Les nouveaux et les anciens
11 janvier, 2015« Vous êtes nouveau ? Vous m’intéressez…. »
« Pourquoi ? Les anciens ne vous passionnent plus ? »
« Non. Je les connais par cœur. Ils ne me surprennent plus. Tandis que vous, avec votre air de débarquer de nulle part, vous êtes très intéressant… »
« Oui, mais ce que vous me dites me déprime. Dans trois mois, je serai un ancien et plus personne ne s’intéressera à moi. »
« Il vous restera la possibilité de vous intéresser à moi. »
« Bin … non, parce que vous serez un ancien aussi pour moi. Et puis, il faudrait que vous soyez très, très intéressant ce qui n’est pas sûr. »
« Si je comprends bien ce qui est nouveau est mieux que ce qui est ancien. »
« Oui, ça permet d’espérer et l’espoir fait vivre, c’est bien connu. Par exemple, quand on voit arriver la nouvelle année, on espère tous qu’elle sera meilleure que la précédente. Comme des imbéciles, puisqu’après le 15 janvier la nouvelle année n’est plus si nouvelle que ça. »
« C’est comme quand on élit un nouveau président. Pendant trois mois, on croit qu’il va s’occuper sérieusement de nos affaires et puis il part en vacances. Et au mois de septembre, ça devient déjà un ancien président. »
« La nouveauté est un instrument marketing puissant. Vous mettez en vente un nouveau smartphone. Il suffit de dire qu’il est nouveau pour faire monter les ventes, jusqu’à ce que votre concurrent sorte un smartphone plus nouveau que nouveau. »
« Bon, en voilà assez, nous pourrions inventer le marketing de l’ancien. »
« C’est intéressant. Par exemple, on pourrait mettre sur le marché un téléviseur qui ne capte qu’une seule chaine comme en 1960. Ça éviterait à des millions de ménages de s’arracher la télé commande des mains. »
« Nous aurions du succès. Il y a toujours de la place pour les amoureux du passé. »
« Ce qui est dommage, c’est qu’ils passent pour des excentriques alors que les modes de vie d’avant n’étaient pas forcément plus idiots que les nôtres. »
« Certes, mais attention de ne pas tomber d’un extrême à l’autre. Après avoir manifesté de l’enthousiasme pour la nouveauté, ne glorifions pas trop les anciens. Par exemple, ils étaient obligés de moudre leur café à la main au lieu d’utiliser des dosettes comme nous. Ce n’est pas un progrès, ça ? »
« Sans doute, mais on peut remarquer que nos anciens construisaient des cathédrales comme personne. Alors que nous, on a une architecture de m… »
« Vous avez raison, mais combien d’ouvriers ont laissé leur vie dans la construction de la cathédrale de Reims ou de Paris. Finalement, on n’a peut-être plus le courage de bâtir des beaux trucs, mais on reste en vie plus longtemps. »
« Bon, alors plus de neuf, plus d’ancien. Qu’est-ce qui nous reste ? »
« Le présent, les meubles de Conforama, les cafetières multifonctions, la télé réalité, le passage du facteur quand il ne neige pas… le chat qui regarde par la fenêtre. »