Vive les lents
16 juillet, 2015« Je suis très lent. J’ai horreur de faire les choses à toute vitesse ou alors trente-six choses à la fois. J’ai besoin de prendre mon temps. »
« Ça doit vous handicaper ! Aujourd’hui, il faut aller très rapidement, c’est obligatoire. »
« Quand je vais trop vite je fais des bêtises. Quand je vais lentement, j’en fais aussi, mais au moins je sais que ce n’est pas dû à un excès de rapidité, mais à mon insuffisance. »
« Parce que vous êtes lent ET insuffisant. C’est la totale. »
« Oui, c’est pour ça qu’il ne faut pas me bousculer sinon ça me rend lent, insuffisant et malheureux ! »
« Remarquez que même les gens qui vont vite font des bêtises. »
« Oui, mais ça va tellement vite qu’ils n’ont pas le temps de s’en rendre compte. Les autres non plus d’ailleurs. »
« Vous avez l’avantage de faire moins de bêtises dans le même laps de temps. Et puis quand vous les faites, elles arrivent plus tardivement. »
« Je vous remercie de votre compassion. »
« C’est peut-être vous qui êtes dans le vrai. Les rapides, les pressés, ils ne prennent même pas le temps de reconnaître et d’analyser leurs erreurs. D’où de nouvelles erreurs ! »
« C’est bien vrai. C’est la grande revanche des lents sur les rapides. Nous faisons moins d’erreurs et quand nous en faisons nous avons le temps de comprendre pourquoi. »
« Finalement, je vais peut-être m’y mettre aussi. Comment fait-on ? »
« C’est une véritable apprentissage. Il faut commencer par rester longtemps couché pour donner au temps le loisir de passer sans vous culpabiliser pour autant. »
« C’est que j’ai des rendez-vous, des coups de téléphone à passer, le chef qui déboule dans mon bureau pour un oui ou un non… »
« Arrivez au bureau le plus tard possible. Ne tenez pas compte des remontrances. Faites la sieste. Passez du temps à la machine à café, c’est là que se tissent les meilleures relations de travail. Vous n’êtes même pas obligé d’aimer le café… »
« Et à la maison ? Il faut aller chercher une baguette, descendre la poubelle, faire les devoirs des mômes, téléphoner à la belle-mère pour son anniversaire, se faire engueuler par ma femme…. Et tout en même temps si possible. »
« Rentrez au foyer le plus tard possible. Il n’est pas interdit de prendre l’apéro avec les copains. Sitôt chez vous, vous êtes fatigué… retirez-vous dans votre chambre. »
« Le problème, c’est que mon chef et ma femme vont me dire que je me fous de tout, à commencer par leurs figures… D’où des conflits désagréables à n’en plus finir. »
« C’est bien. Plus vous aurez devant vous les visages hargneux de gens qui n’ont jamais le temps de rien, moins vous aurez envie de retourner dans le camp des rapides ! »