Archive pour le 20 octobre, 2015

Au zoo

20 octobre, 2015

« Hier, je suis rentré dans la chambre de mon gamin sans escorte. »

« Pff… C’est très risqué.  Vous n’avez pas pris un soulier en pleine figure. »

« Non, il était occupé sur sa console. »

« Qu’est-ce que vous lui avez dit ? »

« Je lui ai fait remarquer que nous pourrions parler entre êtres humains, de père à fils, de temps à autre. »

« Alors là, il vous a lancé un regard de commisération pour bien vous faire comprendre que l’idée d’entretenir un rapport civilisé avec vous est complètement extravagante. »

« Je ne me suis pas démonté. Je lui ai demandé comment ça se passait au lycée. »

« Parce qu’il y va ? Vous avez de la chance : le mien est un intermittent du spectacle lycéen. Et alors qu’est-ce qu’il a répondu ? »

« Mon pauvre père… »

« C’est pas terrible, mais ça vaut mieux qu’un soulier en pleine figure. »

« Alors, je lui ai demandé s’il avait bien avancé ses révisions pour le bac. »

« Là, il vous a dit que le bac ne servait à rien, si ce n’est à fabriquer des chômeurs, ce qui est –soit-dit en passant – pas  complètement faux. »

« Le problème, c’est qu’on ne peut pas dire ça. Alors pour essayer de détendre l’atmosphère, je lui ai recommandé de travailler, mais sans oublier de se décontracter un peu : faire du sport, voir des copains, aller à la piscine… »

« Normalement, il doit vous avoir répété : mon pauvre père …. Et il a ajouté, pour vous remonter le moral : tu es pathétique ! »

« Oui, j’ai failli m’énerver. Je ne vois pas bien en quoi je suis pathétique. »

« C’est-à-dire que, pour se décontracter, les jeunes de maintenant utilisent d’autres moyens qu’une brasse pépère dans la piscine du village. »

« Je m’en doute un peu. J’ai risqué la question de savoir s’il prenait des produits euphorisants. »

« Alors là, il s’est levé et a dit : sors de ma chambre ! »

« J’ai quand même fait remarquer qu’il était chez moi et que les mètres carrés de sa chambre m’appartenaient. »

« Je vois bien la scène : il s’est levé … il a pris un air outré… il a hésité à foutre le camp de chez vous, et comme c’était l’heure du repas, il a secoué la tête d’un air désespéré, s’est rassis et a murmuré : je m’en fous… »

« Comment vous savez tout ça ? »

« C’est normal, je suis zoologiste. »