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Aimer ou haïr

1 janvier, 2015

« J’ai besoin d’affection. Vous pourriez m’en donner un peu. »

« Bon, moi je veux bien, mais comment on fait ? »

« Regardez-moi avec intérêt. Dites-moi que vous aimez ma présence. Que je vous manque quand je ne suis pas là. Que vous fondez de plaisir en me retrouvant. »

« Euh, c’est peut-être beaucoup dire. Il faudrait que vous me montriez de l’affection aussi, sinon je risque d’être déçu. »

« Ce n’est pas possible. C’est moi qui aie besoin d’affection. En plus, il ne faut pas que ça se sache, sinon je passerai pour un être faible. Il faut donc que je fasse semblant de ne pas être sensible à l’affection que vous pourriez me porter. Je dois être un homme fort, pas une femmelette ! »

« C’est compliqué. Si je comprends bien, je dois vous aimer parce que vous en avez besoin, mais vous vous en ficherez complètement pour prouver aux autres qu’on ne vous la fait pas. Est-ce que ce ne serait pas plus simple que je ne vous aime pas. Que vous me laissiez indifférent ? »

« L’indifférence ? Surtout pas ! On pourrait croire que je suis une espèce de quantité négligeable qui ne vous inspire aucun sentiment.  Je préfèrerais que vous me détestiez, si ça ne vous dérange pas trop. Comme ça, je pourrais démontrer d’une part, que j’ai de la personnalité puisqu’on peut me haïr et d’autre part que je me fiche complètement qu’on me déteste. A la limite, je pourrais même en tirer parti, en montrant ma capacité de résistance à l’adversité. »

« Bon… mais il me faudrait de bonnes raisons pour vous aimer ou vous détester. »

« Pff.. Pas besoin. Il suffit que vous adoriez mon allure sportive et mes manières polies. Ou alors que vous ne supportiez pas ma manière de rouler les mécaniques ou de couper la parole à tout le monde. Si ça peut vous arrangez, vous pouvez aussi me trouver hypocrite. »

« Et moi alors qu’est-ce que je deviens là-dedans ? Finalement, on ne s’intéresse qu’à vous ! »

« C’est vrai. Vous avez deux solutions : ou bien faire assaut de générosité en aimant ma façon un peu pathétique d’être entouré, ou bien exécrer mes manières égoïstes. Dans les deux cas, ça me va très bien. Me haïr, c’est finalement une façon de m’aimer puisque vous montrez que vous prenez mon existence en considération, même négativement. »

« Ça ne vous dérange pas d’être pathétique ? »

« Si un peu, mais je fais avec les moyens du bord. Je vous demanderais de ne pas employer ce mot car je veux bien être aimé, mais sans me détester moi-même. Si je n’ai pas d’estime pour moi, ça ne va pas solutionner mon problème. »

« Et que je haïsse votre égoïsme, ça ne vous dérange pas non plus ? »

« Si un peu. L’égoïste n’est pas un être très fréquentable. Je ne voudrais pas que vous vous découragiez de me fréquenter. »

« Alors, on fait comment ? »

« Il faut que vous m’aimiez ou me détestiez, mais dans une juste mesure. Vous pourriez hésiter, vous dire que je ne suis peut-être pas celui que vous croyez. En un mot, il faudrait que vous ayez une opinion, mais pas trop tranchée. Autrement dit, il que je sente que vous vous intéressiez à moi sur la durée, que vous changiez d’avis de temps en temps. Si je me sens catalogué une bonne fois pour toutes, je vais sûrement me sentir méprisé. Soyez un peu compréhensif, tout de même ! »