Le minimum vital
14 avril, 2016« Il me faudrait le minimum vital. »
« Oui, vous voulez dire : un revenu minimum, un logement chauffé, un lit avec des couvertures, et deux ou trois meubles. »
« D’accord, mais ça ne suffit pour faire un minimum vital. Il faut que quelqu’un me parle : au moins 10 minutes par jour. Je ne suis pas trop exigeant. »
« C’est une idée pour créer un nouvel emploi : quelqu’un dont le boulot serait de s’assurer que tous les citoyens disposent d’un interlocuteur au moins 10 minutes par jour. L’employé serait aussi chargé de combler le déficit éventuel. »
« C’est un minimum, il pourrait y avoir une revalorisation annuelle de la durée de conversation comme pour le RSA ou le SMIC. Et puis le spécialiste serait noté de 1 à 3 étoiles. A 3 étoiles, vous auriez droit à une conversation intéressante mais fatigante. A 1 étoile, ce serait du genre : bonjour, comment ça va ? Simple, mais reposant ! »
« Ce serait un beau métier : le métier de parleur. C’est tout ce qu’il vous faut ?»
« Non, il faut aussi me valoriser. Tout le monde a besoin d’être valorisé pour se sentir vivre. Remarquez, cela pourrait être intégré à la fiche de poste du parleur. Il devra me dire au moins une fois par que je suis quelqu’un d’intéressant et que sans moi, les choses ne seraient pas ce qu’elles sont. »
« C’est une noble tâche. Et encore quoi ? »
« Un peu d’affection serait bien. »
« Vous n’allez pas instituer le métier de prostitué, c’est un peu immoral. »
« Non, mais il pourrait y avoir un bureau où on pourrait se rendre pour s’entendre dire qu’on est aimé. Les visites seraient limitées à une par jour pour ne pas créer d’embouteillages. »
« Bon, cette fois, vous avez tout ? »
« Non, il me faut des soucis quotidiens. Vous vous avez plein de petits soucis chaque jour : porter la voiture à la révision, aller au collège pour vous faire engueuler à cause de votre fils, penser à l’anniversaire de votre mère, etc… »
« Je vois, je vais vous prêter ma voiture un peu pourrie pour que vous puissiez la mener au garage, je peux aussi vous prêter mon gamin qui n’en loupe pas une au collège, quand à ma mère, ça m’arrangerait que vous vous rappeliez la date de son anniversaire…. Comme ça, ça va ? Vous avez assez de soucis ?… »
« Je ne sais pas, il faut essayer. Il faut aussi que je puisse me plaindre de quelque chose. Qu’est-ce que vous avez comme motifs de ronchonner. »
« Il y a le temps ou la circulation en ville ou encore les jeunes mal élevés. Si ce n’est pas suffisant, fustigez alors le gouvernement, c’est assez facile. »
« Je vous remercie, je me sens mieux. »