Archive pour le 18 octobre, 2015

L’autre, c’est toujours compliqué

18 octobre, 2015

« Je ne vous aime pas du tout. »

« Je sais, ce n’est pas très grave. »

« Comment ça : pas très grave. Vous méprisez le fait que je ne vous aime pas ? Du coup, je vous aime encore moins ! »

« Non ! Je voulais dire simplement que le fait que vous ne m’aimiez pas n’est pas grave puisque moi je vous aime beaucoup. »

« Mais c’est que ça ne me convient pas. Je n’ai aucune envie d’être aimé par quelqu’un comme vous ! »

« Et pourquoi donc ? »

« Parce que si vous m’aimez, c’est que vous trouvez quelque chose de sympathique en moi, et du coup, je vais me sentir obligé de vous rendre la pareille. Vous ne pourriez pas aimer Dugenou par exemple ? Je crois que lui aussi ne vous aime pas du tout ! »

« Ecoutez : je vous aime bien parce que vous vous donnez beaucoup de mal pour ne pas m’aimer. Si tout le monde m’aimait, je me poserai des questions graves sur moi-même ? Ne serais-je pas le Bon Dieu en personne ? Grâce à vous, je sais que j’ai des défauts ou un abord qui peut paraitre odieux à autrui ! »

« Si je comprends bien, je vous rends service ! Mince, alors ! Je n’avais aucune envie de vous être agréable en vous disant que je ne vous aime pas. »

« C’est ennuyeux en effet. Si vous voulez m’être désagréable, essayez de dire que vous m’aimez. Parmi ceux qui disent m’aimer, il y a beaucoup de personnes qui me sont hautement antipathiques par leur capacité à flatter ma vanité en espérant que je ne m’en aperçoive pas. »

« Je vous aime. Je vous trouve beau. Vous êtes le meilleur. »

« Vous vous foutez de moi ?»

« Oui, ça marche !  Je me fous de vous, donc vous ne m’aimez pas. Je vais en parler à Dugenou, je suis sûr qu’il va vous aimer aussi. »

« Bon, ça ne va pas. Si vous dites que vous m’aimez comme ça, je vois tout de suite que vous ne m’aimez pas, ce que je savais dès le début. »

« Le mieux serait peut-être que je ne vous dise rien. »

« Ce serait mieux en effet. Les gens qui s’aiment ont le droit de se le dire, par contre les gens qui ne s’aiment pas ne se disent rien. Si votre silence est d’une bonne qualité agressive, je comprendrais tout de suite. En plus comme vous m’agresserez par votre indifférence, je ne vous aimerais pas beaucoup. »

« Parfait, je me tais. »

« Vous n’êtes pas très intéressant. Je vais voir Dugenou, il veut bien me parler, lui. »