Archive pour septembre, 2015

Le problème de l’humilité

20 septembre, 2015

« Le plus dur, c’est de rester humble. »

« Pourquoi ? Vous n’avez fait aucune action d’éclat qui aurait mérité que vous soyez mis en avant ? »

« C’est exact. Je suis toujours dans l’ombre des autres. C’est justement ça qui est difficile. C’est plus intéressant d’être en pleine lumière. »

« Mais il faudrait que vous fassiez quelque chose d’exceptionnel ! »

« Je suis toujours resté humble. Vous ne trouvez pas que c’est exceptionnel ? Il devrait exister un prix Nobel de l’humilité. Je suis d’avance candidat. »

« Ecoutez. Vous êtes humble. Vous avez une grande expérience de l’humilité. Donc, continuer à être humble ne devrait pas présenter de difficulté pour vous. »

« Peut-être mais personne ne me félicite, pour la bonne raison que personne ne sait que je suis humble. »

« Le principe de l’humilité, c’est justement d’être discret. L’humilité consiste à ne pas ramener sa fraise à tous propos. A partir du moment où tout le monde vous considère comme humble, vous ne l’êtes plus. »

« Qu’est-ce que je pourrais faire pour qu’on remarque que je ne me fais jamais remarquer ? »

« C’est compliqué. Vous pourriez demander à Dugenou de colporter la rumeur de votre humilité. Comme il colporte n’importe quel bruit pour se rendre intéressant, les gens n’y croiront pas, tout en ayant un doute. Ils viendront vérifier auprès de vous. Comme ça, ça se saura, mais ce n’est pas vous qui l’aurez dit. »

« C’est vrai qu’on peut compter sur Dugenou pour dire n’importe quoi. Mais si les gens viennent me demander si je suis humble. Qu’est-ce que je dis ? »

« Dites, non ! N’allez pas dire oui, sinon vous êtes fichu. Dites non, dites que Dugenou dit n’importe quoi, mais dites–le en prenant un air vaguement gêné pour que les gens comprennent que vous êtes tellement humble que vous êtes gêné de mettre en avant votre humilité. »

« C’est pas mal, comme ça ils me croiront d’autant plus que j’aurai dit le contraire. »

« Vous voyez, ce n’est pas dur d’être humble. Le plus dur c’est de le faire savoir. »

« Et si les gens profitent de mon humilité pour me rabaisser. En général, ils aiment bien taper sur ceux qui vont se taire. »

« C’est le danger de faire savoir que vous êtes humble. »

« Il faudrait inventer une nouvelle qualité : l’humilité qui ne se laisse pas marcher sur les pieds. »

« On pourrait l’appeler l’humili-orgueil. »

« Je vais en parler à Dugenou. »

Tout va mal

19 septembre, 2015

Le graveur a l’air grave.

L’horloger ne sait plus où loger.

Le luthier ne lutte plus.

Le potier n’a plus de potes.

Le tailleur s’est taillé.

L’orfèvre n’a plus de matière.

L’encadreur ne peut plus encadrer personne.

Le fourreur s’est fourré dans le guêpier.

Le traiteur est maltraité.

Seul le fraiseur ramène sa fraise.

Nos mauvais poèmes

18 septembre, 2015

Il ne faut pas courir deux lièvres.

Un seul suffit ! Un seul lièvre.

Elle le savait, la reine Guenièvre

Qui habitait dans la Nièvre.

Elle avait la fièvre.

Elle but des verres de genièvre.

Ce qui n’est pas une boisson mièvre.

Elle put ensuite se rendre dans la Bièvre.

Une recherche d’emploi

17 septembre, 2015

« Je recherche un emploi subalterne. »

« Comment ça ? Mais vous êtes bardés de diplômes ! Il vous faut un emploi à fortes responsabilités ! »

« Non, je ne vois pas pourquoi. J’ai été bon à l’école, écoutant bien mes maîtres, apprenant et restituant mes leçons. Ce n’est pas pour ça que je suis capable de diriger beaucoup de personnes. Et puis, soit-dit en passant, avoir des responsabilités ne consistent pas forcément à être chef d’un grand nombre de gens. »

« Bon d’accord, alors vous pourriez vous voir confier des tâches d’expertise. »

« Non, je veux une tâche d’exécution. J’ai envie de ressentir l’amertume d’un individu réduit à l’état de machine. L’amertume ou le contentement, je ne sais pas. Certains sont très contents de ne pas avoir de graves décisions à prendre. »

« Je ne pense pas qu’ils soient contents. Ils se satisfont du confort que procure l’absence de prise de risque. Ce n’est pas très courageux. »

