Archive pour juillet, 2015

Dire du mal

21 juillet, 2015

« On a fait un club pour vous détester. »

« Vous ne pourriez pas me détester tout seul ? »

« Non. D’abord parce qu’on est plus forts à plusieurs. Ensuite parce que, tout seul, je me demanderais si j’ai vraiment raison et enfin, parce que si je ne suis pas entouré de gens qui vous haïssent, je pourrais être moi-même haï pour vous avoir détesté. »

« Je comprends. Et qu’est-ce que vous me reprochez ? »

« On s’est partagé le travail. Chacun déteste un petit morceau de votre réalité. Quand on se retrouve, on met tous les morceaux ensemble pour constituer une détestation globale. Nous sommes très organisés. »

« Je vois. Et qu’est-ce que vous en tirez ? »

« Un sujet de conversation et une cohésion sociale. Vous détestez permet de focaliser les efforts sur une seule tête. Ensuite, ça nous permet de nous sentir mieux, comme des gens irréprochables puisque nous sommes tous d’accord pour vous charger de tous les péchés du monde. »

« Mais je pourrais aussi former un club pour vous détester, vous et votre club. »

« Oui, faites-le, s’il vous plait. Cela nous donnera un sujet de détestation supplémentaire puisque vous aurez quémandé de l’aide au lieu d’affronter seul notre détestation. »

« Je peux savoir ce que vous me reprochez ? »

« Non, c’est le secret de notre club. Il faut avoir le mot de passe pour y accéder. Vous l’avez ? Non… Eh bien, vous ne saurez pas. Vous ne perdez rien : si vous saviez ce qu’on vous reproche, vous seriez tenté de vous défendre et peut-être de convaincre certains d’entre nous de votre bonne foi. Vous ne voudriez tout de même pas être accusé de débauchage dans les rangs ennemis ? »

« Mais enfin, soyez de bonne foi. Si j’ai fait quelque chose de mal, il faut que je sache pour me corriger. »

« On ne peut même pas dire que vous ayez fait quelque chose de mal. D’ailleurs, le mal et le bien, on s’en fout un peu. Le problème, c’est vous. »

« Donc, c’est sans espoir de réconciliation. Je ne pourrais même pas adhérer à votre club pour me détester moi-même ? »

« Ce serait original, mais enfin pourquoi pas ? Nous pourrions vous stigmatiser un peu plus pour votre tendance à vous détester vous-même. C’est cinquante euros la cotisation. »

« Je suis un peu cher à détester. »

« Oui, mais on va étendre notre champ d’intervention. Vous êtes insuffisant pour nous satisfaire. Pour ce prix, vous aurez bientôt le droit de détester Dugenou et Mollard. Pour Dupoulet, il y aura une surcotisation. »

« D’accord pour Dupoulet, mais Dugenou et Mollard, je les aime bien ! »

« Moi aussi, mais  ce n’est pas une raison. Si nous ne détestons personne, nous ne pouvons dire du mal de personne à la cantine ou à la machine à café. Vous ne voudriez tout de même pas être responsable d’un manque de cohésion dans l’entreprise. ? »

A notre rayon produits laitiers

20 juillet, 2015

Luigi est un petit suisse

Qui vit dans le Cantal.

C’est la crème des types.

Il ne cherche pas le beurre et l’argent du beurre.

Ce n’est pas un tire-au-flanc.

Quand les Bleus perdent au foot

Il n’en fait pas tout un fromage,

Quand ils gagnent, il boit du petit-lait.

Silence !

