Un sens à la vie ?
1 octobre, 2015« J’ai de l’argent, un emploi, une belle maison. Qu’est-ce qui me manque ? »
« Une femme aimante ? »
« Même pas. Je m’entends très bien avec Josiane. »
« Elle ne vous fait pas de reproches acariâtres sur votre manque d’ordre ou votre laisser-aller vestimentaire. »
« Non. Elle est très facile à vivre. »
« Oh ! Mon pauvre ! Vous devez vous ennuyer. Alors, il vous manque des enfants que vous êtes obligé d’aller chercher au commissariat quand ils manifestent dans la rue ou alors qui vous traitent de vieux machin, lorsqu’ils vous croisent dans le couloir. »
« Non Jérémy et Laetitia sont charmants. Bien notés au collège, polis, propres sur eux. »
« Noooon ! Ce n’est pas possible ! Ils connaissent l’adresse de la salle de bains ? Ce sont des cas ! En plus, ils ne vont pas dans les manifs pour tout casser ? Ce n’est pas trop dur pour vous ? »
« Donc tout va bien, mais j’ai toujours le sentiment qu’il me manque quelque chose. »
« Je suis sûr que vous voudriez être utile. Vous avez essayé la politique ? »
« Oui, c’est un peu la cata. J’étais surtout utile pour distribuer des tracts et penser comme le bureau national du parti a décidé de penser. »
« Autrement dit, vous recherchez un sens à votre vie. Ne vous inquiétez pas, on en est tous là. Moi, j’ai essayé de ne rien foutre. Mais buller n’est pas un objectif de vie officiellement homologué. C’est même très mal vu. Vous pouvez être à la rigueur chômeur, mais chômeur actif. Il faut rentrer dans une catégorie, sinon où va-t-on ? »
« Il y a bien une solution : vous faites une retraite de silence dans un monastère, mais il faut un haut niveau de spiritualité. Ne rien faire, même ne pas parler, n’est pas à la portée de tout le monde. Bon… tout ça ne m’aide pas beaucoup… Pourquoi j’existe ? »
« Pour regarder le foot à la télé ? »
« Non, ça ce n’est pas une réponse, c’est pour oublier la question. Remarquez, ça fait du bien de ne pas penser à la question pendant deux heures. Le problème, c’est qu’après on se sent coupable de hurler comme un abruti devant son poste au lieu de se poser des questions de fond. »
« Il vaut peut-être mieux ne pas se les poser. Imaginez que vous sachiez la raison pour laquelle le Hasard vous a mis sur Terre. Il vous suffirait d’accomplir la mission qu’il vous a assignée. Et après vous seriez obligé de disparaitre, ce qui vous serait très désagréable. »
« Evidemment, vu comme ça… »
« En fait, je vous conseille de considérer qu’il n’y a pas a priori de sens à votre existence, et surtout de ne pas vous en chercher. Si vous découvrez un sens caché à votre vie, il se pourrait que vous en trouviez un aussi à votre fin. »
