Archive pour le 10 mars, 2015

La fourmi paresseuse

10 mars, 2015

« Imaginez qu’une fourmi devienne paresseuse. »

« Ce n’est pas possible. Les fourmis sont génétiquement programmées pour bosser. Le contraire n’est pas envisageable. On ne dira jamais : « Une paresse de fourmi ».

« Mais s’il y a un programme dans la tête d’une fourmi qui lui enjoint de travailler sans relâche, c’est qu’il y a un programmeur. Et tout programme peut être piraté ou transformé. »

« Je ne sais pas. Le programmeur doit être mort depuis longtemps. Son programme se transmet de fourmis en fourmis. Aucune n’a la volonté nécessaire pour transformer son propre programme. »

« Peut-être qu’un hacker est apparu qui essaie d’installer un second programme dans l’esprit des fourmis pour analyser et modifier le premier. »

« Auquel cas on est mal barré. A partir du moment où une fourmi est en mesure de faire le contraire d’un travail de fourmi, on introduit le germe de la révolte. Et là, tout devient possible, y compris une grève des fourmis qui détruirait complètement leur organisation sociale. »

« J’ose à peine penser ce qui pourrait se passer si on applique cette histoire au genre humain. »

« Ne craignez rien. Contrairement aux fournis, l’homme est doté d’une volonté, d’un libre-arbitre qui lui permet de s’autoprogrammer. Si un hacker lui commande d’être paresseux, d’autres programmes interviendront pour briser cette tentative. »

« Oui, mais on pourrait imaginer un programme qui détruise le programmeur, c’est-à-dire l’individu qui habite en chacun de nous et qui programme nos actions. »

« C’est-à-dire qui supprime la volonté humaine. C’est un scénario de science-fiction. Nous serions alors réduits à l’état de fourmis programmés pour bosser, manger, dormir. Encore faut-il avoir un emploi. »

« Il faut donc maintenir les fourmis dans l’esclavage pour ne pas donner à des mécréants de mauvaises idées. »

« Remarquez, on peut avoir aussi une vision optimiste de la situation. Si une fourmi paresseuse apparait, cela peut donner à ses consœurs l’idée qu’une autre vie que la leur est possible : faire du sport, de l’art, de la cuisine… »

« Euh … je ne vois pas tellement une fourmi artistique… »

« C’est une image. C’est pour dire qu’à partir du moment où des hommes ont montré que quelque chose d’inhabituel est possible – que ce soit bénéfique ou néfaste – l’effet d’imitation entraîne les autres sur le même chemin. Si vous vous mettez à peindre, je peux me dire : pourquoi pas moi ? Je ferai aussi bien que vous, pour ne pas dire mieux. Au niveau collectif, vous et moi démontrerions qu’une vie autre que métro-boulot-dodo est à portée de mains ! »

« Bon, alors si je comprends bien, la fourmi paresseuse est le premier jalon posé par je ne sais qui pour évoluer vers un avenir lumineux. Et la pie taciturne aussi ? »

« Oui, si l’on admet que les pies sont – par nature – bavardes, l’introduction d’une pie taciturne peut provoquer un choc psychologique dans la population de ces volatiles qui améliorera leurs conditions de vie. La pie taciturne démontrera, par exemple, qu’il est préférable de se taire et de réfléchir avant de parler. »