner des ordres en ayant constamment peur d’être haï par les gens qu’il commande. Parfois, je lui demande si cette charge ne lui pèse pas trop. »

« Et alors ? »

« Il me renvoie dans mon bureau, c’est bien la preuve qu’il ne se sent pas bien dans son rôle, sinon il m’en parlerait et nous pourrions devenir amis. »

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