19 juillet, 2015

« Arrêtez d’observer ce silence ! »

« Qu’est-ce qu’il a ce silence ? »

« Il est gênant : vous observez un moment de silence gênant ! »

« Mais vos autres silences sont lourds, voire même pesants. »

« Vous préféreriez un silence de mort ? »

« Bon, puisque c’est comme ça, moi je vais regarder en-dessous parce que je vous soupçonne de passer quelque chose sous le silence ! »

« Je ne cache rien. Au contraire, je peux vous montrer un silence qui en dit long. »

« Ce serait bien un silence éloquent. Je peux acheter votre silence éloquent ? Ça m’arrangerait : le mien est cassé. J’ai rompu le silence. »

« Vous êtes négligent, moi j’ai toujours respecté le silence qui m’appartenait. De même que j’ai toujours respecté sa minute : la minute de silence. »

« J’ai essayé de trouver un autre vendeur, mais je me suis heurté à un mur. On dirait qu’il y a un mur de silence. »

« Ce n’est pas étonnant, beaucoup d’hommes se cloitrent dans le silence. Il faudrait qu’ils sortent de leur silence. »

« Et vous, votre silence est vendu meublé ? Parce que je vous signale que certains meublent leur silence. »

« Non, je ne vends que du silence nu, mais d’un niveau royal. Mon silence règne ! »

« J’aurais préféré un silence qui plane. Comme un drone, ce serait amusant. Vous n’avez pas ça ? »

« Non, mais je fais aussi le silence des religieux qu’ils utilisent dans les cathédrales. D’où l’expression : un silence de cathédrale. »

« Et il est solide votre silence ? J’aurais bien voulu un silence de plomb ! »

« Ne vous inquiétez pas, il a la vie longue. Mon silence s’éternise. »

« J’aimerais bien aussi quelque chose de chaleureux. Avant j’avais un silence glacial. Il devenait facilement embarrassant ! »

« Vous êtes exigeant. Je peux vous proposer le silence poli, il vous gênera le moins possible. »

« C’est important de ne pas être troublé par son silence. Je voudrais être en parfaite harmonie avec lui. Ce serait mon silence complice en quelque sorte ! »

« Je vois ce qu’il vous faut. J’ai un type de silence très demandé. Les médias en ont beaucoup parlé : c’est ce qu’on appelle le silence radio ! »

« Après tout mettez-moi n’importe quoi, de toute façon, je suis condamné au silence ! »

Histoire grecque

18 juillet, 2015

Dans son domaine, Raymond est l’alpha et l’oméga.

Ce n’est pas un bêta.

Ni le citoyen lambda.

Il fait fi des traditions.

Personne n’ose l’envoyer chez les Grecs.

Bébé, il a été recueilli, nu,

 Abandonné dans le delta du fleuve

Où il téta

Le pi des vaches pour survivre.

 

Un peu de géographie

17 juillet, 2015

Marcel est un homme compliqué, presque byzantin.

Certains le trouvent plutôt florentin.

Ne nous laissons pas bernés.

Il a été limogé.

Il en est réduit à promener son pékinois.

En mangeant de la salade romaine

Ou alors niçoise

Ainsi que des viennoiseries.

Vive les lents

16 juillet, 2015

« Je suis très lent. J’ai horreur de faire les choses à toute vitesse ou alors trente-six choses à la fois. J’ai besoin de prendre mon temps. »

« Ça doit vous handicaper ! Aujourd’hui, il faut aller très rapidement, c’est obligatoire. »

« Quand je vais trop vite je fais des bêtises. Quand je vais lentement, j’en fais aussi, mais au moins je sais que ce n’est pas dû à un excès de rapidité, mais à mon insuffisance. »

« Parce que vous êtes lent ET insuffisant. C’est la totale. »

« Oui, c’est pour ça qu’il ne faut pas me bousculer sinon ça me rend lent, insuffisant et malheureux ! »

« Remarquez que même les gens qui vont vite font des bêtises. »

« Oui, mais ça va tellement vite qu’ils n’ont pas le temps de s’en rendre compte. Les autres non plus d’ailleurs. »

« Vous avez l’avantage de faire moins de bêtises dans le même laps de temps. Et puis quand vous les faites, elles arrivent plus tardivement. »

« Je vous remercie de votre compassion. »

« C’est peut-être vous qui êtes dans le vrai. Les rapides, les pressés, ils ne prennent même pas le temps de reconnaître et d’analyser leurs erreurs. D’où de nouvelles erreurs ! »

