Archive pour le 19 mars, 2015

Les idoles

19 mars, 2015

« Mes idoles, ce sont Johnny Halliday, Ronaldo, Robin des bois. Je les admire. »

« En fait, vous ne les admirez pas, vous voudriez être à leur place. Votre petite existence d’agent d’assurances ne vous suffit pas, il vous faut vivre la vie des autres, en l’imaginant. »

« Euh… il faut dire que convaincre les gens qu’ils ont le plus grand intérêt à se prémunir contre les catastrophes qu’ils ne vont pas manquer de subir, ce n’est pas très intéressant. »

« Oui, ce n’est pas aussi valorisant que chanter ou jouer au foot devant cinquante mille personnes ou alors rétablir la justice sociale dans la forêt de Sherwood. »

« Qu’est-ce que vous voulez que je vous dise ? Je suis bien obligé de faire semblant que je suis celui que je ne suis pas. Personne ne fait attention à moi, il faut que moi-même, au moins, je fasse quelque chose pour me trouver intéressant. »

« Mais votre propre personnalité est peut-être intéressante. Je suis sûr que vous êtes l’idole de quelqu’un. Par exemple Gérard. »

« Le SDF du bout de la rue ? »

« Oui, lorsqu’il vous voit passer, il rêve de votre vie. Un petit boulot, une petite femme, une petite maison, des petites vacances à Palavas-les-Flots. Il en rêve, Gérard. »

« Je ne vais tout de même pas lui signer un autographe en passant. »

« Non, mais il ne faut pas trop idolâtrer. Si vous étiez Johnny Halliday, Ronaldo ou Robin des bois, vous voudriez sûrement être quelqu’un d’autre. On n’est jamais content de soi-même. Je suis dans le même cas. J’aimerais bien être … le Pape. »

« Le Pape ? Mais il ne gagne pas beaucoup d’argent le Pape ? Il prêche même la pauvreté. »

« Justement, on peut rêver d’une vie exaltante qui ne serait pas déterminée par l’argent. »

« Euh… tout compte fait, moi je n’ai pas envie de l’existence du Pape, ni de celle de Gérard. Si on va par-là, la mienne me satisfait. Mais quand même … tout le monde admire Johnny, Ronaldo, ou Robin des bois. Et moi, personne ne m’admire. »

« Etre admiré n’est pas un but. Si vos collègues de bureau bavaient d’admiration devant vous tous les matins, vous en auriez vite assez. Contentez-vous de vous estimer vous-même. Je ne suis même pas sûr que vos idoles s’estiment eux-mêmes ! »

« Bon, je vais afficher des posters de moi dans ma chambre. »

« Euh… il faudrait avant faire un travail sur vous. Qui êtes-vous ? Qu’est-ce que vous savez faire qui mérite votre propre attention ? »

« Des crêpes au Grand-Marnier, je sais faire ça ! »

« C’est peut-être un peu juste. Essayez d’être très bon dans une spécialité pour vous auto-épater. Vous ne vivrez plus par procuration. »

« Quand même Johnny… quel homme ! »

« Vous pourriez vous spécialiser dans l’étude de la vie de Johnny. Ses chansons, ses vertus, mais aussi ses défauts ; ce serait toujours ça de gagner. »