Un nouveau job
1 mai, 2016« Je vends des histoires. »
« Ah bon ? C’est curieux comme métier. Vous pouvez m’en vendre une, ça se passe comment ? »
« Vous me payez d’abord, puis je vous raconte mon histoire. La nature de l’histoire dépend du prix que vous y mettez. Les histoires qui vous font du bien coûtent plus cher évidemment. »
« Et si je n’ai pas beaucoup d’argent ? »
« Je vous raconte un truc qui ne se termine pas bien. Vous sortez dans un état de frustration pas possible. Je ne vous le recommande pas. Enfin… chacun fait avec ses moyens. »
« Moi, j’aimerais une histoire marrante. »
« Je vois, monsieur veut le haut de gamme. Je vais appeler Cunégonde, c’est une bonne conteuse. Je la réserve pour des gens de qualité. »
« Ah bon, ce n’est pas vous qui racontez ? »
« Non, j’ai organisé une entreprise avec des gens spécialisés. Par exemple, Maximilienne relate des histoires abominables avec des monstres horribles, ça vous met une espèce de frousse délicieuse. »
« Et pour les petits budgets ?»
« Là, j’ai des débutantes qui vous assènent le chaperon rouge en cinq minutes. Ce n’est pas très intéressant pour le client, mais moi ça me permet de former le personnel. »
« Il y a des formules d’abonnement ? »
« Oui, bien sûr. Mais il faut choisir une spécialité. J’ai une formule très appréciée dans le domaine des histoires qui finissent en queue de poisson. Le client repart en finissant lui-même le récit. Il prolonge en quelque sorte son plaisir. »
« C’est très intéressant. Mais ne peut-on pas imaginer que le client lise l’histoire par lui-même ? En gros, ça s’appelle lire un livre. »
« Oui, bien sûr. Mais c’est moins stimulant que de l’entendre d’une autre bouche. En plus, avec mon service, vous pouvez discuter après l’histoire, faire des commentaires, confronter vos points de vue, vous voyez ? »
« Tout à fait. Et votre personnel, il est formé. »
« Bien entendu. Vous pouvez choisir votre voix : j’ai par exemple la voix envoutante, très demandée. Ou alors la voix rigolarde. Ou encore l’accent belge ou du midi. »
« Mais il faut savoir lire à haute voix pour faire ce métier. »
« Bien entendu, le personnel paie de sa personne. Il ne s’agit pas seulement d’ânonner une histoire, il faut la faire vivre. »
« Bon, je suis d’accord. Votre job n’est pas interdit par la loi, au moins ? »