Il faut partager !
« Maintenant, vous devez tout partager : la voiture, le vélo en ville, votre perceuse, votre échelle, votre aspirateur, votre location de vacances etc… De toute façon, vous n’avez plus assez de pognon pour vous approprier tout ça. »
« Oui, comme le nombre de gens augmente plus vite que le nombre de biens appropriables, c’est ainsi que vont les choses. Personne ne s’est encore présenté pour partager mon lit, mais je ne désespère pas. »
« Donc nous allons vers un régime socialiste. »
« Vous plaisantez ? C’est le libéralisme qui triomphe de partout. »
« Bin… non ! La voiture est socialisée en ville. Bientôt votre maison aussi, si elle est trop inoccupée. Vous ne pouvez plus flanquer votre bazar personnel nulle part. Bref, vous logez quelqu’un chez vous ou vous utilisez le logis d’un autre, mais vous n’habitez plus. »
« Mince, moi j’aime bien laisser trainer des trucs chez moi pour que ça me tombe vite sous la main. Il va falloir que je fasse ma vaisselle ? »
« Il vaudrait mieux. Je vous rappelle aussi que vous partagez désormais votre espace de travail, ce qui vous empêche de roupiller devant votre PC ou bien de consulter des sites interdits. La socialisation conduit à la moralisation de la vie publique et à la prise en mains de la vie individuelle. »
« Personne n’a pensé qu’on ne peut pas être intelligent et irréprochable, 24 heures par jour et 365 jours par an ? On a tous besoin d’un endroit ou d’un moment de déconnade, c’est humain. »
« Non, la déconnade, c’est aussi réglementé et ça doit être partagé. Le dimanche soir, picoler devant le foot à la télé, est accepté à condition que vous soyez accompagné d’une bande d’individus braillards que vous appellerez vos « potes ». Sortir la nuit du 31 décembre dans la rue en hurlant « bonne année » comme un imbécile, c’est bien à condition de le faire en foule. Crier « bonne année » tout seul sur votre bout de trottoir peut vous valoir une arrestation immédiate. »
« Bon, donc quoique je fasse, je suis soumis à la pression sociale qui est seule à même de déterminer ce qui est bien pour moi ? Je n’ai pas à avoir d’espace individuel qui me permettrait d’exprimer mon potentiel créatif ? C’est bien ça ? »
« Vous exagérez tout de suite. Vous pouvez très bien vous mettre à la peinture, mais le résultat sera sévèrement jugé si vous gardez vos œuvres chez vous. Il vaut mieux faire une croute et l’exposer plutôt que de faire un joli tableau pour votre seul plaisir. Tout ce qui est individuel est mal vu. Il faut avoir le sens de l’équipe, ça peut s’appeler de la générosité. »
« Pff… Et les autres, ils pourraient partager quelque chose avec moi ? »
« Oui, mais il va falloir être plus sympathique. Partager donc votre tondeuse à gazon avec votre voisin pour commencer. Il a peut-être des opinions libérales, mais il attend que vous soyez un peu plus socialiste. »
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