Vos limites
6 septembre, 2015« Vous allez mal ? Tant mieux. »
« Non, mais dites-doc ! Vous pourriez tout de même compatir à ma souffrance au lieu de vous en ficher complètement ! »
« Vous ne comprenez rien. Je me réjouis pour vous. Vous souffrez parce que vous avez dépassé vos limites. Dans la vie, il faut connaître ses limites, et pour les connaitre, il faut les dépasser. »
« Ah bon ! Ça me soulage ! »
« J’irais même plus loin : vous souffrez parce que vous avez dépassé vos limites, et aussi – surtout dirais-je – parce que vous vous êtes rendu compte que vos limites existaient. C’est une épreuve de modestie très déstabilisante. »
« Avec vous, on se sentirait presque heureux d’être malade. »
« Il n’y a pas que la maladie qui vous convainc de votre petitesse. Il y a aussi votre ignorance. Par exemple, imaginez que vous vous trouviez par erreur au beau milieu de la Chine. Vous voilà dans de beaux draps ! Vous avez peur d’une part parce que vous êtes paumés et d’autre part parce que vous n’êtes pas près de demander votre chemin à un indigène à cause de la barrière de la langue dont vous ne connaissiez pas l’importance. »
« Euh… oui, mais enfin, je ne vois pas bien pourquoi j’irai me perdre au milieu de la Chine, il faut être maso… »
« Vous avez donc tout intérêt à bien connaître vos limites ! Et pour les connaître, il faut les dépasser une fois, pour ne plus les dépasser. Vous comprenez ? Imaginez que l’on vous demande de chanter ‘Ah ! Le petit vin blanc’ au mariage de votre petite nièce et que vous acceptiez de le faire. Eh bien, vous allez avoir l’air complètement ridicule, d’une part parce que vous allez dépasser vos limites artistiques, d’autre part parce que vous ne saviez pas que vous en aviez »
« Si je comprends bien, il vaut mieux chanter le petit vin blanc avant d’aller à un mariage ! »
« Absolument ! Vous me direz que rien n’empêche de repousser ses limites. Vous avez raison, c’est ainsi que des progrès scientifiques ont été réalisés. Le problème, c’est que pour les repousser, il faut le connaitre. Et pour le connaitre, il faut les dépasser. »
« Mais si je dépasse les bornes avec ma femme, par exemple, ça risque de mal se terminer. Je connaitrais sans doute mes limites, mais ça risque de ne pas avoir beaucoup d’intérêt si elle me laisse tomber. »
« Allons, allons ! Vous mélangez tout ! Tout le monde connait les limites sociales à ne pas dépasser. Vous savez bien par exemple qu’il est interdit de se promener tout nu dans la rue. Moi, je vous parle des limites qui vous sont propres. Par exemple, imaginons que vous courriez le 100 mètres. Comment connaitre votre limite ? C’est le temps en dessous duquel vous vous évanouissez à l’arrivée. En supposant que vous soyez toujours en vie, vous n’êtes pas prêt de recommencer une seconde fois. »