Archive pour le 4 octobre, 2015

Taillons une bavette

4 octobre, 2015

« Tout ce que je dis est un ramassis de banalités affligeantes. »

« C’est à ce point ? »

« Oui. Je vous passe mes remarques sur le temps qu’il fait ou qu’il devrait faire en cette saison. Je n’ose pas vous le répéter. Mais je fais pire ! »

« Ça doit être difficile. »

« De faire pire ? Pas tellement. Par exemple quand je croise un gamin, je ne peux pas m’empêcher de lui demander : alors, ça va l’école ? »

« Ce n’est pas grave : de toute façon, le gamin se fiche de votre question et accessoirement se fiche de l’école. »

« Et quand je parle politique, je ne manque jamais de commencer par : tous des pourris ! Ou alors, je fais remarquer habilement qu’ils se foutent bien de nos vies. »

« En effet, c’est courant. Vos analyses manquent de nuances et de profondeur, mais la plupart des électeurs en sont au même point. »

« Et la télé ! Je ne peux pas m’empêcher de dire que les émissions sont débiles. Je les regarde assidûment pourtant. »

« Ne vous en faites pas. Dans tous les ménages, c’est pareil. On regarde la télé pour être sûr de ne pas manquer les émissions débiles. »

« Je parle aussi souvent de ma santé. J’essaie toujours de me trouver quelque chose pour ne pas subir le bulletin de santé de mes voisins. Nos conversations sont d’une médiocrité consternante. »

« Oui, mais vous pourriez peut-être faire part de goûts originaux en matière littéraire par exemple, ça pourrait agrémenter votre discours. »

« Je ne peux pas, je ne lis que les quatrièmes de couverture, ou alors les critiques dans les journaux de télévision. »

« Effectivement, ça ne va pas très loin. Et si vous parliez de vos dernières vacances ? »

« Non plus. Mes collègues de bureau ont toujours été dans des endroits plus exotiques que les miens. Ils ont forcément des choses plus intéressantes que moi à raconter. Il est vrai que sur la plage de Palavas-les-flots, il ne se passe pas grand-chose. »

« Et les jeunes ! Vous pourriez parler intelligemment de la jeunesse !»

« Pensez-vous ! Tout ce que je sais dire, c’est que les jeunes ont perdu leurs repères, que c’est plus comme de notre temps, qu’on était mieux élevés, etc… etc… Vous voyez le tableau ! »

« Le mieux, ce serait que vous ne disiez rien. Votre avis ne manquera à personne. Parfois quand on ne dit rien, on peut dire qu’on pense, ça peut impressionner. »

« Vous croyez ? Mais il ne faudrait pas que j’ai le silence banal. »