« Je ne vois pas ce qu’il y a de mal à ne pas avoir envie de risques. Lorsque je me promène sur une falaise, j’évite de m’approcher du bord. Ceux qui le font sont un peu de jeunes  inconscients. »

« Euh…peut-être, mais ils sont contents d’avoir bravé le danger. L’homme a parfois besoin d’une montée d’adrénaline pour se sentir vivre un peu. »

« Nous y voilà. Nous sommes donc entre drogués. Si on n’a pas envie de se droguer au boulot, la seule façon, c’est de ne pas avoir trop de diplômes. On vous laisse tranquille. »

« Mais enfin, vous ne comprenez pas grand-chose : être responsable d’un service ou d’un projet, ce n’est pas se droguer. C’est le début de la réussite sociale. Ça ne vous intéresse pas la réussite sociale ? Etre reconnu, salué avec déférence ? »

« Non pas vraiment. En supposant que je sois un grand directeur, je ne vois pas pourquoi on me saluerait avec une déférence particulière. »

« Vous gagneriez beaucoup d’argent…. »

« …Ce qui suscite plus de jalousie que de déférence. Ah ! Elle est belle la société humaine. »

« Certes, il y a un peu de médiocrité. Mais c’est comme ça que ça fonctionne. Les hommes aiment se distinguer. L’envie de régner sur les autres les taraude. » 

« C’est un comportement préhistorique et parfaitement puéril. Moi, depuis la cour de l’école élémentaire, l’envie de faire mon malin en tête d’un groupe m’a passé. »

« Vous êtes d’une grande sagesse. Mais la société a misé sur votre formation. Vous lui devez quelque chose en retour. »

« Je ne lui ai rien demandé. Il y a peut-être une solution. Est-ce qu’on ne pourrait pas imaginer des emplois subalternes qui seraient utiles à la société ? »

Tout ça c’est bien beau, dis !

16 septembre, 2015

Ils étaient deux frères : un moche et un beau qui se nommait Ho. Le beau dit :

Il fait sûrement beau, dis !

Lorsqu’il ouvrit la fenêtre, le moche s’esbaudit.

Non, il ne fait pas beau, dis !

Le beau s’en fichait puisqu’il admirait son corps : un vrai body !

Tandis que le moche avait un pied bot, dis !

Tu me barbes, Ho, dis !

Cria le moche qui n’avait pas de body.

Sur ce, il s’acheta une bombe : Audi.

Qui l’emporta vers une ville au nom beau : Die.

Histoire à lire pour ne pas garder le moral

15 septembre, 2015

« La vie est une succession d’agressions et ça commence à la naissance. »

« Vous exagérez, mon ami. Ne dit-on pas qu’une naissance est un heureux évènement. »

« Parlez pour vous. Avez-vous déjà vu un nouveau-né venir au monde en rigolant ? Non ! Un nourrisson commence par pleurer. »

« Bon d’accord, il vient de subir une épreuve physique. Mais après… »

« Après commence une succession de privations de liberté. A l’école, il faut apprendre plein de trucs sous la férule du maître, en étant sagement assis dans une pièce au lieu de courir dans les champs en hurlant comme un fou. »

« Mais c’est l’époque où l’enfant emmagasine le savoir qui lui permettra de mieux affronter sa vie d’adulte. »

« Autrement dit, il faut commencer par apprendre les règles à suivre pour pouvoir suivre d’autres règles qui formateront l’existence. Parce qu’après l’école, il se profile l’obligation de trouver un emploi qui n’existe pas forcément… »

« Il vaut mieux bien travailler à l’école, on trouve plus facilement. »

« Et quand on l’a trouvé, il faut se soumettre humblement à une hiérarchie, d’autant plus impitoyable qu’on n’en perçoit pas le sommet. Les décideurs se prélassent souvent dans un bureau climatisé à l’autre bout du monde pendant que vous vous faites marcher dessus dans les métros du matin. »

« Vous ne seriez pas un peu gaucho ? Et le bonheur de la vie familiale, qu’est-ce que vous en faites ? »

« Rien. C’est encore un empilement d’obligations. Pour commencer, il faut séduire : s’habiller à la mode surtout si elle est moche pour avoir l’air dans le coup, aller dans des spectacles bruyants pour dire que c’était « énorme », faire des voyages dans des contrées hostiles pour pouvoir les raconter d’un ton blasé…. Avoir un peu de sous… »

« Oui, mais alors, les enfants … »

« … Auxquels on fait subir les mêmes épreuves initiatiques pour se venger de celles qu’on a subies, sachant qu’au bout du compte, après vous être donné du mal pour les élever, c’est eux qui vous largueront. »