« C’est bien vrai. C’est la grande revanche des lents sur les rapides. Nous faisons moins d’erreurs et quand nous en faisons nous avons le temps de comprendre pourquoi. »

« Finalement, je vais peut-être m’y mettre aussi. Comment fait-on ? »

« C’est une véritable apprentissage. Il faut commencer par rester longtemps couché pour donner au temps le loisir de passer sans vous culpabiliser pour autant. »

« C’est que j’ai des rendez-vous, des coups de téléphone à passer, le chef qui déboule dans mon bureau pour un oui ou un non… »

« Arrivez au bureau le plus tard possible. Ne tenez pas compte des remontrances. Faites la sieste. Passez du temps à la machine à café, c’est là que se tissent les meilleures relations de travail. Vous n’êtes même pas obligé d’aimer le café… »

« Et à la maison ? Il faut aller chercher une baguette, descendre la poubelle, faire les devoirs des mômes, téléphoner à la belle-mère pour son anniversaire, se faire engueuler par ma femme…. Et tout en même temps si possible. »

« Rentrez au foyer le plus tard possible. Il n’est pas interdit de prendre l’apéro avec les copains. Sitôt chez vous, vous êtes fatigué… retirez-vous dans votre chambre. »

« Le problème, c’est que mon chef et ma femme vont me dire que je me fous de tout, à commencer par leurs figures… D’où des conflits désagréables à n’en plus finir. »

« C’est bien. Plus vous aurez devant vous les visages hargneux de gens qui n’ont jamais le temps de rien, moins vous aurez envie de retourner dans le camp des rapides ! »

L’eau

15 juillet, 2015

Polo est un rigolo,

Un peu gigolo,

Un peu écolo,

Un peu bricolo.

Il est pizzaïolo.

Il boit de diabolos,

Car ce n’est pas un alcoolo.

Il porte toujours le même polo,

Sauf quand il joue au water-polo.

La mode

14 juillet, 2015

« Je suis le créateur de la mode anti-mode. Quand la mode est au court, j’habille les femmes en long et vice-versa. »

« C’est malin. »

« Oui. Quand le vert est à la mode, je mets du rouge partout. Quand la taille est basse, je la mets haute et ainsi de suite… »

« Vous avez beaucoup de clientes ? »

« Oui, j’habille toutes les rebelles ou alors toutes celle qui se prennent pour des rebelles. Ou alors toutes celles qui se fichent complètement de la mode. »

« Mais comment ça se passe si la mode passe du vert ou rouge ? »

« C’est très gênant, il faut tout changer rapidement pour repasser au vert. Mais je garde des modèles sur plusieurs années pour pouvoir les remettre en temps voulu. En fait, j’ai de tout : du rouge, du vert, du court du long, du vaporeux, du strict… il suffit de ressortir le bon style au bon moment, c’est-à-dire quand il n’est plus à  la mode. »

« Si je comprends bien, vous ne vous fatiguez pas à créer…  C’est de tout repos ! Il suffit de gérer le stock ! »

« Détrompez-vous ! Il y a un risque : si j’habille une femme en court parce que la mode est au long et si cette femme a de l’influence, elle peut très vite générer un retour du court auquel cas elle est la première à être à la mode…. Et elle est furieuse ! »

« Et vous vous trouvez en contradiction… »

« Certes, mais même mes contradictions sont rentables puisque la femme revient m’acheter immédiatement le même modèle en long : je fais deux ventes d’un coup ! Si je n’étais pas honnête, je susciterais une anti-mode à l’anti-mode. Vous me suivez ? »

« J’essaie. Mais le concept ne peut pas s’étendre aux coiffures. Quand on est coiffé court, on ne peut pas revenir au long tout de suite. »

« Vous vous trompez encore. J’ai un très beau commerce de moumoutes qui permet à la cliente de faire ce qu’elle veut à tout moment. J’ai inventé un service de météo pour les aider. »

« Quel rapport avec la météo ? »

