Archive pour le 5 juillet, 2015

Gentil ?

5 juillet, 2015

« Comment ? Vous êtes gentil ? Ça ne va pas, non ? Vous risquez gros ! »

« Ah bon, il ne faut pas être gentil ? »

« C’est très risqué ! A la maison, on va vous refiler toutes les tâches casse-pieds : descendre la poubelle, descendre le chien, nettoyer les toilettes… Au bureau, c’est pire ! Vous avez droit à tous les dossiers tordus, aux réunions inintéressantes où personne ne veut aller… Pourquoi ne pas rendre service aux autres, pendant que vous y êtes ? »

« Pourtant, un peu de solidarité… »

« Pff… je vous explique. La règle générale est celle du marché. Je donne en contrepartie de quelque chose de même valeur. Si je donne pour rien, je me vole moi-même et en plus je passe pour un gros nullard qui ne sait pas se défendre. »

« Oui, mais quand on est gentil, c’est difficile de devenir hargneux… »

« Ecoutez, pour commencer, vous pourriez faire semblant d’être gentil. Vous pourriez rendre des services qui ne coûtent rien. Tenir la porte pour la personne qui vous suit par exemple. Attention ! Pas trop longtemps, parce que le suivant du suivant pourrait en profiter aussi ! »

« Je vais essayer ! Il faut m’excuser je débute dans l’égoïsme ! »

« Je vois ça ! Il faudrait apprendre à rendre un service qui a l’air gratuit a priori, mais qui pourrait vous rapporter dans un second temps. Soyez aux petits soins pour votre collègue de bureau. Apportez-lui son café. Et le jour où vous avez besoin d’un gros service de sa part, il n’osera pas vous envoyer paître ! »

« C’est assez hypocrite ! »

« Oui, mais c’est comme ça que ça se passe dans un monde civilisé. »

« Je peux aider une vieille dame à traverser la rue ou à monter dans le bus ? »

« A priori, non, vous n’avez pas le temps ! Sauf s’il y a des témoins qui loueront votre amabilité. Là vous pouvez ! La contrepartie, toujours la contrepartie ! »

« Oui, mais enfin, à la maison, je peux être gentil avec ma femme et mes enfants ? »

« Vous tenez à ce que vos gamins disent à l’extérieur que vous êtes gentil ? Pourquoi pas un ‘brave mec’ pendant que vous y êtes ! Non, il faut ruser. Dites souvent que vous êtes fatigué en prenant l’air blessé, ça vous évitera un tas de corvées ? »

« Euh… ce n’est guère loyal ! »

« Un père n’a pas à  être gentil, il doit être un vieux qui ne comprend rien aux jeunes ! Un mari n’a pas à être gentil, en mettant les choses au mieux, il doit être ‘mon mec’. »

« Bon, il faut être méchant, alors ! »

« Surtout pas ! Vous vous mettriez dans votre tort ! »

« Inodore et sans saveur ? »

« Alors là, vous êtes grillé de partout ! »

« Alors quoi ? »

« Contentez-vous d’être nul, comme tout le monde ! Dans le genre « je m’en fous », ou alors « chacun sa croix » ou bien « de toute façon, ça ne change rien », à l’extrême rigueur « on verra ». Dans les cas désespérés, quand on est coincé sur un sujet, on peut dire « on s’appelle ».