Archive pour le 2 juillet, 2015

Un rigolo

2 juillet, 2015

« Je suis très populaire. »

« Comment vous le savez ? »

« Dès que j’apparais quelque part, on m’interpelle, on s’inquiète de mon avis, on me tape sur l’épaule. Les gens sont ravis de me voir. »

« Mais ça ne veut pas forcément dire que vous êtes quelqu’un qu’ils apprécient. Si vous les faites rigoler, c’est facile d’avoir du succès. »

« Bon, d’accord : ils m’aiment parce que je suis un joyeux drille. Mais l’important, c’est qu’ils m’aiment. »

« Peut-être que certains font semblant de vous aimer, tout en vous détestant. »

« Ce sont des hypocrites. Je ne vois pas bien pourquoi on pourrait me détester. »

« Il y a des gens qui ne supportent pas votre façon de faire le rigolo partout où vous passez pour vous faire remarquer. Ils vous trouvent assez pathétique. »

« Je m’en fous. J’aime bien me marrer et faire marrer. Il en faut des rigolos dans une société. C’est une vraie vocation. Il y a des gens dont le rôle est de faire réfléchir, d’autres dont le rôle est de prier, moi mon créneau, c’est le marrage.»

«On vous reproche aussi d’avoir des blagues très bas de gamme. »

« Si je veux que tout le monde rigole, je suis bien obligé de ne pas élever le niveau. C’est d’ailleurs pour ça que les gens m’aiment bien. Je les rassure : avec moi, ils savent qu’ils auront le niveau. »

« Vous êtes sûr que vous ne méprisez pas votre public ? »

« Non, je rends service. Il y a chez chacun, un besoin de manger, de boire et de dormir, mais aussi un besoin de déconner que les institutions ne prennent pas en considération. »

« Vous êtes donc une œuvre humanitaire. Finalement, ça n’a pas de rapport avec le fait d’être aimé ou pas aimé. »

« Remarquez que, lorsque vous êtes affamé, vous aimez bien la main qui vous donne à manger. »

« Euh… disons que je lui suis reconnaissante de se préoccuper de mon état. En mettant les choses au mieux, les gens vous sont reconnaissants de les faire rire. »

« Euh…. on ne pourrait même pas ajouter un peu d’admiration à mon égard ? Parce que tout de même, il faut que je trouve des vannes. Même bas de gamme pour que tout le monde comprenne. Ce sont les plus difficiles à trouver. »

« Admiration ? Pourquoi pas ? Trouver des blagues complètement nulles est un art. Moi, ça me plonge dans la sidération. Comment faites-vous ? »

« Vous me flattez. Comment je fais ? Il faut du métier, mais en explorant les astuces à caractère sexuel ou scatologique, vous vous tirez de toutes les situations. »

« Vous n’avez jamais essayé des blagues un peu poétiques ? »

« Un peu quoi ? »