Complications
« Tout se complique. Autrefois à l’école, on faisait calcul, dictée, récitation, un peu d’histoire et de géographie et puis basta ! Au collège et lycée, c’était anglais ou allemand, à la rigueur espagnol ou italien. Maintenant, on a l’arabe, le chinois, le japonais, le serbo-croate, sans parler du breton ou du basque. »
« C’est la mondialisation en marche, il faut s’y faire. »
« Il y a pire. Jadis, on naissait, on faisait des études, on entrait à l’usine, on partait à la retraite, et on mourait tranquillement. Maintenant, ce n’est plus comme ça. A chaque âge de la vie, on a de multiples choix. Même pour mourir, en s’entretenant un peu on peut mourir beaucoup plus tard. Certains parlent même de ressusciter grâce à la cryogénie. »
« Oui, alors là, je me vois mal à 185 ans disputer mes gamin qui en auront 110. »
« Bon d’accord, restons concret. Avant, il y avait deux ou trois marques de dentifrices. Maintenant vous en avez quinze mètres de rayon dans les supermarchés : ceux qui rafraichissent, ceux qui luttent contre les caries, ceux qui se bagarrent contre la plaque dentaire, ceux qui virent toutes les bactéries de la bouche, ceux qui font les dents blanches, et ceux qui font tout en même temps. »
« C’est comme les shampoings, entre ceux qui font le cheveu soyeux, ceux qui le régénère, ceux qui le densifie, ceux qui évite les pellicules ou les démangeaisons, ceux qui démêle, ceux qui font des jolies boucles, je ne m’en sors plus. Le résultat, c’est que je fais n’importe quoi. »
« En fait, plus la vie se complexifie, plus les marchands de soupe en tirent profit puisqu’on fait tous n’importe quoi. »
« Remarquez qu’on nous vend aussi des miracles. Qui aurait cru il y a vingt ans que je pourrais converser en temps réel avec mon cousin d’Australie ? Ce n’est pas que j’ai grand-chose à lui dire, mais c’est pour le principe. »
« Le commerce des miracles est très juteux. On essaie déjà de nous vendre le dentifrice qui fait les dents blanches dès le premier brossage ! Ils sont à deux doigts de vous vendre le shampoing qui fait repousser les cheveux ! »
« Qu’est-ce qui faut pas entendre ! Bientôt, on aura la machine qui transforme l’eau en vin ! »
« Devant un tel déferlement, il faut garder raison. On peut comprendre que les jeunes soient un peu déboussolés. Maintenant, ils ne sont plus embauchés pour la vie dans une entreprise. Ils ont le choix entre CDD, intérim, contrats aidés, service civil, stage plus ou moins rémunérés. Ceux qui n’y comprennent rien et se trompent n’ont qu’à pas se tromper. »
« Plus tard, ça ne s’arrange pas. Avant on se mariait et on avait souvent des enfants. Aujourd’hui on a le choix entre mariage, concubinage, pacs, vie en couple, vie en couple « chacun chez soi » ou alors rien du tout. Pour les enfants, je ne vous dis pas. Ils ne savent plus où est le papa et la maman. »
« N’exagérons pas. Il reste des points de stabilité : les vacances, Noël, la rentrée des classes, le rythme des saisons. »
« Même ça, c’est bon pour nous créer des complications. Autrefois, on partait en vacances. Maintenant, il faut suivre un régime avant pour avoir l’air de quelque chose sur la plage. A Noël, il faut commencer à se battre dans les magasins un mois avant et parfois après pour rapporter tous les jeux qui ne marchent pas. Pour la rentrée des classes, il faut choisir entre cent cinquante marques de baskets pour le gamin qui n’en sera pas forcément content ! »
« Pff… Est-ce qu’il reste encore un bistrot pour aller prendre l’apéro ? »
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