Nos vacances
« Quand je reviens de mes congés, personne ne me demande si j’ai passé de bonnes vacances ? Tout le monde s’en fout. »
« Remarquez, c’est une question idiote. On connait la réponse. Personne ne se vante d’avoir connu de vacances très mauvaises, ça ne se fait pas. »
« Peut-être, mais les gens pourraient s’intéresser à ce que je fais. On dirait qu’ils ne se sont même pas aperçus que j’étais en congés ! »
« J’ai la même impression. Pourtant, je me donne un mal fou pour bronzer au soleil. Personne ne me dit que j’ai bonne mine ou que j’ai l’air reposé. »
« Après avoir passé une journée sur l’autoroute surchauffée à l’aller, et autant pour revenir, c’est rare qu’on soit très reposé. »
« C’est en effet le principal problème. Les vacances, il faut y aller. Prendre ses vacances chez soi est très mal vu. Et puis, il faut se débrouiller pour prendre des destinations originales. »
« C’est vrai, moi quand je dis à Dugenou, mon voisin de bureau que j’ai passé le mois d’août sur la plage de Grau-du-Roi, je vois comme une lueur de mépris se glisser dans son regard. Lui, s’organise des vacances exotiques, au minimum, l’Inde ou les Maldives. »
« C’est comme ça, il y a un snobisme des voyages. Il faut aller dans des endroits que personne ne connait. Moi, j’ai essayé le Turkménistan. »
« En effet, je ne connais pas, ça existe ? »
« Oui, je suis revenu très fatigué, mais j’ai tenu la vedette trois semaines à la cafeteria. Il suffisait de ne pas parler des trois jours où j’ai couché par terre dans l’aéroport à cause de la grève des pilotes. Ni des tours de reins que j’ai attrapé à cause de la literie d’un hôtel au service très exotique. »
« Pff… ça doit coûter du pognon… »
« Ne m’en parlez pas, je suis encore en train de payer mes vacances de l’an dernier sur l’ile de Sakhaline. Au retour, j’ai quasiment été porté en triomphe à la cantine. Je n’ai pas raconté qu’on y mange très mal, essentiellement des patates. J’ai été très malade, mais j’ai quand même battu Mollard à l’applaudimètre qui s’était contenté du Tyrol Autrichien. »
« Ce n’est pas le tout de partir en vacances, il faut aussi réussir à parler de ses activités sportives et culturelles. Moi, ça ne dépasse pas le niveau du tour en pédalo. Pour le parachute ascensionnel, j’ai la trouille. Sur le plan des vestiges historiques, j’ai bien essayé de parler de l’église du Grau-du-Roi, mais ça n’a pas intéressé. »
« Oui, il ne faut pas se tromper. Moi, je n’ai pu parler que des gisements de pétrole sur l’ile de Sakhaline, il n’y avait pas grand-chose d’autre. »
« Au final, les vacances sont une occasion de manifester son niveau intellectuel et financier et de le comparer à celui de son voisin. »
« C’est pour ça qu’il ne faut pas les supprimer, sinon sur quel critère allons-nous nous comparer ? »
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