« Euh … vous êtes un peu pessimiste ? Rien ne vaut la vie… »

« Je ne vous ai pas encore parlé du vieillissement, de la maladie, du décès… »

« Peut-être, mais avec l’âge vient la sagesse.. »

« De toute façon, elle ne sert à rien votre sagesse … ou plutôt elle vous sert à comprendre que tout le monde vous laisse tomber puisque vous ne pouvez plus être utile à qui que ce soit. »

« Bon… heureusement après, il y a un monde meilleur… »

« C’est cela, oui… »

Les 3 mousquetaires : nouvelle version

14 septembre, 2015

D’Artagnan

Qui n’est pas gnangnan

A dit à Richelieu

Que ce lieu est riche.

Pour fêter ça, Porthos

A ouvert une bouteille de Porto.

Aramis

S’est déjà fait des amis.

Et Athos

Pense qu’il y fera de vieux os.

Un être parfait

13 septembre, 2015

« Je n’ai pas d’imperfections. »

« C’est ennuyeux. Un être humain doit nécessairement être imparfait. Vous n’avez vraiment pas un petit défaut ? »

« Non, j’ai essayé d’être gourmand puisque la gourmandise est un vilain défaut. Sans succès. Je résiste très bien à l’attrait d’un chou à la crème. »

« Remarquable. Vous pourriez donner des leçons. Comment faites-vous ? »

« En fait la plupart des défauts ont pour objet de combler un manque : gourmandise, jalousie, avarice… Comme moi, je ne manque de rien, je n’ai pas de défauts. »

« Donc, pour vous, les défauts sont réservés aux pauvres. »

« Non, un pauvre ne sera jamais avare puisqu’il n’a aucune ressource à épargner. On peut être pauvre et noble. Je parlais d’autres manques : manque d’affection, de considération, de culture, etc… »

« Je vois : il s’agit donc de pauvreté intellectuelle et affective. »

« Oui. Par exemple, si vous, vous êtes prétentieux, c’est parce que vous avez peut-être une bonne situation sociale, mais que vous essayez de l’utiliser pour compenser une complexe d’infériorité, lui-même causé par un manque de reconnaissance de la part de vos proches. Vous voyez ce que je veux dire. Moi, ma famille m’est très reconnaissante, donc je n’ai pas de complexe, et je peux gérer mes affaires tranquillement. »

« Si je comprends bien, je passe mon temps à faire le malin pour contrebalancer ma peur de ne pas être à la hauteur aux yeux de ma famille, dans la gestion de la fortune que mon père m’a laissé. »

« C’est à peu près ça. Lorsque vous enviez la femme des autres, c’est parce que vous êtes en manque d’affection et que vous avez peur de ne plus séduire. »

« On ne peut pas draguer sans avoir peur de soi-même ? »

« Non, ce n’est pas possible. Sauf pour moi. Suivez-moi bien, je n’ai pas de défauts car je manque de rien. Comme je ne manque de rien, je n’ai pas peur de rester en état de manque. Comme je n’ai pas peur, je peux draguer tranquillement.  Ou pas. »

« Donc pour être parfait, je dois combler mes manques. Et lorsque ce sera fait, je n’aurai même plus la peine d’avoir des défauts. Ou alors, je pourrai en avoir, histoire de passer le temps. Ce serait une espèce de luxe. »

« Moi je dirai une dépravation. Etre heureux dans sa tête et en famille, tout en étant avare et prétentieux, c’est possible. C’est comme allez s’asseoir en seconde classe alors qu’on possède un billet de première classe. C’est un peu pervers et même provoquant. »

« Vous, vous êtes pervers ? »

« Non, je suis parfait, mais je n’ai pas la perversion des parfaits. J’ai toujours un billet de première, donc je ne vois pas pourquoi j’irai sur un siège de seconde. Allons, allons ! »

Une sombre histoire de basse-cour

12 septembre, 2015

C’est un Gallois

Qui vit dans une bicoque

Eclairée par une ampoule.

Il regarde le ciel par l’œil-de-bœuf.

Ce Gallois sort tout juste du caniveau.

Il circule sur une bécane

Qui vient d’Inde.

Il cherche un job d’un bon rapport.

Encore des tirets !

11 septembre, 2015

Le magicien circule en pousse-pousse.

Il a du savoir-vivre,

Mais ce n’est pas un faire-valoir.

Il n’admet pas le laisser-aller.

Il a un vrai savoir-faire.

Il suffit de le laisser faire.

En un tour de passe-passe

Il remplit votre garde-manger.

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