« La mode va très vite. Chaque matin, la cliente s’informe du temps qu’il va faire pour s’habiller convenablement. Puis, elle nous téléphone directement pour savoir quelle est la mode du jour ! Elle n’a plus qu’à puiser dans ses placards les vêtements et les moumoutes qu’il ne faut pas porter ! Le service téléphonique est payant, bien sûr ! »

« Evidemment ! Vous êtes un petit génie du marketing. »

« Oui, j’envisage d’étendre le concept aux voitures. Il suffirait d’avoir toutes sortes de voitures pour ne pas sortir dans la bagnole de monsieur tout le monde !  Comme vous dans votre Twingo à trois places ! »

Sanctus, sanctus

13 juillet, 2015

Toute la sainte journée,

Julie promène son Saint-Bernard.

Elle joue les saintes-nitouches.

Son fiancé ne sait plus à quel saint se vouer.

Il n’est pourtant pas un petit saint.

Elle repousse leur mariage à la Saint-Glinglin.

Elle coiffera bientôt Saint-Catherine

Dans la banlieue de Saint-Etienne.

Un discours entendu

12 juillet, 2015

« Mes discours sont ennuyeux. »

« Evidemment, vous les construisez comme on vous apprit à le faire en fac. Ce n’est pas du tout comme ça qu’il faut faire. »

« Ah bon ? »

« La première chose, c’est qu’il faut que chacun de vos auditeurs sentent que vous vous adressez à lui-même en personne. Alors imaginez que vous parlez à votre voisin sur un coin de zinc de bar. Très décontracté. »

« Oui, mais j’ai des des chiffres à citer, des trucs ennuyeux à dire, des machins de grandes personnes sobres, quoi… »

« Euh… ce serait mieux si vous vous mettiez à la portée des bistrotiers… Dites ce que l’on attend que vous disiez dans les bars de quartier. »

« Ce n’est pas un peu démagogique ce que vous me dites ? »

« Si, et alors ? Tout le monde le fait, ça s’appelle être proche des gens ou être proche du peuple. Si vous pouvez insérer des blagues ou des mots à la mode, c’est encore mieux… Dites que vous aimez tel chanteur de variétés, ça vous donnera l’air naturel. Johny, par exemple, il passe partout. »

« Donc selon vous, le niveau culturel est bas et je dois m’adapter. »

« La culture populaire, ce n’est pas une question de niveau, c’est une question de ressenti. Chanter en cœur des chansons idiotes, comme le samedi soir à la télé, ce n’est pas être idiot, c’est exprimer un moment de joyeuse fraternité. »

« Il y a quand même un moment où il faut s’attaquer sérieusement aux choses sérieuses.»

« Oui… mais vous pourriez intégrer un peu de sagesse populaire dans votre discours. Par exemple : ne dépensons pas plus que nos ressources ou alors, mettons de côté quelques provisions pendant les périodes de vaches grasses pour affronter l’hiver. Même les écureuils savent faire ça. »

« Je vais passer pour un révolutionnaire ! Tout le monde cultive tranquillement son déficit ! Personne ne prévoit l’avenir… »

« Si vous voulez gagner les élections, c’est vrai qu’il vaut mieux dire n’importe quoi et ne pas se demander où va le monde. Alors, allez-z-y carrément. Mettez des anecdotes dans votre discours pour l’égayer. Dites que tout va mal, ça suscite beaucoup plus d’intérêt que tout va bien. Dites que vous avez rencontré un commerçant qui se plaint des taxes. Vous aurez l’air de prendre en considération les besoins des gens. »

« Sauf que je n’ai rencontré personne… »

« Aucune importance. Imaginez ! Annoncez que vous, vous n’avez pas peur de dire la vérité aux électeurs ! Avec vous pas de blabla, des résultats ! N’oubliez pas de dire que vous en avez marre des gens qui sont complètement déconnectés du peuple. »

« Je ne serai pas le premier à dire ça. »

« Non, mais  il faut le dire. C’est obligé. »

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